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23/03/13

Etiquetage ou interdiction des produits des colonies ?

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Christophe Perrin (BDS France)

Les Pays-Bas vont demander aux distributeurs commerciaux bataves de bien vouloir mettre en œuvre des mesures d’étiquetage permettant de différencier les produits issus des colonies israéliennes. Ils rejoignent ainsi l’Angleterre et le Danemark qui ont déjà pris des mesures similaires. A l’instar de ceux-ci, l’exécutif hollandais ne prévoit aucun régime de sanctions en vue de faire respecter ces « recommandations » par les réseaux de distribution. Précision importante qu’il a tenu a apporter lors de l’annonce de ces mesures : « l’importation de produits des colonies n’est pas illégale ».

Ces mesures portant sur l’étiquetage des produits des colonies suscitent un débat. Pour certains, elles iraient dans le bon sens. Elles tendraient à démontrer que les institutions et les gouvernements européens jugeant les colonies israéliennes illégales et présentant un obstacle à la réalisation de la paix, ont enfin pris la décision d’agir en mettant en œuvre le droit. Il s’agirait d’un premier pas.

Pour d’autres, l’étiquetage des produits des colonies serait un faux problème. Les mesures prises en ce sens constitueraient un dérivatif dont les conséquences seraient néfastes pour les Palestiniens. Elles viseraient avant tout à donner le change à peu de frais à des opinions publiques européennes soucieuses du respect du droit des palestiniens, et qui majoritairement condamnent les violations du droit commises par Israël. Dans cette affaire d’étiquetage, l’objectif de ses promoteurs ne relèverait pas du respect du droit international et du droit communautaire. Au contraire, ces mesures juridiques « molles » viseraient à les déconstruire, à les délégitimer en tant que références premières nécessaires à un règlement juste de la question.

Se forger une opinion nécessite assurément d’écouter les premiers intéressés que sont les Palestiniens. Ce sont eux qui sont confrontés aux entreprises coloniales dont la production et la commercialisation des produits représentent un préjudice majeur. Il est notable que les Palestiniens, les paysans et leurs syndicats pas plus que les réseaux de résistance de la société civile ne demandent l’étiquetage de ces produits en Europe mais l’interdiction de leur commercialisation. Cette demande explicite a été réaffirmée dans l’appel du 4 février 2013 « Farming Injustice: End all Trade with Israeli Agricultural Companies » à l’occasion d’une journée mondiale d’action contre les entreprises agro-alimentaires israéliennes. Toutes les organisations paysannes palestiniennes ont signé cet appel l’inscrivant dans le cadre de la campagne BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions).

Il paraît également nécessaire d’examiner l’état du droit sur la question des produits des colonies. Cet examen permettra de considérer et d’évaluer au regard du droit le bien fondé – ou non – de l’interdiction demandée par les Palestiniens et des mesures d’étiquetage proposées par certains gouvernements européens.

I – Produits des colonies, que dit le droit international ?

La situation des Territoires Palestiniens est extrêmement claire du point de vue juridique. Depuis la guerre lancée en 1967 par Israël et l’occupation qui perdure jusqu’à aujourd’hui, les Territoires Palestiniens sont des territoires occupés régis par le droit international humanitaire. La IVème Convention de Genève de 1949 et le règlement de la Haye de 1907 sont les deux textes fondamentaux qui s’appliquent ; ils sont complétés depuis 1995 par le traité de Rome qui institue la Cour Pénale Internationale.

Les arguments fallacieux élaborés par la Cour Suprême de l’État d’Israël, visant à nier la réalité juridique de territoires occupés entraînant la non applicabilité du droit  international humanitaire, ont été balayés par la Cour Internationale de Justice, ainsi que par la Conférence des États parties à la IV Convention de Genève de juillet 1999. Le rappel de l’applicabilité de la Convention au cas de la Palestine par l’Assemblée Générale de l’ONU et par le Conseil de Sécurité est également constant et invariable.

