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03/08/16

Lettres ouvertes à Baaba Maal de citoyens israéliens et d’Artistes pour la Palestine UK

Des citoyens israéliens à Baaba Maal : s’il vous plaît, ne légitimez pas l’occupation israélienne et l’apartheid à Jérusalem ni ailleurs

Juillet 2016

Cher Baaba Maal

« JE SUIS SOLIDAIRE CAR JE CROIS QUE NOUS MERITONS TOUS DE VIVRE EN SECURITE » (Baaba Maal)

Nous sommes des citoyens d’Israël qui nous opposons activement à la politique d’occupation belliqueuse, de colonialisme, de nettoyage ethnique et d’apartheid de nos gouvernements successifs contre le peuple natif de cette terre, le peuple palestinien. Nous sommes des supporters actifs du mouvement mondial à direction palestinienne pour le Boycott, le Désinvestissement et les Sanctions (BDS) d’Israël.

La musique est une expérience unique qui peut nous élever et inspirer ce que l’humanité a de meilleur. En qualité d’artiste africain parmi les plus respectés et d’ambassadeur mondial pour Oxfam, vous avez joué et écrit des chants depuis des années en inspirant bien des gens dans le monde avec vos paroles politiques et sociales, du Sénégal en Syrie, de la Mauritanie à la Palestine…

Vous avez parlé et demandé que le monde soit attentif à la cause des femmes, vous avez élevé les consciences sur le VIH et vous avez demandé au leaders mondiaux d’être du côté des 60 millions et plus de gens qui ont été forcés de fuir leurs foyers en raison de conflits, de violences et de persécutions.

Ces femmes et hommes, vivant sous des régimes oppresseurs, déplacés et rendus réfugiés, ont porté votre musique dans leur cœur avec le sentiment que même dans les camps de réfugiés les plus éloignés, ils ne sont pas seuls, ils ont une voix.

Par conséquent nous voici, un groupe d’Israéliens, élevant la voix pour répondre à votre appel. Nous vous demandons de ne pas jouer au festival « Jerusalem Sacred Music » qui se tiendra en septembre 2016 dans la vieille ville de Jérusalem Est occupé.

Dans les conditions actuelles, jouer dans un festival israélien est tout sauf sacré. Le soi-disant festival de musique sacrée dure maintenant depuis quelques années au cœur de la vieille ville de Jérusalem qui a été occupé depuis 1967. Depuis plus de 20 ans maintenant, presque 4 millions de Palestiniens de Cisjordanie et de la bande de Gaza ont l’interdiction d’entrer dans Jérusalem et de venir sur le lieu de votre performance.

Depuis plus de 68 ans, 5 millions de réfugiés palestiniens ont été dispersés autour du monde, vivant dans des camps de réfugiés, et ils sont interdits de rentrer dans les foyers en Palestine qu’ils ont été forcés de quitter en 1948.

Et à tout moment, de plus en plus de Palestiniens sont chassés de leurs foyers et de leurs terres à cause de la violence imposée sur eux par les colons israéliens et les responsables militaires et civils, y compris avec la destruction de foyers palestiniens par la municipalité de Jérusalem qui sponsorise le festival de « musique sacrée » !

Allez-vous entendre la voix des millions de gens qu’Israël entreprend sans cesse de chasser de leurs terres ?

Israël maintient des millions de Palestiniens sous contrôle militaire, restreignant leur accès à l’eau, à l’éducation, à la liberté de mouvement et à la terre.

Il a démoli plus de 40 000 foyers ces 48 dernières années, dont 2000 à Jérusalem. Plus de 300.000 Palestiniens qui résident à Jérusalem n’ont pas le droit de voter pour le Parlement israélien ni la possibilité de construire un foyer pour leurs enfants. Plus de la moitié d’entre eux vivent encore sans connexion correcte à l’eau et à l’assainissement. 75 % des Palestiniens de Jérusalem sont sous le seuil de pauvreté.

Dans ce contexte, et vue la demande unanime d’un nombre écrasant d’organisations palestiniennes, de plus en plus d’artistes refusent de jouer en Israël. Jouer en Israël actuellement saperait tout l’effet positif que la musique peut avoir. Tout message positif ou toute musique inspiratrice serait éclipsée par l’association avec l’État israélien, et servirait sa propagande du « business as usual ».

De nombreux artistes l’ont réalisé et ont décidé d’annuler leurs performances en Israël. Bien plus nombreux sont ceux qui refusent d’emblée les spectacles en Israël.

