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16/03/13

Pourquoi nous devons boycotter le championnat Juniors UEFA en Israël

Le même traitement pour tous sur le terrain ? Pourquoi nous devons boycotter le championnat Juniors UEFA en Israël

Par Football Beyond Borders

Cette article a été écrit par Jasper Kain et Timesh Pillay, membres de Football Beyond Borders (Football au-delà des Frontières). L’Association a visité la région en 2011 et a fait un film sur l’expérience. Plus d’information à : www.walksoflifefilms.com.

Ça arrange nombre de personnes qui y gravitent de vanter la nature progressiste du football, mais en réalité, cette affirmation sert de plus en plus à masquer d’autres comportements. Bien qu’elle ait agi récemment contre le racisme dans le football, la FIFA vient de récompenser la Russie, où le football est englué dans un scandale raciste, par le droit d’accueillir la Coupe du Monde en 2018, ce qui pose des questions sur ses véritables intentions. De même, dans trois mois, le championnat UEFA des moins de 21 ans qui aura lieu en Israël en juin révèle l’hypocrisie de cette rhétorique anti-raciste.

Le stade de Gaza, bombardé par l’aviation sioniste à la mi-novembre 2012 (après une première destruction partielle en 2006)
L’UEFA (l’Association du Football européen) a récemment fêté 10 ans de collaboration avec Football contre le Racisme en Europe (FARE), affirmant fièrement que l’organisme a « utilisé la plateforme publique et commerciale massive que constituent les plus grands matches de football d’Europe pour faire passer un message de tolérance zéro pour toute forme de racisme et discrimination, au profit de davantage de respect pour la diversité« .

Le racisme peut prendre de nombreuses formes, pourtant c’est dans ses expressions verbales qu’il a secoué le « beau jeu » ces dernières années, tant sur le terrain qu’à l’extérieur. Chez nous, il y a eu les affaires, qui ont défrayé la chronique, de l’ancien capitaine d’Angleterre John Terry et de l’attaquant uruguayen Luis Suarez, tous les deux condamnés pour insultes racistes. Un peu plus loin, des jouers de l’équipe noire junior d’Angleterre ont été accueillis par des cris de singe par des supporters serbes à Krusevac.

Dans la foulée, l’Association anglaise de Football a demandé que l’équipe nationale serbe soit bannie du tournoi. La punition décidée par l’UEFA a poussé le ministre britannique du Sport Hugh Roberston à déclarer sa « déception » ajoutant que « le racisme est tout-à-fait inacceptable et que nous devons prendre des sanctions sévères pour aider à le combattre. »

Cette même équipe d’Angleterre ira en Israël cet été pour participer à la compétition des championnats européens des moins de 21 ans. Ils doivent jouer leur match contre Israël au Stade Teddy, du Beitar Jérusalem, l’équipe la plus populaire et la plus controversée d’Israël. Suite à l’arrivée dans le club de deux jouers tchétchènes musulmans, des supporters ont mis le feu à leur immeuble administratif. L’incendie criminel a été allumé par « La Familia », un groupe de supporters qui a gagné en force ces dernières années et qui incarne un courant politique de la société israélienne modelé sur son fanatisme juif, son aversion des Musulmans et sa tendance à traiter les Arabes et autres minorités ethniques du pays comme des êtres inférieurs.

Ce n’est pas particulièrement nouveau. Un coup d’oeil sur les 60 dernières années révèle la formation d’un système généralisé de politiques publiques qui institutionnalisent un traitement séparé et inégal. A l’intérieur d’Israël, les Juifs jouissent de privilèges enracinés dans des institutions telles que le droit et l’éducation, tandis que les Arabes, au mieux, sont condamnés à un statut de citoyens de seconde classe. Dans les territoires occupés, c’est encore pire. Des checkpoints empêchent la libre circulation, de nouvelles colonies érodent le peu qui reste de terre palestinienne, et la semaine dernière, une compagnie d’autobus en Cisjordanie a annoncé qu’elle allait mettre en oeuvre des services distincts pour les Palestiniens et les Israéliens après des plaintes sur la sécurité par des Israéliens.

Le football n’est pas à l’abri de ces dures réalités. Les Palestiniens qui vivent de l’autre côté du mur sont confrontés à des barrages routiers et de grosses difficultés pour jouer. Depuis février l’an dernier, deux footballeurs du club al-Amari sont détenus en Israël sans inculpation ni procès. Ceci après le cas très médiatisé de Mahmoud al-Sarsak, footballeur de l’équipe nationale palestinienne, emprisonné pendant 3 ans sans inculpation ni procès et libéré seulement récemment après 92 jours de grève de la faim. Le gardien de but de l’équipe olympique Omar Abu Rois et le joueur de l’équipe de Ramallah Mohammed Nimr sont eux aussi détenus sans inculpation dans les prisons israéliennes. Le 10 novembre 2012, l’armée israélienne a bombardé le stade de Gaza, tuant quatre jeunes qui jouaient au football.

Le bombardement aérien de novembre l’an dernier a poussé plus de 50 footballers professionnels à signer une pétition lancée par Frédéric Kanoute, qui déclare qu’organiser le tournoi en Israël serait considéré « comme une récompense pour des actes contraires aux valeurs du sports« . Il s’agit d’une démarche importante, étant donné en particulier l’existence protégée des footballeurs modernes, avec des agents et des conseillers qui les encouragent souvent à éviter « la politique » et à se concentrer sur leur potentiel commercial.

Il est important de tirer des leçons historiques dans notre évaluation de la situation. Le lauréat du Prix Nobel de la Paix Desmond Tutu décrit les checkpoints qui régissent la vie quotidienne des Palestiniens comme une réminiscence d’une Afrique du Sud qui, heureusement, n’existe plus. Le documentaire « Fair Play » réalisé en 2010 brosse un tableau éloquent du boycott sportif en Afrique du Sud, qui a défié le régime sur la scène internationale tout en frappant au coeur la culture blanche sud-africaine. L’arène du football, comme sport national d’Israël, peut être ciblée pour délégitimer davantage le régime, avec un boycott contribuant à la position de principe des footballeurs de haut niveau basés en Europe.

Certains critiquent cette position, disant qu’elle cible des citoyens israéliens innocents. Au contraire, ce sont les institutions qui dirigent le système d’occupation et de ségrégation qui sont exposées aux actions d’envergure, comme dans le cas du mouvement anti-apartheid sud-africain. D’autres suggèrent que la tactique de boycott est purement symbolique et inefficace. Toutefois, l’approche publique et internationale du boycott sportif rend possible un changement d’attitudes, la construction de ponts vers une vision commune de justice et d’égalité centrée sur une autre relation en terre d’Israël-Palestine.

Il faut prendre en compte les appels croissants à boycotter le championnat d’Europe des moins de 21 ans. Alors que la réalité de l’apartheid continue chaque jour, il est temps que l’UEFA décide si elle est une organisation qui prône « la tolérance zéro pour toute forme de racisme et de discrimination« , ou si elle est complice de la persécution systématique d’un peuple.

Des groupes s’organisent à travers l’Europe. Des pétitions demandent que les gouvernements débattent de la question. Des manifestations contre le tournoi junior de l’UEFA ont lieu dans toute l’Europe. Le vendredi 24 mai, les Londoniens vont défiler sur Park Lane pour donner un carton rouge au tournoi raciste de l’UEFA, pendant son congrès annuel. Pour plus d’informations, participez à cette réunion publique : jeudi 14 mars, 19h, salle G51, bâtiment principal de l’Ecole d’études orientales et africaines, à Londres.

Source : Think Football

Traduction : MR pour BDS-33