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22/06/14

Faire des affaires avec Israël : de plus en plus problématique

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Richard Falk – 20 juin 2014

Note : Ci-après est publiée une lettre préparée par la Coordination européenne des Comités et Associations pour la Palestine (European Coordination of Committee and Associations for Palestine – ECCP – http://www.eccpalestine.org/) et approuvée par John Dugard, Michael Mansfield, Eric David, et moi-même ; elle exhorte au respect des lignes directrices relatives à l’activité entrepreneuriale et financière avec des activités économiques illégales en Israël et en Palestine occupée, et elle est dictée par les mêmes principes que ceux de la campagne BDS (Boycott, Désinvestissement et Sanctions) ; il est remarquable que justement aujourd’hui, l’Église presbytérienne, dans un scrutin serré (310 pour, 303 contre) ait voté le désinvestissement de ses parts dans trois grandes entreprises engagées dans des activités légalement et moralement inacceptables en Israël. Il existe un élan grandissant associé au mouvement mondial de solidarité soutenant la lutte palestinienne pour obtenir une paix juste, incluant la réalisation des droits inscrits dans la législation internationale.

Coordination européenne des Comités et Associations pour la Palestine (ECCP)

Du 24 au 26 juin, 37 sociétés européennes de 11 États membres de l’Union européenne vont se rendre en Israël dans le cadre d’un projet de l’UE, « Mission pour la croissance » (http://ec.europa.eu/commission_2010-2014/tajani/priorities/missions-for-growth/index_fr.htm), avec l’objectif de « promouvoir des partenariats entre des sociétés israéliennes et européennes actives dans des secteurs comme la grande industrie et les industries de développement, en Israël ». Parmi les sociétés israéliennes participant à cette « Mission pour la croissance », il y a celles qui sont profondément complices de la politique d’occupation et d’apartheid d’Israël.

La précédente délégation en Israël d’une « Mission pour la croissance » date des 22 et 23 octobre de l’année dernière, où 97 sociétés européennes de 23 États membres de l’UE ont rencontré 215 sociétés israéliennes de différents secteurs industriels.

Dans cette lettre ouverte, soutenue par Richard Falk, John Dugard, Michael Mansfield et Eric Davic, les organisations membres de l’ECCP demandent aux entreprises européennes de renoncer à leur intention de s’engager dans le projet.

Lettre aux participants de la « Mission pour la croissance » de l’UE :

Nous, membres soussignés de l’ECCP – Coordination européenne des Comités et Associations pour la Palestine -, réseau influent de 47 organisations, ONGs, syndicats et organisations des droits de l’homme, de 21 pays européens, nous adressons à vous à propos d’une participation de votre société à la nouvelle mission en Israël, sous l’égide de l’Union européenne, nommée « Mission pour la croissance », avec l’objectif déclaré de tisser des liens commerciaux avec les entreprises israéliennes.

Nous vous écrivons pour vous rendre conscients des conséquences pour vos affaires qu’auraient ces projets, tant sur le plan légal, économique que de votre réputation, s’ils se concrétisaient.

Selon le centre de recherches israélien, WhoProfits (http://www.whoprofits.org/), les participants israéliens au programme de la « Mission pour la croissance » contribuent directement, et en sont complices, à des actions qui sont illégales en vertu du droit international. Par exemple, Elbit Systems, entreprise militaire israélienne, est impliquée dans la construction en cours du Mur d’Israël, jugé illégal par la Cour internationale de Justice en 2004 (voir en annexe et sur http://www.icj-cij.org/docket/files/131/1670.pdf). Constatant ces violations graves, en 2009 le fond souverain de Norvège pour la santé s’est désinvesti d’Elbit Systems (1).

