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13/02/12

Un Etat ou deux Etats en Palestine ? Quelles sont les conditions de la paix ?

Conférence-débat à Montauban

à l’invitation de l’AFPS 82

le samedi 4 février 2012

par Pierre Stambul (co-président de l’Ujfp).

En 1988 à Alger, la direction de l’OLP (Organisation de libération de la Palestine) a reconnu l’Etat d’Israël dans ses frontières d’avant 1967 et a limité ses revendications à un Etat palestinien sur 22% de la Palestine historique (Gaza, Jérusalem Est et Cisjordanie). Avant d’examiner les circonstances historiques qui ont mené à cette concession majeure et ce qui s’en est suivi, il convient de faire une constatation facile : près de 20 ans après les accords d’Oslo, conséquences de la décision d’Alger, l’occupant a détruit dans les faits toute possibilité d’établir un Etat palestinien qui soit autre chose que la juxtaposition de bantoustans isolés et non-viables. Alors, utopie pour utopie, revenons sur ce débat « un Etat/deux Etats ».

La question fondamentale : l’Etat juif.

Sans doute, parmi les Juifs qui arrivent en Palestine dès les années 1900, beaucoup cherchent un refuge, face à l’antisémitisme européen. Mais le projet politique qui est à l’œuvre, le sionisme, a dès le départ une autre signification qui est raciste. Pour les sionistes, la Palestine est « une terre sans peuple pour un peuple sans terre » (phrase due à Zangwill dans un autre contexte) et le peuple palestinien n’existe pas. Pour les sionistes, les Juifs ont vécu 2000 ans d’exil et de souffrance lors d’une longue parenthèse (la diaspora) et ils ont fait leur « retour » sur la terre de leurs ancêtres. On sait aujourd’hui qu’il n’y a eu ni exil, ni retour (lire Shlomo Sand). Pour les sionistes (c’est enseigné en Israël et on trouve ces délires sur de nombreux sites sionistes), la Palestine était (faiblement) peuplée de populations composites amenées là par l’occupant ottoman. Le candidat républicain aux présidentielles américaines Newt Gingrich a repris officiellement ces thèses négationnistes sur la non-existence du peuple palestinien.

En 1919, Ben Gourion écrit que ces fellahs qui vivent en Palestine sont sûrement des descendants d’Hébreux (là il n’a pas tort) et qu’ils vont donc accepter le projet sioniste. Là, bien sûr il se trompe.

Le projet sioniste est un projet de conquête colonial très particulier. Il ne vise pas à exploiter les autochtones mais à les nier, à les expulser et à les remplacer par des Juifs. Ce projet est raciste : l’existence, la dignité et les droits des Palestiniens sont totalement niés.

Le KKL qui va déposséder les Palestiniens de leur propre pays a été fondé en 1901. La banque coloniale juive date de 1899. L’Agence juive est créée en 1929 et dans les faits, c’est plus que l’embryon du futur Etat juif. Le syndicat Histadrout est créé en 1920 et dans ses statuts, il vise à établir une « patrie de travail pour le peuple juif ».

Avant le sionisme, environ 4% de la population palestinienne était juive. En majorité, cette population arrivée à partir de la fin du XVIIIe siècle était très religieuse. Ces Juifs palestiniens vivent en bonne intelligence avec leurs voisins musulmans ou chrétiens et ils seront longtemps hostiles au sionisme. Les Palestiniens ne sont pas contre une cohabitation avec les Juifs. Mais après la déclaration Balfour, ce qu’ils constatent, c’est une conquête rampante de leur pays et surtout la création d’un véritable Etat avec ses institutions et son armée qui grignote leur territoire et a d’entrée comme projet leur expulsion.

La révolte palestinienne de 1929 et surtout la grande révolte de 1936 qui sera impitoyablement réprimée par le colonialisme britannique ne traduisent pas un refus de cohabitation mais un refus de domination. L’Etat juif en construction prépare très tôt l’expulsion qui se déroulera en 1948 parce qu’il ne donne pas la moindre place aux Palestiniens.

Avant 1948 : les forces opposées à la partition.

Dès le début du mandat britannique, dans le monde arabe, des forces s’opposent au colonialisme et imaginent le Proche-Orient après l’indépendance. Ils s’adressent naturellement aux Juifs, mais les sionistes n’ont qu’une seule idée en tête, créer un Etat juif, et l’intégration des Juifs dans le Proche-Orient est à l’antithèse de leur projet. Ils se considèrent européens.