1) Règlement de la Haye

Le règlement de  la Haye de 1907 définit ce qu’est un territoire occupé, il précise les devoirs de l’occupant, ce qu’il peut faire et ne pas faire. Des réquisitions en nature sont possibles, mais uniquement pour les besoins de l’armée d’occupation. Par contre la propriété privée doit être respectée, elle ne peut être confisquée. L’occupant n’est qu’un administrateur et usufruitier des édifices publics, immeubles, forêts et exploitations agricoles.

Au regard du règlement de la Haye, l’implantation des colonies, qu’elles soient agricoles, industrielles ou de peuplement, ne relève d’aucune nécessité militaire, elle entraîne par contre la destructions de biens meubles et immeubles civils ainsi que des violations importantes de la propriété privée.

2) IVème Convention de Genève

Cette Convention de Genève réglemente le traitement des populations civiles en cas de conflit armé et d’occupation. Elle proscrit formellement les  transferts forcés, en masse ou individuels, ainsi que les déportations hors du territoire occupé. De même, la convention interdit à la puissance occupante le transfert d’une partie de sa propre population civile dans le territoire qu’elle occupe, comme la destruction des biens mobiliers et immobiliers appartenant collectivement ou individuellement à des personnes privées ou publiques.

Ces « violations graves » de la IVème Convention de Genève sont les fondements mêmes des politiques de colonisation et d’occupation israéliennes que les gouvernements européens condamnent de manière constante et répétée, sans pour autant tenter d’y mettre un terme. Pourtant ces mêmes États ont pris l’engagement « …de respecter et de faire respecter la présente Convention en toutes circonstances ».

Cet engagement inscrit dans le premier article de la IVème comme dans toutes les conventions de Genève n’est pas une figure de style. Le motif de la Convention est tellement supérieur, il est si universellement reconnu comme un impératif de la civilisation, qu’on éprouve le besoin de le proclamer, autant et même plus pour le respect qu’on lui porte que pour celui que l’on attend de l’adversaire. L’absence de volonté des Etats européens de respecter cet engagement en prenant des mesures susceptibles de mettre un terme à la colonisation des territoires palestiniens par Israël constitue en elle-même une violation de la IVème Convention de Genève.

3) Statut de la Cour Pénale Internationale

Les dernières avancées en matière de droit international rendent cette apathie européenne encore plus surprenante . En effet, le statut de la Cour Pénale Internationale entré en vigueur en 2002 a requalifié certaines prescriptions du droit international humanitaire. C’est ainsi que les transferts forcés de populations et les déportations, les destructions de biens et le transfert de sa propre population par la puissance occupante, définis comme « violations graves» au droit de la guerre par la IVème CG sont requalifiés et désignés comme « crimes de guerre » par le Statut de la Cour Pénale Internationale.
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4) Produits des colonies

Les produits des colonies, et par voie de conséquence leur étiquetage, ne sont pas des questions auxquelles le droit international humanitaire ou le droit pénal international répondent explicitement. Par contre, ces derniers définissent et proscrivent les actes et les processus qui rendent leur existence possible. Les produits issus des colonies sont la conséquence directe de ces actes et de ces processus illégaux. Le principe général du droit Fraus omnia corrumpit (la fraude entache de nullité tout acte accompli sous son couvert) appliqué au cas d’espèce apporte une réponse sans équivoque : l’illégalité de la colonisation entache de nullité toutes ses conséquences, notamment la production et la commercialisation de marchandises qui en seraient issues. L’étiquetage apparaît comme une réponse pour le moins problématique. Comment peut-on répondre au crime de guerre par un accommodement commercial ?

5) Complicité

De surcroît, la question de la facilitation ou de la contribution au crime est un autre élément introduit en droit pénal international par le statut de la CPI dont il faut tenir compte. En effet, les marchandises produites dans les colonies étant constitutives du crime de guerre, la responsabilité pénale de ceux qui ne s’opposent pas à leur  production et à leur commercialisation est posée. Il est justifié de considérer l’étiquetage, qui n’interdit pas le crime mais l’accommode, comme relevant de cette notion de complicité.

