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28/09/12

Le boycott d’Israël commence à faire son chemin au niveau des gouvernements

Israël devrait-il être inquiet ? Absolument, car l’époque d’une totale impunité touche à sa fin.

Les voix critiquant l’occupation israélienne et les mauvais traitements infligés aux Palestiniens sont de plus en plus nombreuses – et pas seulement dans les milieux de la société civile, mais aussi parmi les gouvernements dans le monde.

Le tableau peut paraître sombre s’il est vu à travers le prisme des récentes conventions américaines pour les partis républicain et démocrate. Mais le monde n’est pas le gouvernement des États-Unis, qui n’agit que par égocentrisme politique et avec la volonté de plaire aux médias qui placent souvent les intérêts israéliens avant ceux des États-Unis eux-mêmes. Aujourd’hui, avec le recul que connaissent les États-Unis en tant que superpuissance économique, et par le fait que d’autres pays et blocs régionaux concourent pour une meilleure position dans le nouvel ordre mondial, Israël peut être certain de se retrouver isolé dans les prochaines années.

Presque tous les jours, de nouvelles preuves étayent cette réalité de plus en plus sévère. Les amis d’Israël sont pleinement conscients de cela, tout comme les politiciens israéliens. Ce qui apparaît de plus en plus évident, c’est que l’argent et le pouvoir ne suffisent plus à assoir une légitimité. L’Afrique du Sud ouvre la voie pour ce changement de vision au niveau mondial, et d’autres pays lui emboîtent le pas.

Récemment, le cabinet d’Afrique du Sud a adopté un décret exigeant qu’Israël fasse la distinction entre les produits fabriqués en Israël et ceux fabriqués dans les colonies juives illégales en Cisjordanie. La décision était à la fois politiquement et moralement saine, mais aussi dans la droite ligne de l’héritage anti-apartheid du pays. Elle reflète aussi une évolution naturelle de la politique en Afrique du Sud, pays qui n’a cessé de manifester de l’impatience à l’égard d’Israël à travers les années.

Il est clair que Israël a délibérément choisi l’option de l’apartheid, non seulement comme un résultat imposé sur le terrain par ses politiques militaires, mais avec une véritable volonté politique. La dernière décision de l’Afrique du Sud, toutefois, n’est pas seulement motivée par la nécessité politique. Les vétérans de la lutte anti-apartheid ont exercé une grande influence sur la société civile du pays. Même la nouvelle génération est imprégné du discours sur la liberté qui unit la plupart des secteurs de la société.

« La liberté pour la Palestine » était un choix naturel dans ce puissant discours et aucune propagande israélienne ne peut dissuader les Sud-Africains de se sentir solidaires des Palestiniens. Les sentiments sont, bien sûr, réciproques.

Le volume total du commerce israélien avec l’Afrique du Sud n’a jamais été extrêmement important, mais depuis 2009, le volume des échanges a chuté de façon importante, et les liens sur le plan politique sont devenus plus distants que jamais. Cela a eu beaucoup à voir avec la guerre d’Israël contre Gaza (hiver 2008-09) et ce qui a été considéré comme un acte de piraterie israélienne contre le navire turc Mavi Marmara le 31 mai 2011. L’Afrique du Sud, comme l’ont fait quelques autres pays, a rappelé son ambassadeur en Israël en signe de protestation contre le raid meurtrier qui a tué neuf militants pacifistes.

La question est de plus grande importance qu’une histoire de dollars et de centimes. Cela deviendra un facteur important quand un boycott mondial atteindra sa masse critique. Le vrai danger pour Israël est la priorité que l’Afrique du Sud continue de se donner, et qui servira de référence juridique et politique à d’autres pays.