En Palestine, il y a un parti politique qui regroupe à la fois des Palestiniens et des Juifs : c’est le parti communiste. Dans sa perspective, la Palestine doit devenir un Etat binational socialiste et indépendant.

À l’intérieur du Yichouv, (terme qui désigne les Juifs établis en Palestine avant la création d’Israël), le concept d’Etat juif ne fait pas l’unanimité. Des intellectuels de premier plan (Martin Buber, Judah Magnes) défendent l’idée d’un Etat binational. Ce courant, appuyé de l’extérieur par Hannah Arendt, obtiendra plus de 40% des voix aux élections syndicales et politiques dans le Yichouv peu avant la guerre de 1948. Mais ce courant sera balayé par l’hystérie nationaliste et le basculement majoritaire de l’opinion juive vers l’idée du « transfert » : l’expulsion de tous les Palestiniens au-delà du Jourdain.

Quand Staline, pensant poser des problèmes aux Britanniques, se rallie à l’idée de la partition de la Palestine, le PC suit, contre la volonté de la majorité de ses militants.

Quand l’ONU vote le plan de partage de 1947, les Palestiniens refusent en masse. Quel peuple pourrait accepter la partition de son propre pays ? Non seulement ce plan de partage caresse dans le sens du poil l’idéologie sioniste (qui est au départ une théorie de la séparation affirmant que le « vivre ensemble » est impossible), mais il est d’une injustice criante. Les Palestiniens, plus nombreux, héritent de la partie la plus petite et la plus pauvre.

Dans le plan de partage, il y a très peu de Juifs dans le futur Etat palestinien alors qu’il y a plus de 40% de Palestiniens dans le futur Etat juif. En fait, la guerre de 1948 ne commence pas le 15 mai, jour où l’ONU reconnaît l’Etat d’Israël. À cette date, 375000 Palestiniens vivant dans la partie juive ont déjà été expulsés. C’est la partition qui cause la guerre. Comme le montre Ilan Pappé dans son livre (« la guerre de 48 en Palestine »), les dirigeants sionistes ont habilement combiné violence et diplomatie pour imposer la partition, réaliser de façon préméditée le nettoyage ethnique et consolider immédiatement le fait accompli.

Le droit international à géométrie variable

L’ONU a reconnu l’Etat d’Israël à sa création, mais ne l’a pas reconnu explicitement comme Etat juif. D’autant que toutes les lois promulguées faisant des non-juifs des sous-citoyens sont totalement contraires au droit international et à la déclaration des droits de l’homme.

Les accords d’armistice prévoyaient de façon très précise le retour des réfugiés palestiniens. Or dès 1949, le nouvel Etat viole les accords d’armistice en interdisant aux réfugiés de rentrer, en détruisant leurs villages et en confisquant leurs terres. Au lieu d’obliger Israël à respecter ses obligations, l’ONU obtempère : elle crée l’UNRWA qui plus de 60 ans après gère (fort mal) les réfugiés, mais elle a renoncé à exiger leur retour.

Les dirigeants israéliens ont parfaitement compris qu’avec le fait accompli, ils sont gagnants à tous les coups. Tout le monde pense aujourd’hui que l’Etat d’Israël reconnu après la guerre de 1948 est celui qui a existé. C’est faux : la communauté internationale a capitulé sur la question des réfugiés.

Fondamentalement, le  nettoyage ethnique prémédité de 800000 Palestiniens en 1948 (la Naqba) et la conquête puis la colonisation de 1967 ne diffèrent pas sensiblement. Ils sont aussi « illégitimes » l’un que l’autre. La grande différence, c’est que l’ONU a reconnu le fait accompli de 1948, mais n’a pas reconnu celui de 1967. C’est sur cette distinction que se basent les partisans d’un Etat palestinien sur la base des frontières de 1949. Il me semble qu’on mélange là « légal » et « légitime ». Qu’y a-t-il de légitime dans un partage 78%/22% alors que les deux peuples sont en nombre sensiblement égal ? Qu’y a-t-il de légitime à avaliser les violations des accords de cessez-le-feu ?

Après la guerre de 1967, la communauté internationale va systématiquement capituler face aux dirigeants israéliens. Des motions sont votées pour l’évacuation des territoires occupés. Les dirigeants israéliens répondent en accélérant la colonisation pour la rendre irréversible. Quand Israël envahit le Liban, l’ONU envoie des troupes (la FINUL) qui tireront sur les Libanais mais jamais sur l’envahisseur israélien. Dès cette époque, le fait accompli et l’impunité d’Israël se sont substitués au droit.  Des années plus tard, la Cour de la Haye condamnera le mur qui balafre la Cisjordanie et, depuis cette condamnation la longueur du mur a plus que doublé.