Du point de vue du droit international humanitaire, il est clair que les produits des colonies  sont  illégaux, et à ce point d’examen du droit, il est incontestable que la demande des Palestiniens d’interdire la commercialisation de ces produits apparaît fondée.

Mais avant de tirer une conclusion définitive, il convient d’examiner le droit communautaire. Il se pourrait que celui-ci soit contradictoire avec le droit international humanitaire.

II – Produits des colonies, que dit le droit communautaire ?

1) Cadre général

Le Traité de Lisbonne dispose que : « L’Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, de l’État de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités. Ces valeurs sont communes aux États membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l’égalité entre les femmes et les hommes » (article 2).

La PESC (politique étrangère et de sécurité commune) réaffirme ces valeurs et ces principes dans le cadre de l’action extérieure. Celle-ci repose sur «  le respect des principes de la Charte des Nations Unies et du droit international ».

Même si cela relève de l’évidence, nous constaterons que le fait colonial israélien (déplacements de population forcés, déportations, vols de terre et d’eau, implantation de sa propre population dans des territoires occupés, exploitation illicite) ne répond pas aux standards et aux valeurs que les membres de l’UE se sont donnés.

2) Accord d’association

En 1995, dans le cadre du processus de Barcelone, l’UE. s’est engagée dans le développement de partenariat avec les pays tiers du pourtour méditerranéen ( Algérie, Chypre, Égypte, Israël, Jordanie, Liban, Malte, Maroc, Syrie, Tunisie, Turquie et Autorité palestinienne).

Conclu en novembre 1995 et entré en vigueur en juin 2000, l’accord d’association UE / Israël  instaure une exonération des droits de douane à l’importation et à l’exportation entre la Communauté et Israël. Seuls les produits entièrement obtenus en Israël ou d’une autre provenance, mais qui ont fait l’objet d’une transformations suffisante en Israël, sont concernés par l’accord.  Ce dernier ne s’applique que dans le cadre des frontières d’Israël reconnues internationalement, celles de 1949. Les produits provenant des colonies dans les territoires occupés sous administration israélienne ne doivent pas bénéficier du régime douanier préférentiel. Un accord similaire est signé par l’UE avec l’OLP (Organisation de Libération de la Palestine) agissant pour le compte de l’Autorité Palestinienne. La Cisjordanie et la bande de Gaza sont les territoires où s’applique exclusivement cet accord.

La pérennité de ces accords d’association est soumise au respect des valeurs et des principes qui fondent et régissent l’UE. C’est sur la base du non respect de ces valeurs par Israël que le Parlement Européen a voté en avril 2002 la suspension des accords d’association. La Commission et le Conseil n’avaient donné aucune suite, au prétexte que le vote du parlement n’avait pas de caractère contraignant.

3) Une fraude permanente

Dès son entrée en application, l’État d’Israël ne respecte pas l’accord d’association et fraude sur l’origine, en exportant sous certificat israélien des produits (des colonies ou palestiniens) issus des territoires occupés de Palestine.

A plusieurs reprises, les autorités européennes ont fait part de leur doute sur la validité des certificats émis par Israël, notamment en 1997, en 1998 et en 2001. Face au caractère massif et répétitif de ces fraudes, la commission  a édicté un arrangement technique (avis n° 2005/C 20/02). Cet avis exigeait à compter du 1er février 2005 que soit notifié sur tous les certificats de circulation accompagnant les produits « le nom de la ville, du village ou de la zone industrielle où a eu lieu la production conférant le statut d’origine ». Malgré cette nouvelle règle, les fraudes ont gardé leur caractère systématique du fait de l’absence de contrôle contradictoire sur place des certificats d’origine établis par Israël.

4) Étiqueter pour ne pas sanctionner

En 2008, le gouvernement britannique diligentait une enquête sur les produits agricoles exportés par Israël au Royaume-uni. Les inspections douanières révélaient l’inefficacité de l’arrangement technique de  2005. Le rapport d’enquête concluait à l’impossibilité de garantir que les produits venaient bien de la zone indiquée par le certificat d’origine, les enquêteurs faisaient état de nombreuses fausses déclarations. On pouvait s’attendre à ce que le gouvernement britannique sanctionnât ces fraudes sur la base du droit communautaire. Mais il n’en fit rien et au nom de la protection du droit des consommateurs il publiait en décembre 2009 un code de bonne conduite non contraignant priant les distributeurs de bien vouloir différencier l’étiquetage des produits issus des colonies israéliennes.

