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27/03/18

DEXIA se dégage enfin d’Israël, sept ans après en avoir pris l’engagement

Le quotidien économique L’Écho annonce que DEXIA “a vendu sa participation de 58,9% dans Dexia Israel Bank”, sept ans après que le Président du groupe bancaire belgo-français, à l’époque l’ancien premier ministre belge Jean-Luc Dehaene 1, ait pris l’engagement devant l’Assemblée générale des actionnaires de procéder à ce désengagement.

Pour L’Écho, “voilà une nouvelle épine hors du pied de Dexia : Dexia Israël. Dexia Crédit Local a en effet conclu un accord concernant une transaction de gré à gré au sujet de la cession de toutes ses actions dans Dexia Israel Bank”, pour un prix total  de ±82 millions d’eurosAvec cette vente, précise le quotidien économique, Dexia clôture son programme de cessions obligatoires de ses franchises commerciales. On peut donc vraiment dire qu’ils auront repoussé le moment autant qu’il était possible…

Dexia Israël était sous contrôle de Dexia Crédit Local depuis février 2001. Cette participation avait valu à Dexia d’être une des cibles prioritaires de la campagne BDS en Belgique et en France, dans la mesure où Dexia-Israël participe directement à la colonisation des territoires palestiniens en finançant des investissements dans les colonies juives en Cisjordanie.

La Plate-forme Charleroi-Palestine avait organisé – dans le cadre de la “Plate-forme Palestine occupée-Dexia impliquée” réunissant environ 80 organisations en Belgique –  plusieurs actions pour attirer l’attention sur cette scandaleuse implication d’une banque belge dans la violation des droits des Palestiniens et du droit international par voie de conséquence. Ainsi par exemple, les vitres d’une agence bancaire à Charleroi avaient été recouvertes de grands autocollants qui parodiaient une publicité que la banque diffusait à l’époque en faveur de ses crédits hypothécaires “Construisez sur des terres volées en PALESTINE, DEXIA financera votre projet”.

A plusieurs reprises aussi des militants, qui avaient acheté une action DEXIA à cette seule fin, avaient pris la parole devant l’Assemblée générale des actionnaires du groupe pour dénoncer cette participation et l’obstination de sa direction à la conserver. Évidemment, jamais Jean-Luc DEHAENE n’avait admis la moindre faute de DEXIA, mais il avait fini par s’engager à vendre Dexia-Israël, dans le cadre d’un vaste plan de réduction de la voilure du groupe, qui était déjà alors en fâcheuse posture. Son effondrement total avait fini par mettre un terme à la campagne de protestations, même si comme on le voit aujourd’hui le scandale a encore perduré longtemps (mais “l’affaire DEXIA” est en elle-même un autre scandale, et la superposition des scandales rendait le message de la campagne BDS visant la banque très peu lisible pour le grand public).

On trouvera sur ce site pas mal d’articles traitant, directement ou indirectement, de cette affaire.

Une question qui était posée à l’époque reste parfaitement d’actualité : comment les victimes palestiniennes des agissements de DEXIA seront-elles indemnisées par le groupe bancaire ? Avec une parfaite hypocrisie, J-L DEHAENE avait évoqué lors de l’A.G. des actionnaires de mai 2011, où il était assailli de questions,  qu’il n’était « pas exclu » que Dexia puisse prendre, par exemple par le biais d’une fondation “des initiatives positives en faveur des Palestiniens”. On les attend évidemment toujours.

Mais la question de la responsabilité pénale des dirigeants, évoquée lors de la même A.G. des actionnaires par des juristes qui ne sont pas des fantaisistes, ne reste-t-elle quant à elle pas posée ?

MàJ :

Nous avons interrogé à ce propos le Professeur Eric David, professeur de droit international à l’ULB, pour qui deux types d’incriminations pénales sont possibles : soit celle de blanchiment d’argent, soit celle de crime de guerre. Ou les deux.

En ce qui concerne le blanchiment d’argent, on pourrait considérer que DEXIA s’est rendue coupable, par l’intermédiaire de sa branche israélienne, d’avoir donné une apparence de légalité à des capitaux d’origine criminelle en participant au financement de colonies israéliennes en Cisjordanie. La colonisation étant totalement illégale, au regard du droit international, ce que le groupe bancaire belgo-français et ses dirigeants ne pouvaient ignorer, l’implication de la banque dans cette activité est elle-même illégale. Il y aurait évidemment lieu de déterminer avec précision les époques où cela a eu lieu, pour s’assurer qu’un problème de prescription ne se pose pas. Les tribunaux belges seraient parfaitement compétents pour en connaître.

Si on retenait l’hypothèse de la complicité de crime de guerre – la colonisation en elle-même en est un – la question de la prescription ne se pose pas, puisque ces crimes sont par définition imprescriptibles, mais d’autres obstacles de nature plus politique devraient être surmontés. Il faudrait en effet réunir une Cour d’Assises pour juger des crimes de guerre et on mesure qu’il y a là quelques freins… En outre, il faudrait déterminer qui poursuivre exactement : le groupe en déconfiture, en tant que personne morale, ou certains de ses dirigeants (lesquels ?) en tant de personnes physiques. Pas simple. Mais pas impossible.

L.D.

 

1. décédé en mai 2014

 

Source: Plate-forme Charleroi Palestine