Après 1967, l’OLP apparaît comme l’expression pluraliste du peuple palestinien et comme l’outil pour empêcher sa fragmentation. Le consensus dans l’OLP, c’est « un seul Etat laïque et démocratique » en Palestine. Autrement dit, l’égalité des droits entre les habitants de cette région, quelles que soient leurs origines ou leur religion avec le retour des réfugiés dans leurs foyers. Un tel projet impliquant la fin de l’Etat juif, la propagande israélienne continuera d’affirmer que les Palestiniens veulent jeter les Juifs à la mer et qu’Arafat est un nouvel Hitler. Ceux qui ont été réellement jetés à la mer, ce sont les Palestiniens, en 1948 (voir le film d’Eyal Sivan « Jaffa ou la mécanique de l’orange »).

D’Alger à Oslo

On peut comprendre Arafat qui va utiliser tout son poids en 1988 à Alger pour faire reconnaître Israël par l’OLP. On en est, à l’époque, à la troisième génération de réfugiés. La population des territoires occupés s’est soulevée (c’est l’Intifada) et affronte à mains nues l’armée de l’occupant. Arafat pense ainsi permettre aux Palestiniens de reprendre l’initiative. Il pense sauver l’essentiel.

Une minorité palestinienne importante va refuser ce processus : le FPLP est resté jusqu’au bout partisan d’un Etat unique. Le regretté Edward Saïd était tout à fait partisan d’un rapprochement avec les anticolonialistes israéliens, mais il avait très justement analysé les dangers de la stratégie qui a mené aux accords d’Oslo. Parmi les raisons de l’opposition à ce processus, il y en a une qui est indiscutable : le sacrifice des réfugiés à qui tout retour véritable est refusé et celui des Palestiniens d’Israël, victimes de discriminations et d’apartheid dans un Etat qui les transforme en étrangers dans leur propre pays.

Les négociateurs palestiniens d’Oslo parlaient hébreu et connaissaient la mentalité israélienne. Ils avaient intériorisé la question du génocide juif et l’usage qu’en faisaient les Israéliens. Il leur a peut-être manqué une compréhension de ce qu’est le sionisme. À Oslo, les Palestiniens ont reconnu Israël. Ils ont offert aux Israéliens un compromis très avantageux pour eux : la reconnaissance du fait accompli de 1948, l’oubli de la Naqba et la possibilité de s’insérer dans un Proche-Orient en paix. Les Israéliens ont reconnu l’OLP, mais ils n’ont jamais reconnu le peuple palestinien et son droit à avoir un Etat. Sûrs de leur force, ils ont traité par le mépris la « paix des braves » chère à Arafat.

Jamais les mots décrivant ce qui est à l’œuvre ne seront cités à Oslo : nettoyage ethnique, colonisation, occupation, apartheid. Jamais rien ne sera signé sur le démantèlement des colonies. Pire : entre la signature des accords d’Oslo et l’assassinat de Rabin, 60000 nouveaux colons seront installés. Les seuls textes qui sont signés portent sur la sécurité de l’occupant. Peu de temps après Oslo, les territoires occupés sont fragmentés en trois zones (A, B et C), prélude à l’annexion définitive d’une partie d’entre eux.

Bref Oslo n’a pas seulement été une gigantesque escroquerie. Ce processus portait en lui la négation de la création d’un Etat palestinien sur 22% de la Palestine historique.

« Vous le mettez où, l’Etat palestinien ? »

Poursuivant une fuite en avant criminelle pour les Palestiniens et suicidaire pour les Israéliens, les différents gouvernements israéliens ont installé des centaines de milliers de colons. Ils sont près de 250000 dans le grand Jérusalem Est, zone annexée et considérablement agrandie qui va de Ramallah à Bethléem et coupe en deux la Cisjordanie. Petit à petit, les colonies du grand Jérusalem sont intégrées dans l’espace urbain.

Et il y a près de 300000 colons dans le reste de la Cisjordanie. Certains sont des colons « économiques », banlieusards venus à cause de l’immobilier bon marché. Mais il y a des dizaines de milliers de colons appartenant au courant « national-religieux » pour qui « Dieu a donné cette terre au peuple juif ». Comment imaginer une paix sans un affrontement forcément violent avec cette OAS intégriste  ?