Quatre ans après sa publication, il est notable de constater que cette  mesure a eu comme principale conséquence l’intensification des pratiques frauduleuses israéliennes. Les produits des colonies sont aujourd’hui exportés sous couvert de lieux d’origine situés en Israël. La fraude n’était pas difficile à mettre en œuvre. En l’absence de tout contrôle contradictoire sur place, il suffisait à Israël de ne plus appliquer l’avis technique de 2005, une simple modification des mentions sur les emballages et les documents de certification faisant l’affaire. Dawood Hammoudeh, directeur exécutif du Syndicat des agriculteurs palestiniens UAWC déclarait fort justement au début de l’année 2013 : « L’étiquetage exact des produits des colonies devient presque impossible dans le contexte d’une tromperie totale des fournisseurs israéliens, spécialement quand ce sont les sociétés israéliennes elles-mêmes qui gèrent l’importation des produits… ».

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5) L’arrêt BRITA

Cet arrêt pris par la Cour de justice de l’Union Européenne en 2010 a fait grand bruit. Pour la première fois, la plus haute autorité judiciaire de l’Union répondait en droit sur la problématique des produits des colonies.

L’affaire remonte à 2002. La société allemande Brita importait des gazéïficateurs d’eau fabriqués par la société Soda-Club dans la colonie de Mishor Adumin en Cisjordanie. Les services des douanes allemandes refusaient d’accorder le tarif douanier préférentiel demandé par Brita en raison de l’implantation géographique de la société Soda-Club. Interrogées par les douanes allemandes sur l’origine précise des marchandises, les autorités israéliennes répondaient qu’elles provenaient d’une « zone sous responsabilité douanière israélienne ». Prenant acte de l’imprécision de cette réponse, les douanes allemandes maintenaient leur décision initiale. Brita contestait celle-ci devant le Tribunal des finances de Hambourg, lequel saisissait la Cour de justice d’une question préjudicielle précise :

– Les marchandises fabriquées en territoires palestiniens occupés peuvent-elles bénéficier du régime préférentiel instauré par l’accord Europe-Israël ?

– En cas de réponse négative à cette première question, l’État d’Israël peut-il se prévaloir de l’accord UE/OLP pour certifier des produits fabriqués en territoires palestiniens occupés ?

– Les certificats délivrés par Israël pour ces produits issus des territoires occupés sont ils
opposables aux pays européens ?

La CJUE répondait par la négative à ces trois questions. Mais l’arrêt Brita va plus loin car  l’argumentation juridique développée par le juge en vue de répondre aux questions posées est, en droit, tout aussi importante que les conclusions elles-mêmes. Or, que dit le juge dans les attendus de l’arrêt ?

D’abord que l’UE a conclu deux accords d’association distincts, l’un avec Israël, l’autre avec l’OLP agissant pour le compte de l’Autorité Palestinienne.

Ensuite que chacun de ces deux accords d’association a un champ d’application territorial propre. L’accord d’association CE-Israël dispose que celui-ci s’applique au «territoire de l’État d’Israël» (art. 83). L’accord d’association CE-OLP énonce que celui-ci s’applique au «territoire de la Cisjordanie et de la bande de Gaza» (art. 73).

Et enfin qu’Israël et l’OLP disposent chacun d’une compétence exclusive pour délivrer les certificats d’origine  des marchandises ou pour agréer les exportateurs implantés sur le territoire placé sous leur administration.