Peu de temps après la décision de l’Afrique du Sud – qui a fait suite à plusieurs remarques venant de divers officiels décourageant leurs compatriotes de se rendre en Israël, et a été suivie d’un vote par une grande université pour le désinvestissement et le boycott – des responsables pro-israéliens ont essayé de lancer une mobilisation. Denis McShane, député britannique et membre du Conseil politique des « Amis travaillistes d’Israël », a réagi en faisant des parallèles consternants et historiquement aberrants entre l’Afrique du Sud et l’Allemagne nazie. Écrivant dans le Jewish Chronicle daté du 6 Septembre, Moira Schneider rapporte que MacShane « a comparé le boycott des produits israéliens à l’ordre kauf nicht bei Juden lancé par l’Allemagne nazie. »

« La critique d’Israël est parfaitement légitime, mais nous devons être clair que la nouvelle vague antisémite est en dehors de la critique légitime », a-t-il été cité. « La notion d’Israël comme un État d’apartheid est délibérément encouragée car un État d’apartheid ne peut pas exister. »

Alors que cette logique tordue a été exploitée à de nombreuses reprises dans le passé, l’alarme lancée par MacShane peut aujourd’hui s’expliquer en dehors du contexte politique de l’Afrique du Sud, mais plutôt par rapport à ce qui se passe dans son propre pays. En effet, il y a eu toute une série de déclarations qui reflètent les efforts en cours dans plusieurs pays européens pour faire adopter des lois relatives à l’illégalité des colonies juives.

D’après certaines récentes déclarations, le ministre britannique des Affaires étrangères Alistair Burt « a lâché le plus fort indice que le Royaume-Uni pourrait s’orienter vers une interdiction des marchandises provenant des colonies israéliennes illégales. » (The Electronic Intifada – 5 Juillet 2012). Vers la fin de l’année dernière, le ministre irlandais des Affaires étrangères et du Commerce a renouvelé l’engagement de son pays à exclure de l’Union Européenne les produits des colonies. Plus récemment, le 5 septembre, le quotidien israélien Haaretz a rapporté les propos du ministre norvégien des Affaires étrangères concernant l’importation de marchandises produites dans les colonies, « que nous considérons comme illégales selon le droit international. »

Encore plus important, le 7 septembre, leJerusalem Post a rapporté que « l’Union européenne envisage d’instaurer une interdiction sur les importations de produits fabriqués dans les colonies israéliennes, a déclaré un responsable du ministère grec des Affaires étrangères devant un groupe de journalistes israéliens et palestiniens à Athènes… »

Un tel changement dans le discours n’aurait jamais été possible sans la mobilisation de la société civile dans plusieurs pays. Comme en Afrique du Sud, les gouvernements sont tenus responsables par des groupes à la fois vigilants et infatigables, pour faire avancer le Boycott, le Désinvestissement et les Sanctions (BDS). Ces groupes ne diminueront pas leur pression tant qu’Israël n’aura pas changé de cap, respecté le droit international et libéré les Palestiniens de plusieurs décennies de servitude militaire.

Incapables de comprendre ce changement de perspective au niveau mondial, les politiciens israéliens répondent par une stratégie incohérente. Le porte-parole israélien du ministère des Affaires étrangères, Yigal Palmor, a accusé le gouvernement d’Afrique du Sud « d’exclusion et de discrimination. » Le gouvernement israélien a dénoncé une « discrimination flagrante », affirmant qu’elle était « fondée sur la distinction nationale et politique ». le vice-ministre des Affaires étrangères, Danny Ayalon, est allé encore plus loin, accusant l’Afrique du Sud de ce qui est exactement reproché à Israël : « Malheureusement, il s’avère que les changements qui ont eu lieu en Afrique du Sud au cours des dernières années n’ont pas apporté des changements fondamentaux dans le pays, qui reste un État d’apartheid », a déclaré Ayalon (Jerusalem Post, août 23).

Mais en laissant les réactions de colère de côté, il se confirme que le monde change. Israël, en revanche, est une digression dans un coin sombre où le racisme et l’apartheid sont toujours appliqués en toute impunité. Beaucoup d’Israéliens ne veulent pas voir la chute de leur pays dans l’abîme. Un réveil ne peut se produire que lorsque le monde traitera le gouvernement israélien de la même façon que le régime d’apartheid en Afrique du Sud a été autrefois traité.

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*Ramzy Baroud (http://www.ramzybaroud.net) est un journaliste international et le directeur du site PalestineChronicle.com. Son dernier livre, Mon père était un combattant de la liberté : L’histoire vraie de Gaza (Pluto Press, London), peut être acheté sur Amazon.com. Son livre, La deuxième Intifada (version française) est disponible sur Fnac.com

12 septembre 2012 – The Palestine Chronicle – Vous pouvez consulter cet article à :
http://palestinechronicle.com/view_…
Traduction : Info-Palestine.net – Naguib