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04/07/23

Le nouveau gouvernement israélien d’extrême droite : des défis et des opportunités sans précédent

Soutenant le récent pogrom perpétré par les milices juives israéliennes fascistes contre les Palestiniens à Huwara, près de Naplouse, dans le territoire palestinien occupé, et incitant ouvertement au terrorisme d’État, Bezalel Smotrich, ministre de haut rang du gouvernement israélien, qui se déclare « fasciste », a déclaré : « Je pense que Huwara doit être effacé. C’est à l’État de le faire ».

Date d'origine : 04/07/2023
Auteur : BDS Movement
Source : BDS Movement
Traduit par : JS pour BDS France

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RESUME

Soutenant le récent pogrom perpétré par les milices juives israéliennes fascistes contre les Palestiniens à Huwara, près de Naplouse, dans le territoire palestinien occupé, et incitant ouvertement au terrorisme d’État, Bezalel Smotrich, ministre de haut rang du gouvernement israélien, qui se déclare « fasciste », a déclaré : « Je pense que Huwara doit être effacé. C’est à l’État de le faire ».

Le nouveau gouvernement israélien d’extrême droite est le plus raciste, fondamentaliste, sexiste, corrompu, autoritaire et homophobe qui ait jamais existé – sans masque. Il constitue à la fois une escalade dans les politiques de colonisation et d’apartheid menées par Israël à l’encontre des Palestiniens autochtones et un changement potentiellement radical dans ses vastes projets de « réformes » judiciaires, sociales et culturelles affectant la société juive israélienne et, très probablement, l’économie israélienne. Cette situation confère aux défenseurs des droits des Palestiniens dans le monde entier, en particulier au sein du mouvement BDS, une responsabilité encore plus urgente et une opportunité sans précédent depuis 74 ans.

Les réactions féroces et radicales de l’establishment politico-militaro-économique israélien, soutenues par une rhétorique plus ferme de la part des bailleurs de fonds, des soutiens et des défenseurs occidentaux de l’État d’Israël, créent des précédents qui pourraient contribuer à exposer les fondements du régime israélien de colonialisme, d’apartheid et d’occupation militaire à un public beaucoup plus large dans le monde entier.

Cependant, les opportunités à elles seules ne mènent pas au changement, mais fournissent seulement un terrain fertile pour celui-ci. Le mouvement antiraciste BDS pour la liberté, la justice et l’égalité des Palestiniens, dirigé par la plus grande coalition palestinienne jamais formée, a la responsabilité particulière de repousser encore plus loin les limites en dénonçant le régime d’oppression d’Israël et en lui demandant des comptes, tout en analysant soigneusement, précisément et efficacement les réalités actuelles afin d’orienter notre campagne en faveur des droits de l’homme. S’il y a eu un jour  un moment pour sortir de nos zones de confort et faire grandir notre mouvement intersectionnel et la pression du BDS, c’est bien maintenant !

Index

(1) Introduction

(2) Différences de nature ou de degré ?

(3) Défendre la démocratie coloniale

(4) Réformer la colonie de peuplement

(5) Indicateurs clés de la différence de nature

(6) Indicateurs clés de la différence de degré

(7) Réponses sans précédent : faits marquants

7.1. Répercussions économiques : De la « Start-Up Nation » à la #ShutDownNation

7.2. Faire tomber le masque de la démocratie : L’impact croissant de BDS

7.3. Bouleversements dans le complexe du renseignement militaire

7.4. Perdre le « Dôme de fer juridique »

7.5. Impact académique et culturel

(8) Solidarité

8.1. Solidarité avec les Palestiniens

8.2. Qu’en est-il de la « gauche » israélienne qui lutte contre l’extrême droite ?

(9) Conclusion

1. Introduction1

Soutenant le récent pogrom des milices fascistes juives-israéliennes contre les Palestiniens à Huwara, près de Naplouse, dans le territoire palestinien occupé, et incitant ouvertement au terrorisme d’État, Bezalel Smotrich, ministre de haut rang du gouvernement israélien, un « fasciste » autoproclamé, a déclaré : « Je pense que Huwara doit être effacé. C’est à l’État de le faire ». Smotrich n’est cependant pas le premier dirigeant israélien à embrasser publiquement ou à menacer d’actes génocidaires les Palestiniens autochtones. En 2008, le chef du parti travailliste Matan Vilnai a menacé les Palestiniens d’une « plus grande shoah [Holocauste] » si les groupes de résistance ne cessaient pas leurs représailles armées contre le siège criminel et les attaques violentes d’Israël contre Gaza. Une erreur récente des censeurs israéliens a accidentellement révélé des documents secrets exposant le soutien de David Ben Gourion à « l’anéantissement » des villages palestiniens pendant la Nakba de 1948, un ministre de son premier gouvernement admettant : « Disons que des viols ont eu lieu dans [la ville palestinienne nettoyée ethniquement] Ramle. Je peux pardonner les cas de viol, mais je ne pardonnerai pas d’autres actes », tels que le retrait forcé des « bijoux des femmes ».