En conséquence :

Seule l’Autorité Palestinienne est habilitée à délivrer un document de certification pour les marchandises provenant de Cisjordanie et de Gaza, et ceci quel que soit le producteur, qu’il soit palestinien, colon israélien ou ressortissant de n’importe quel autre État. Ce pouvoir de certification est exclusif. Pour la Cisjordanie et la bande de Gaza, l’État d’Israël ne dispose d’aucune capacité de certification, et donc les documents de certification que celui-ci établit pour les produits des colonies israéliennes de Cisjordanie n’ont aucune valeur, ils sont nuls et non avenus. Or, la règle veut qu’une marchandise dépourvue de document de certification est interdite d’entrée sur le territoire de l’Union Européenne.

De fait, l’arrêt Brita apporte une réponse définitive à la question de l’étiquetage. Celle-ci ne se pose pas, et ne peut être posée, car on ne peut étiqueter une marchandise dont l’entrée sur le territoire de l’UE est interdite parce qu’elle ne dispose pas des documents de certification qui doivent obligatoirement l’accompagner. La simple application de la décision de la CJUE devrait entraîner purement et simplement  l’interdiction d’entrée des produits des colonies.

6) l’étiquetage comme moyen de ne pas appliquer la décision Brita

On comprendra aisément la réticence des responsables européens à faire état de l’arrêt Brita lorsqu’ils s’expriment sur le problème des produits des colonies car cette décision leur indique clairement en droit  la voie de son règlement : l’interdiction d’entrée sur le territoire européen.

Tout récemment, la réponse du Ministre des Affaires Étrangères, M. Laurent Fabius, à la question écrite posée par le député de l’Oise, M. Patrice Carvalho illustre parfaitement ce refus d’appliquer l’arrêt de la CJUE qui entraînerait des sanctions vis-à-vis d’Israël.

Présentant les dernières violations israéliennes du droit des Palestiniens, le député de l’Oise rappelle que celles-ci devraient entraîner la suspension de l’accord d’association. En l’attente d’une telle mesure européenne, il demande à Laurent Fabius si la France « ne pourrait interdire  l’entrée des produits provenant des colonies puisqu’elle ne reconnaît pas la légitimité de ces implantations au regard de la IVe Convention de Genève ? ».

Dans sa réponse, le Ministre des Affaires Étrangères faisant l’impasse totale sur l’arrêt Brita indique que « la France se conforme à l’avis aux importateurs C-20 publié au Journal officiel de l’Union européenne du 25 janvier 2005 ». Comme nous l’avons vu précédemment, cet avis technique de 2005 s’est avéré inefficace du fait qu’aucun contrôle contradictoire des pratiques israéliennes de certification n’est opéré.  Mais plus grave, il ne s’agit que d’un avis technique dont l’importance sur le plan juridique est nulle comparée à celle de l’arrêt Brita de la CJUE. Pour quelle raison Laurent Fabius commet-il une telle omission ? La suite de sa réponse est éclairante : « La France étudie actuellement, en lien avec plusieurs de ses partenaires européens, la possibilité de publier un code de conduite sur l’étiquetage distinctif des produits issus des colonies, comme il en existe aujourd’hui au Royaume-Uni et au Danemark ». Ce projet contredit l’arrêt Brita.

En conclusion

Le droit, qu’il soit international ou communautaire penche du côté de la position des Palestiniens qui demandent très justement que les produits des colonies soient interdits de commercialisation en Europe. Le refus des autorités européennes d’appliquer le droit et de sanctionner les violations commises par Israël permet à l’injustice de perdurer en toute impunité. Le souci de Laurent Fabius et de ses pairs est de ne pas apparaître, aux yeux des opinions publiques solidaires des Palestiniens, comme les promoteurs et les gardiens avérés de cette impunité. Ils leur faut donc continuellement  actualiser un discours et inventer des stratagèmes qui se parent de la vertu du droit mais qui se gardent bien de le mettre en œuvre ; l’étiquetage des produits des colonies en est le dernier avatar.

Nous l’avons vu, ces mesures d’étiquetage ne relèvent pas de l’application du droit mais bien de sa négation. Négation du droit international humanitaire et négation du droit communautaire.