Nous souhaitons vous rappeler que l’engagement des entreprises en Israël comporte des implications juridiques. De par le droit international, comme appliqué par la Cour internationale de Justice dans son avis consultatif du 9 juillet 2004 sur le mur et les colonies d’Israël, les États tiers violent leurs propres obligations de ne pas reconnaître ni prêter aide ou assistance à ces violations israéliennes graves s’ils autorisent une activité financière et économique en lien avec des entités complices. L’année dernière, le gouvernement des Pays-Bas a pris une mesure responsable en prévenant les sociétés domiciliées sur son territoire contre les implications juridiques des liens avec des sociétés israéliennes ayant une activité dans les territoires occupés. C’est ainsi que Vitens, le plus grand fournisseur d’eau des Pays-Bas, a rompu un accord avec Mekorot, l’entreprise publique israélienne de l’eau, à cause de son rôle dans le pillage de l’aquifère palestinien en Cisjordanie (2). PGGM, le plus important fonds de pension néerlandais, lui a emboîté le pas et s’est désinvesti des banques israéliennes en raison de « leur implication dans le financement des colonies israéliennes » (3).

Les Principes directeurs des Nations-Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme (http://www.ohchr.org/Documents/Publications/GuidingPrinciplesBusinessHR_FR.pdf), approuvés par le Conseil des droits de l’homme des Nations-Unies, expliquent que les entreprises doivent respecter les droits de l’homme et le droit humanitaire international. Les Principes exhortent aussi les États à retirer leur soutien et à ne pas fournir de services aux entreprises qui violent continuellement les droits de l’homme (4).

En septembre 2012, l’Assemblée générale des Nations-Unies a adopté un rapport sur la complicité des entreprises liées aux colonies illégales israéliennes, de Richard Falk, rapporteur spécial des Nations-Unies sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967. Le rapport recommande aux États de prendre des mesures pour rendre responsables les entreprisses de leur participation dans les violations israéliennes du droit international, et des mesures visant à mettre fin aux implications des entreprises dans les colonies illégales israéliennes (5).

En mars 2013, le Conseil des droits de l’homme des Nations-Unies a adopté le rapport de la mission d’enquête indépendante sur les colonies israéliennes. La mission affirme qu’une implication dans les activités coloniales relève de la compétence de la Cour pénale internationale et peut entraîner une responsabilité pénale.

Presque toutes les sociétés israéliennes sont profondément complices, directement ou indirectement, de l’oppression des Palestiniens, notamment le secteur des technologies de l’information qui puise dans les compétences du complexe militaire d’Israël et celui des entreprises manufacturières d’Israël, certaines étant basées dans les colonies, ou avec des points de distribution dans les colonies, participant ainsi à leur soutien.

Participer au projet et coopérer avec les entreprises israéliennes impliquées dans les colonies illégales et l’industrie militaire israéliennes seraient pour votre entreprise une prise de décision politique, laquelle vous rendrait profondément complice des violations par Israël du droit international, et de l’oppression par Israël des droits palestiniens.

Ainsi, votre entreprise deviendrait une cible légitime pour les boycotts, désinvestissements et manifestations populaires, et aurait à supporter des campagnes visant à pénaliser votre implication, vous causant des pertes économiques semblables à celles déjà infligées à l’entreprise française Veolia pour son implication dans l’entreprise coloniale, de même qu’à l’entreprise britannique de services de sécurité G4S (6). Le mouvement de Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS), d’où nous tirons notre force, va en se renforçant au niveau mondial depuis son lancement en 2005, pour, comme l’écrit le magazine The Economist, « devenir dominant » (7).

Le mouvement BDS a systématiquement ciblé les entreprises israéliennes et internationales complices – impliquées dans l’occupation, les colonies et les autres infractions au droit international par Israël -, des entreprises comme SodaStream, G4S, Ahava, Mekorot, Elbit, Veolia, Caterpillar, Africa Israel, toutes les banques israéliennes, entre autres, avec des succès significatifs et pour elles, des risques énormes pour leur réputation (8).

Nous allons par conséquent observer votre entreprise dans ses liens d’affaires avec Israël, et nous vous exhortons à renoncer à vos éventuels projets de coopération avec les entreprises israéliennes qui violent le droit international et les droits humains.

Sincèrement,

Coordination européenne des Comités et Associations pour la Palestine (ECCP)

Approuvée par :

Richard Falk : rapporteur spécial pour la Palestine au Conseil des droits de l’homme des Nations-Unies, 2008-2014, et professeur émérite de droit international, ayant occupé la chaire Milbank, université de Princeton.

John Dugard : professeur émérite, université de Leiden, ancien rapporteur spécial des Nations-Unies sur la situation des droits de l’homme dans le territoire palestinien occupé.