Aujourd’hui en Cisjordanie, une énorme partie du territoire a été de fait annexée par le tracé du mur. Les colonies ont été considérablement agrandies avec une stratégie de « colonisation spatiale ». L’occupant multiplie les « zones industrielles », les décharges, les stations services et la quasi-totalité des villes palestiniennes sont encerclées par le mur et les colonies.

Sur la question « un Etat/deux Etats », donnons la parole à des personnalités palestiniennes ou israéliennes anticolonialistes.

Shlomo Sand ne se définit pas comme antisioniste et il est partisan de deux Etats sur la base des frontières d’avant 1967. Mais c’est adversaire résolu de la notion « d’Etat juif ». Il répète à l’envi : « Etat juif et démocratique », c’est un oxymore, une contradiction totale. Si l’Etat est juif, il ne peut pas être démocratique. Pour lui, tous les citoyens devront jouir des mêmes droits.

Hind Khoury, ancienne représentante de la Palestine en France, est bien sûr pour deux Etats. Mais elle a toujours précisé dans les réunions que nous avons animées ensemble, que l’occupant avait détruit dans les faits la possibilité de créer un  Etat palestinien viable.

J’ai eu en 2007 une discussion téléphonique avec Uri Avnéry qui est partisan de deux Etats : « mais Uri, s’il y a la paix, que fait-on des 500000 colons ? » « Soit ils partent, soit ils acceptent de devenir citoyens palestiniens. » « Mais Uri, vous y croyez ? » « Oui, je verrai cela de mon vivant ». Uri, qui a 88 ans, est un combattant infatigable mais j’ai du mal à partager son optimisme.

La même année, je suis reçu avec d’autres par Victor Batarseh, maire FPLP de Béthléem. Il explique la position historique de son parti pour « un seul Etat laïque et démocratique ». Mais, ajoute-t-il, « si les Israéliens signent la paix sur la base des frontières d’avant 1967, nous l’accepterons ». À ce moment, il ouvre de façon théâtrale les fenêtres de sa mairie. La colonie d’Har Homa (qui date de 1997, après Oslo) arrive à quelques mètres de sa mairie : « vous le mettez où, l’Etat palestinien ?»

Enfin Eyal Sivan, à la fête de l’Humanité 2011 (de mémoire). « la candidature palestinienne à l’ONU est la dernière gesticulation sur la base de deux Etats. On est de fait entré dans une lutte pour l’égalité des droits dans un espace unique ».

La question étatique n’est pas centrale.

Dans la situation actuelle, les deux solutions semblent utopiques. Deux Etats, ça suppose un affrontement improbable avec des centaines de milliers de colons. Au Sinaï en 1978, il y avait 12000 colons. À Gaza quand Sharon a décidé l’évacuation, il y en avait 8000. Là, il y en a 500000. D’où la tentation de ceux qui martèlent « deux peuples, deux Etats » d’éviter de poser la question de la colonisation, voire de proposer que les Palestiniens en aient moins que les 22%. On « échangerait » les blocs de colonies contre quelques arpents de désert (c’est la position de « La Paix Maintenant »). Non seulement ces propositions ont quelque chose d’immoral (où est l’égalité entre les deux peuples ?), mais avec l’évolution de la société israélienne, elles sont irréalistes. L’actuel gouvernement israélien est persuadé que les Palestiniens, face au déséquilibre des forces, deviendront à terme marginalisés comme les Amérindiens ou les Aborigènes d’Australie. Dans les faits, la frontière internationalement reconnue (la « ligne verte ») n’existe plus.

Mais la solution à un Etat affronte un obstacle pour l’instant insurmontable. Les Israéliens ont été élevés dès le biberon dans le sionisme et le complexe de Massada, c’est-à-dire dans l’idée que tout le monde veut les détruire, qu’ils ne peuvent se défendre que par eux-mêmes et que le suicide est préférable au compromis. Dans leur grande majorité, ils imaginent que la fin de l’Etat juif signifie « Les Juifs à la mer ». La poussée du racisme en Israël fait qu’aujourd’hui une cohabitation égalitaire semble impossible. On est dans l’impasse tant qu’il n’existera pas, parmi les Israéliens, un mouvement de masse favorable à la solution d’un seul Etat comme moyen de sortir de la folie sioniste.