Par ailleurs, indépendamment de l’opinion que l’on peut avoir sur l’option de deux États défendue par les États européens, il est clair que ces mesures d’étiquetage décrédibilisent totalement la position politique des États membres de l’UE sur la Palestine. Comment les responsables de ces États européens peuvent ils sérieusement prétendre soutenir l’établissement d’un État Palestinien viable, alors qu’ils piétinent le peu de souveraineté qu’ils lui ont accordée jusqu’à présent ? Car dans le cadre de l’accord UE/OLP, les Européens ont reconnu aux Palestiniens le droit exclusif de certifier les marchandises produites sur leur territoire. Or, mettre en place l’étiquetage de produits venant du territoire palestinien mais qui sont certifiés par un autre État, revient à nier ce droit. C’est assurément un acte de négation de la souveraineté de la Palestine.

Christophe Perrin membre de BDS France, anime par ailleurs la « Coalition juridique » issue de la « Coalition contre Agrexco ». Il est spécialisé sur les questions de xénophobie, racisme, discrimination à la Cimade.

[1] CIJ, 9 juillet 2004, Edification d’un mur dans le territoire palestinien occupé

[2] Les Etats parties à la Quatrième convention de Genève ont retenu l’application du texte aux territoires occupés, lors de la conférence qu’ils ont tenue le 15 juillet 1999. Dans la déclaration finale, ils « ont réaffirmé que la Quatrième convention de Genève était applicable au territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est ». Puis, le 5 décembre 2001, les Hautes Parties contractantes, eu égard notamment à l’article 1° de la Quatrième convention de Genève de 1949, ont réaffirmé une nouvelle fois « l’applicabilité de la convention au territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est ». Elles ont en outre rappelé à leurs obligations respectives les Parties contractantes participantes à la conférence, les parties au conflit et l’Etat d’Israël en tant que Puissance occupante.

[3] Assemblée générale, Résolution 56/60 du 10 décembre 2001 et 58/97 du 9 décembre 2003.
Conseil de sécurité, résolution 237 (1967).
Conseil de sécurité, résolution 271 (1969).
Conseil de sécurité, résolution 446 (1979).
Conseil de sécurité, Résolution 681 (1990).
Conseil de sécurité, Résolutions 799 (1992) du 18 décembre 1992 et 904

[4] Art. 42 : Un territoire est considéré comme occupé lorsqu’il se trouve placé de fait sous l’autorité de l’armée ennemie, et l’occupation ne s’étend qu’aux territoires où cette autorité est établie et en mesure de s’exercer

[5] L’article 43 donne à l’occupant le devoir de prendre « toutes les mesures qui dépendent de lui en vue de rétablir et d’assurer, autant qu’il est possible, l’ordre et la vie publics en respectant, sauf empêchement absolu, les lois en vigueur dans le pays ».

[6] Art. 52 : Des réquisitions en nature et des services ne pourront être réclamés des communes ou des habitants, que pour les besoins de l’armée d’occupation. Ils seront en rapport avec les ressources du pays et de telle nature qu’ils n’impliquent pas pour les populations l’obligation de prendre part aux opérations de la guerre contre leur patrie. »

[7] Art. 56 : L’honneur et les droits de la famille, la vie des individus et la propriété privée, ainsi que les convictions religieuses et l’exercice des cultes, doivent être respectés. La propriété privée ne peut pas être confisquée. »

[8] Art 55 : L’Etat occupant ne se considérera que comme administrateur et usufruitier des édifices publics, immeubles, forêts et exploitations agricoles appartenant à l’Etat ennemi et se trouvant dans le pays occupé. Il devra sauvegarder le fonds de ces propriétés et les administrer conformément aux règles de l’usufruit.

[9] Pour la Cour Internationale de Justice, le principe de la distinction des biens militaires et civils est l’un des «principes cardinaux » du droit international humanitaire, et l’un des «principes intransgressibles du droit international coutumier».

[10] 4Ème CG art. 49 : Les transferts forcés, en masse ou individuels, ainsi que les déportations de personnes protégées hors du territoire occupé dans le territoire de la Puissance occupante ou dans celui de tout autre Etat, occupé ou non, sont interdits, quel qu’en soit le motif. La Puissance occupante ne pourra procéder à la déportation ou au transfert d’une partie de sa propre population civile dans le territoire occupé par elle.