Michael Mansfield : professeur de droit, président de la société Haldane et d’Amicus ; avocat pour les droits humains depuis 45 ans.

Eric David : professeur de droit, université libre de Bruxelles


Annexe

Participants israéliens au projet de « Mission pour la croissance » qui violent les droits de l’homme et le droit international :

-* Ahava – Laboratoires de la Mer Morte : entreprise privée israélienne de cosmétiques qui opère depuis la Cisjordanie occupée. Ahava est la seule entreprise à vendre les cosmétiques de la mer Morte et elle est installée dans la zone occupée de la mer Morte. Son usine et son centre d’accueil pour visiteurs sont situés dans la colonie Mitzpe Shalem, sur la rive de la mer Morte, dans la partie occupée de la vallée du Jourdain, et un gros pourcentage des actions Ahava est détenu par deux colonies israéliennes de Cisjordanie (9).

-* Afcon Holdings : le groupe se livre à la conception, la fabrication, l’intégration et la commercialisation de systèmes électromécaniques et de contrôle. Une filiale du groupe – Afcon Contrôle et Automation – a fourni les détecteurs de métaux CEIA pour les checkpoints militaires israéliens dans les territoires palestiniens occupés ; tels le checkpoint du Tombeau des Patriarches (Machpela Cave) à Hébron, celui de Beit Iba et celui du terminal d’Érez à Gaza, de même que ceux montés dans la vallée du Jourdain occupée. En plus, en 2009, Afcon a fourni des services pour le projet de tramway de Jérusalem, qui relie les quartiers coloniaux de Jérusalem-Est occupée au centre de la cité. La société fournit aussi des services à l’armée israélienne, au service pénitentiaire israélien et à la police israélienne (10).

-* El-Go Team : fournisseur des portes de sécurité. Les portes pour véhicules et les tourniquets de la société sont installés aux checkpoints de Qalandya, Huwwara et Beit Iba, restreignant les mouvements de la population palestinienne occupée dans le territoire occupé (11).

-* Elbit Vision Systems : la société a fabriqué les systèmes électroniques de surveillance (caméras Lorros) pour le projet du mur de séparation dans sa section d’Ariel. C’est une filiale en propriété exclusive d’Elbit Systems (12).

-* Gila réseau satellite : fournisseur des services de communication par satellite. Des antennes de la société sont installées sur les checkpoints dans toute la Cisjordanie : à Azzun, Atma, Beit Iba et Anata, et dans le camp de réfugiés de Shu’afat. La société a également fourni l’armée israélienne en systèmes de communication par satellite VAST (à très petite ouverture d’antenne). Plusieurs antennes paraboliques ont été installées sur des véhicules blindés de transport de troupes (13).

-* Netfim : entreprise privée multinationale pour la technologie d’irrigation, qui assure aussi des services et des formations à des agriculteurs et entreprises agricoles dans le monde. La société fournit des technologies d’irrigation et des services au Conseil régional des colonies du mont Hébron et à la colonie de Maskiut. Des employés de cette société se sont portés volontaires pour l’unité de combat Oketz (unité canine) de l’armée israélienne. La société emploie 4000 salariés, possède 16 usines de fabrication dans 11 États, et plus de 27 filiales et représentations dans plus de 110 pays.

-* LDD Tech : fournit des services aux stations-service dans les colonies de Cisjordanie et de Jérusalem-Est.

1  http://online.wsj.com/news/

2  http://www.haaretz.com/news/

3 https://www.pggm.nl/english/what-we-do/Documents/Statement%20PGGM%20exclusion%20Israeli%20banks.pdf

4 http://www.business-humanrights.org/UNGuidingPrinciplesPortal/TextUNGuidingPrinciples

5  http://www.un.org/apps/news/

6  http://www.bloomberg.com/

7  http://www.economist.com/

8  http://mondoweiss.net/2014/

9  http://www.whoprofits.org/

10  http://www.whoprofits.org/

11  http://www.whoprofits.org/

12  http://www.whoprofits.org/

13 http://www.whoprofits.org/company/gilat-satellite-networks

 

Global Justice in the 21st Century

http://richardfalk.wordpress.com/2014/06/20/doing-business-with-israel-increasingly-problematic/

Traduction : JPP pour BDS France et CCIPPP