À l’Ujfp, on ne privilégie pas la question étatique. Il y a pour nous des revendications fondamentales : refuser la fragmentation de la Cisjordanie (Gaza, Cisjordanie, Jérusalem, Palestiniens de 48, réfugiés). Exiger la fin de l’occupation, de la colonisation, de l’apartheid, Exiger le droit au retour des réfugiés sans lequel on nie le nettoyage ethnique de 1948. Exiger l’égalité des droits (politiques, économiques …). Quand ces conditions seront réalisées, les négociateurs examineront la formule étatique et il y aura peut-être d’autres solutions qu’un Etat ou deux Etats. En tout cas, s’il y a deux Etats, il faudra garantir l’égalité des droits pour tous et on ne voit pas pourquoi, l’Etat juif serait 4 fois plus grand que l’Etat palestinien.

Fin de l’impunité et BDS.

Le sionisme a gommé les différences idéologiques et ce n’est pas par hasard que la société israélienne dérive de plus en plus vers l’extrême droite. En disant Non à toute solution qui soit autre chose qu’une capitulation des Palestiniens, les dirigeants israéliens ont créé une situation qui ressemble de plus en plus à celle du Sud des Etats-Unis à l’époque de la ségrégation ou de l’Afrique du Sud à l’époque de l’apartheid.

La troisième session du tribunal Russell a siégé au Cap au mois de novembre 2011. Après avoir constaté et décrit en détail les exécutions ciblées, la torture, les mauvais traitements, le refus du retour des réfugiés dans leurs foyers, l’impossibilité de circuler librement, la séparation forcée des populations, le « châtiment collectif » infligé à la population de Gaza, les destructions de maisons, l’impact du mur et les démolitions réitérées des villages du Néguev, le tribunal en a conclu que l’Etat d’Israël est coupable d’apartheid.

Le droit international prévoit explicitement le boycott comme réponse à l’apartheid.

La dernière période a montré que l’impunité d’Israël est la principale cause du blocage actuel. Cette impunité est le résultat de la complicité active des principaux dirigeants occidentaux. Ils sont complices, pas parce qu’ils sont mal informés, mais qu’ils sont profondément « solidaires » d’un Etat surarmé, morceau avancé de l’Occident au Proche-Orient.

L’épisode de l’échec (prévisible) de la candidature palestinienne à l’ONU montre une chose. Si la diplomatie a son importance, ce n’est pas par cette voie qu’on arrêtera la fuite en avant criminelle du fait accompli israélien. Tout au plus, la communauté internationale organisera un nouveau processus d’Oslo (à l’image des discussions d’Amman) où comme d’habitude on demandera aux Palestiniens de capituler en acceptant un Etat palestinien croupion et en renonçant au droit au retour des réfugiés. Et comme aucun dirigeant palestinien ne pourra accepter cela (sauf à se tirer une balle en pleine tête), on lui fera porter la responsabilité de l’échec, ce qui avait valu à Yasser Arafat une véritable condamnation à mort après l’échec des discussions de Camp David et Taba.

Fondamentalement, le premier acte d’une « paix juste et durable » serait une reconnaissance du crime fondateur : l’expulsion des Palestiniens de leur pays était un crime qu’il faut réparer. Pour cette réparation, le fil conducteur, c’est le droit international et l’égalité entre les deux peuples. Les partisans de « deux peuples, deux Etats » oublient 1948 et partent de 1967.

En 2005, 172 associations palestiniennes ont lancé un appel aux sociétés civiles du monde entier pour le BDS (boycott, désinvestissement, sanctions). Examinons bien les revendications de cet appel : fin de l’occupation, égalité des droits pour les Palestiniens de 48, droit au retour des réfugiés. Autrement dit, l’appel rejette toute fragmentation du peuple palestinien alors que la revendication d’un Etat sur 22% de la Palestine l’accepte implicitement. L’appel ne se prononce pas sur la formule étatique, mais il constate qu’entre Méditerranée et Jourdain, la moitié de la population subit discriminations, inégalités et répression permanente.

Le BDS a rencontré de très nombreux succès. Les initiateurs de l’appel insistent sur tous les aspects du BDS : économique (après Agrexco, les grandes firmes israéliennes visées sont Keter et Méhadrin), universitaire, culturel, syndical, sportif, juridique, politique… On ne boycott pas les individus mais tout ce qui représente l’occupant. Le BDS a provoqué le retrait de nombreux investissements et il a fait perdre beaucoup d’argent à des multinationales compromises dans l’occupation (Véolia, Alstom, Dexia …). Là où la diplomatie est impuissante, le BDS est en mesure de rompre le front intérieur et la cuirasse du sionisme en Israël. Le modèle c’est le boycott de l’Afrique du Sud à l’époque de l’apartheid. C’est la principale voie à suivre aujourd’hui.