[11] 4Ème CG art.53. – Il est interdit à la Puissance occupante de détruire des biens mobiliers ou immobiliers,  appartenant individuellement ou collectivement à des personnes privées, à l’Etat ou à des collectivités publiques, à des organisations sociales ou coopératives, sauf dans les cas où ces destructions seraient rendues absolument nécessaires par les opérations militaires.

[12] 4Ème CG art. 1er . – Les Hautes Parties contractantes s’engagent à respecter et à faire respecter la présente  Convention en toutes circonstances.

[13] Statut CPI, art. 8, 2, a, iv. et art. 8, 2, b, viii

[14] Statut CPI, art 25, 3 c,d : « Aux termes du présent Statut, une personne est pénalement responsable et peut être punie pour un crime relevant de la compétence de la Cour si :
c) En vue de faciliter la commission d’un tel crime, elle apporte son aide, son concours ou toute autre forme d’assistance à la commission ou à la tentative de commission de ce crime, y compris en fournissant les moyens de cette commission ;
d) Elle contribue de toute autre manière à la commission ou à la tentative de commission d’un tel

[15] PESC art. 21 : « 1. L’action de l’Union sur la scène internationale repose sur les principes qui ont présidé à sa création, à son développement et à son élargissement, principes qu’elle vise à promouvoir dans le reste du monde : la démocratie, l’Etat de droit, l’universalité, et l’indivisibilité des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le respect de la dignité humaine, les principes d’égalité et de solidarité et le respect des principes de la Charte des Nations Unies et du droit international.

2. L’union s’efforce de développer des relations et de construire des partenariats avec les pays tiers et avec les organisations internationales, régionales ou mondiales qui partagent les principes visés au premier alinéa. Elle favorise des solutions multilatérales aux problèmes communs, en particulier dans le cadre des Nations Unies.

3. L’Union définit et mène des politiques communes et des actions et œuvre pour assurer un haut de degré de coopération dans tous les domaines des relations internationales afin :

c- de préserver la paix, de prévenir les conflits et de renforcer la sécurité internationale, conformément aux principes de la charte des Nations Unies, ainsi qu’aux principes de l’acte final d’Helsinki et aux objectifs de la charte de Paris, y compris ceux relatifs aux frontières extérieures ; »

[16] Conférence ministérielle euro-méditerranéenne, Barcelone, 27 et 28 novembre 1995

[17] Accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États  membres, d’une part, et l’État d’Israël, d’autre part, signé à Bruxelles le 20 novembre 1995 (JO 2000, L 147, p.3)

[18] Accord d’association euro-méditerranéen intérimaire relatif aux échanges commerciaux et à la coopération  entre la Communauté européenne, d’une part, et l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), agissant pour le compte de l’Autorité palestinienne de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, d’autre part, signé à Bruxelles le
24 février 1997 (JO 1997, L 187, p. 3).

[19] Accord UE/Israël article 2 : Les relations entre les parties, de même que toutes les dispositions du présent accord,  se fondent sur le respect des droits de l’homme et des principes démocratiques, qui inspire leurs politiques internes et internationales et qui constitue un élément essentiel du présent accord

[20] Avis aux importateurs, Importations effectuées d’Israël dans la Communauté (2005/C 20/02)

[21] House of Commons debate, 27 January 2010Column 313WH EU-Israel Trade Agreement

[22] Technical advice: labelling of produce grown in the Occupied Palestinian Territories – Department for Environment, Food and Rural Affairs 10/12/2009

[23] BDS : Farming Injustice – International trade with Israeli agricultural companies and the destruction of Palestinian farming 9/2/2013

[24] Arrêt du 25 février 2010, C-386/08 Firma Brita GmbH / Hauptzollamt Hamburg-Hafen

[25] Assemblée Nationale, 14ème législature, question n° :15233 – question publiée au JO le : 08/01/2013 page : 120 réponse publiée au JO le : 19/02/2013 page :1812