En tant que personne et artiste qui avez vu la douleur dans les camps de réfugiés et les zones de conflit que vous avez visitées, et après toutes les souffrances dont vous avez été témoin en personne, nous vous demandons de vous souvenir et de respecter les réfugiés palestiniens de Gaza, de Cisjordanie et de Jérusalem-Est et tous les autres réfugiés palestiniens dans le monde ; et d’annuler votre show à Jérusalem, juste comme Salif Keita et Aziza Brahim ont annulé leurs performances dans le festival de musique sacrée précédemment.

Nous vous pressons de faire comme beaucoup de vos autres collègues et de refuser de jouer en Israël jusqu’à ce que cessent l’occupation, l’apartheid et le nettoyage ethnique !

Sincèrement,

Boycott ! Soutien de l’intérieur à l’appel palestinien BDS

http://boycottisrael.info/


Lettre d’Artists For Palestine UK (  https://www.facebook.com/ArtistsforPalestineUK/ )

Londres, le 25 juillet 2016

Cher Baaba Maal:

Les gens qui aiment et respectent votre travail trouvent difficile à comprendre que vous ayez accepté de jouer dans la Vieille Ville de Jérusalem – qui est sous occupation militaire israélienne – en septembre prochain.

Votre chant «Baayo» fait partie de la bande-son de nos vies, mais pour les Palestiniens qui ont été chassés de la Ville Sainte (selon un processus qui a commencé en 1948), vos mots ont une résonnance particulière: «si Dieu pouvait me transformer en pigeon», chantez-vous, «je pourrais voler vers ma patrie»…

Il faut que vous sachiez que les millions de Palestiniens qui vivent en tant que réfugiés au Liban, en Jordanie, en Syrie et ailleurs ne peuvent pas voler vers leur patrie. Israël leur refuse leurs droits en tant qu’habitants indigènes de ce pays et ne les laisse pas y entrer, même pour une petite visite. Pour ces gens, Jérusalem – où vous chanterez – n’existe que dans les prières et les aspirations: la ville leur est fermée. Et elle est pratiquement fermée aux près de cinq millions de Palestiniens qui vivent sous occupation et assiégés en Cisjordanie et à Gaza ; Israël ne les laisse pas non plus entrer en général.

Donc, qui aurez-vous en face de vous lorsque vous monterez sur scène au Musée de la Tour de David le 20 septembre? Sans doute y aura-t-il, dans le public israélien, des gens honnêtes qui détestent l’occupation, qui ont essayé d’arrêter les bombardements de leur gouvernement sur Gaza assiégée, etc. Ils se consoleront avec votre musique qui parle aux âmes et aux cœurs.

Mais là n’est pas le problème.

En acceptant d’apparaître dans une ville qui est illégalement occupée, dont la population indigène est toujours sous une pression qui la pousse à partir, vous donnez une consolation à l’État responsable de la dispersion et de l’occupation et à ses soutiens internationaux.

Le Festival de musique sacrée auquel vous participez peut sembler un projet délicieusement alternatif, or il fait partie de la Saison Culturelle de Jérusalem (JSOC), une initiative de la municipalité de Jérusalem et d’autres organisations prise pour promouvoir une «marque» apparemment différente et branchée de Jérusalem sous contrôle israélien. La Fondation de la Famille Schusterman, par exemple, qui cofinance JSOC, dit qu’un des buts est de «renforcer l’État d’Israël et de réparer le monde» — mais nulle part sur la liste des partenaires ne se trouve une seule organisation travaillant ou faisant campagne pour ou simplement reconnaissant que l’État a créé les réfugiés palestiniens. Réparer le monde palestinien n’entre pas dans sa conception.

Depuis 2004, une coalition d’organisations de la société civile palestinienne, PACBI, a appelé les artistes au niveau international à «endosser la responsabilité morale de combattre l’injustice» en refusant de participer à des événements officiels tel celui auquel vous êtes programmé. Brian Eno est un des musiciens qui ont répondu à l’appel palestinien; il nous a suggéré de vous inviter à suivre son exemple.

Votre présence sur l’affiche de septembre est largement utilisée pour la promotion du festival. Nous pensons que vous prêtez votre crédibilité de musicien et de militant des droits humains à une opération complexe de relations publiques destinée à faire passer une ville occupée pour un havre de multiculturalisme. C’est vraiment ce que vous voulez faire?

Doug Holton, créateur de théatre

Jenny Morgan, réalisatrice

Miranda Pennell, réalisatrice

Kareem Samara, musicien

Farhana Sheikh, écrivaine