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30/09/10

Le boycott d’Israël par les artistes de Montréal fait tache d’huile

Les manifestations qui se sont produites en réponse aux violents bombardements sur Gaza, il y a près de deux ans, ont suscité de nouvelles initiatives non violentes visant à soutenir la lutte des Palestiniens. Parmi celles-ci, on peut citer les assignations en justice de présumés criminels de guerre israéliens, les missions civiles en Palestine pour témoigner de la brutalité de l’occupation militaire, les missions humanitaires pour rompre le blocus de Gaza ou la campagne de «boycott, désinvestissement et sanctions» (BDS) contre l’Etat israélien. Cette dernière reprend la stratégie de boycott mise en oeuvre contre l’Afrique du Sud, dans les années 1980, en dénonçant les discriminations subies par les Palestiniens, qualifiées d’apartheid.

Bien que le BDS soit né d’un appel lancé par la société civile palestinienne en 2005, c’est depuis l’attaque meurtrière de l’armée israélienne sur la flottille humanitaire au large de Gaza, fin mai 2010, que la stratégie BDS a le vent en poupe. Elle affirme que chaque citoyen a un rôle à jouer: en tant que consommateur, professeur, artiste, sportif ou autre, chacun est responsable de ses actions et peut refuser celles qui renforcent le pouvoir répressif de l’Etat d’Israël. Le boycott le plus connu est celui des produits israéliens, comme les cosmétiques Ahava, ou d’entreprises européennes participant à la colonisation, comme Connex qui construit un tramway dans la partie de Jérusalem que l’Etat israélien annexe illégalement. Mais cette campagne se décline également sous d’autres formes, universitaires, sportives et culturelles. Enfin, au-delà de cette prise de conscience individuelle, le BDS est une campagne de pression, en particulier médiatique, qui permet de rappeler les violations répétées du droit international et des droits humains à l’encontre des Palestiniens.

L’exemple de Sun City

Sur le plan culturel, les initiatives s’inspirent des musiciens qui, dans les années 1980, revendiquaient qu’ils «n’iraient pas jouer à Sun City», en Afrique du Sud. Ce mouvement prend une ampleur considérable: il n’est pas une semaine sans qu’on apprenne qu’un artiste de premier plan annule un voyage prévu en Israël, profitant parfois de l’occasion pour écrire de véritables pamphlets dénonçant les conditions dans lesquelles vivent les Palestiniens, sous occupation israélienne ou en exil. Rien que cette année, l’actrice Meg Ryan, les écrivains Henning Mankell, Iain Banks et Alice Walker, les musiciens Carlos Santana, Elvis Costello, Gil Scott-Heron et les groupes The Klaxons, Gorillaz et The Pixies ont renoncé à se rendre en Israël. Pour des raisons similaires, le mois dernier, plus de 150 artistes irlandais se sont engagés par écrit à boycotter Israël, rappelant l’initiative des 500 artistes montréalais, déjà évoquée dans nos pages1. Tout récemment, c’est le groupe anglais Massive Attack qui a rejoint ce mouvement. Son chanteur, Robert Del Naja, déclarait: «Je ne peux pas jouer en Israël alors que les Palestiniens n’ont pas accès aux mêmes droits fondamentaux que les Israéliens.»

Pétition israélienne

Même en Israël, le boycott devient un moyen jugé pertinent de s’opposer à la poursuite de la colonisation par le gouvernement d’extrême droite dirigé par Benyamin Netanyahou. Ce mois-ci, alors que certains en Europe s’opposent en particulier au boycott universitaire et culturel, 150 universitaires, écrivains, artistes et acteurs israéliens ont signé une pétition appelant à refuser de se produire dans les colonies des territoires occupés en 1967. Aux côtés d’intellectuels connus pour leur engagement contre l’occupation, tels Niv Gordon, Gideon Levy ou Shlomo Sand, on trouve des personnalités généralement plus discrètes comme l’historien Zeev Sternhell ou les écrivains renommés David Grossman, A.B. Yehoshua et Amos Oz. Alors qu’elles étaient sévèrement critiquées par le gouvernement israélien, ces personnalités ont reçu une lettre de soutien de 150 autres artistes, étasuniens et anglais, dont Vanessa Redgrave, Cynthia Nixon ou Tony Kushner.

La limitation du boycott aux seules colonies est défendue par certains groupes de solidarité qui demandent la fin de l’occupation illégale de la Cisjordanie, de Gaza, de Jérusalem-Est et du Golan, le démantèlement du Mur et la levée du blocus de Gaza. Les partisans d’un boycott total rappellent quant à eux que les discriminations touchent également les Palestiniens à l’intérieur des frontières d’Israël. Enfin, la résolution 194 de l’ONU stipule le respect et la mise en oeuvre du droit au retour des réfugiés palestiniens dans leurs maisons. Selon la campagne BDS, ces deux points justifient de faire pression sur les institutions israéliennes, y compris à l’intérieur des frontières de 1948: en effet, n’aurait-il pas été absurde, à l’époque de l’apartheid, de ne boycotter que les bantoustans et pas le Cap, Johannesburg ou… Sun City?

La culture est une arme utilisée de part et d’autre. L’Etat d’Israël ne s’y trompe pas, qui non seulement tente de contrer la campagne BDS, mais multiplie également les festivals, expositions et autres manifestations artistiques ou sportives pour tenter de redorer son blason. De son côté, la campagne BDS appelle à ne pas participer à ces évènements, où qu’ils aient lieu: dans les colonies, en Israël ou même en Europe. De fait, ces manifestations culturelles ne sont plus anodines: on y participe ou pas mais, dans les deux cas, la décision revêt un sens politique. Si de plus en plus d’artistes répondent positivement à l’appel au boycott, celui-ci s’adresse désormais également aux simples spectateurs, citoyens responsables…
 
(1) Le Courrier du 7 avril 2010.

Quelques liens:
Cinq cents artistes montréalais contre l’apartheid israélien: http://www.tadamon.ca/post/5824
Cent cinquante artistes irlandais s’engagent à boycotter Israël: http://www.ipsc.ie/pledge/
Cent cinquante artistes israéliens boycottent les colonies israéliennes: http://www.haaretz.com/print-edition/news/150-academics-artists-back-actors-boycott-of-settlement-arts-center-1.311149
Cent cinquante artistes américains et anglais soutiennent les 150 artistes israéliens: http://jvp.org/campaigns/making-history-support-israeli-artists-who-say-no-normalizing-settlements-4
Appel de l’Autorité palestinienne à boycotter les produits des colonies: http://bdsmovement.net/?q=node/604
Appel des Palestiniens au boycott universitaire et culturel d’Israël: http://www.pacbi.org/etemplate.php?id=869
Appel des Palestiniens au BDS contre Israël: http://bdsmovement.net/?q=node/52#French
Relais français de la campagne BDS internationale: http://www.bdsfrance.org/
Relais genevois de la campagne BDS internationale: http://www.urgencepalestine.ch/Activites/boycott.html