Pourtant, le nouveau gouvernement israélien d’extrême droite est le plus raciste, fondamentaliste, sexiste, corrompu, autoritaire et homophobe qui ait jamais existé – sans masque. Il constitue à la fois une escalade dans le régime actuel d’oppression coloniale d’Israël contre les Palestiniens indigènes et une rupture potentielle avec le statu quo dans ses projets de « réformes » judiciaires, sociales et culturelles de grande envergure affectant la société juive israélienne et, très probablement, l’économie israélienne également. Ce n’est rien de moins qu’une reconfiguration du projet sioniste de colonisation qui commence à prendre forme. Cela donne aux défenseurs des droits des Palestiniens dans le monde entier, en particulier au sein du mouvement BDS, une responsabilité encore plus urgente et une opportunité sans précédent depuis 74 ans.

Cependant, les opportunités à elles seules ne conduisent pas au changement ; elles ne font que lui fournir un terrain fertile. Nous devons encore maximiser nos efforts de construction de mouvements moralement cohérents et stratégiques afin de disposer d’un pouvoir populaire suffisant pour réaliser un changement qualitatif en exposant le vrai visage du régime d’oppression d’Israël et en lui demandant des comptes, en tant que contribution à la lutte de libération palestinienne. Le mouvement antiraciste BDS, dirigé par la plus grande coalition palestinienne jamais formée, a la responsabilité particulière de repousser les limites encore plus loin à cet égard, tout en analysant soigneusement, précisément et efficacement les développements actuels afin d’aider à guider notre campagne pour les droits humains, qui évolue et tient compte du contexte. Voici une analyse des principaux changements survenus dans la société israélienne et de leur impact potentiel sur la lutte pour la libération de la Palestine en général et sur le mouvement BDS en particulier.

2. Différences de nature ou de degré ?

Ce gouvernement israélien d’extrême droite constitue à la fois

(a) Une différence de degré par rapport aux Palestiniens autochtones, puisqu’il s’agit simplement d’une continuation plus fanatique et non masquée du régime israélien de colonialisme et d’apartheid, vieux de 74 ans, et (b) une différence de degré par rapport aux Palestiniens autochtones.

(b) Une différence de nature par rapport à la société coloniale israélienne, qui est la plus corrompue, la plus autoritaire, la plus fondamentaliste, la plus sexiste et la plus homophobe qui ait jamais existé.

Là où les projets de ce gouvernement diffèrent en nature, c’est dans les politiques sociales, culturelles et judiciaires qui affectent principalement la société juive-israélienne, où la corruption et le populisme jouent un rôle sans précédent dans l’orientation d’un changement radical de gouvernance. Cela a déjà un impact sur l’économie israélienne et conduit à un début de « fuite des capitaux » qui inquiète profondément les planificateurs économiques israéliens.

L’indignation de l’establishment sioniste « laïc » d’Israël, à prédominance ashkénaze (représenté par des politiciens de haut rang, des banquiers, des cadres de la haute technologie, des chefs de la sécurité militaire, des universitaires, des personnalités des médias, des économistes, des juristes, des personnalités culturelles et autres) et de ses partisans dans le courant libéral dominant de l’Occident colonial tourne autour de (b) et non de (a). Dans leurs analyses, leurs attaques furieuses contre le « régime du coup d’État » et les « solutions » qu’ils proposent, ils s’efforcent à la fois d’effacer les Palestiniens de l’équation et de blanchir le régime permanent d’oppression dont nous sommes victimes2

3. Défendre la démocratie coloniale

Un examen rapide des principales accusations lancées par l’opposition de l’establishment à l’encontre du nouveau gouvernement, ou de certaines de ses composantes, met en évidence cet effacement conscient et persistant des Palestiniens autochtones :  » fasciste4 « ,  » fasciste messianique5 « , « autoritaire »,  » attaquant la liberté elle-même « ,  » illibéralisme à l’état pur « , voire  » menace pour la paix mondiale « . D’anciens responsables politiques, militaires, judiciaires et même financiers israéliens crient lors de manifestations de masse que les plans du gouvernement risquent de « paralyser l’économie« , de déclencher une « guerre civile« , de conduire à un « effondrement constitutionnel et social« , de déclencher une « intifada légale« , de causer une « blessure mortelle à la démocratie« , de « tuer les médias israéliens« , de « bafouer les droits humains« , etc.

La tendance fasciste qui est aujourd’hui couramment mentionnée dans le courant dominant israélien a toujours fait partie intégrante du sionisme politique. Mais elle est aujourd’hui plus forte et plus audacieuse que jamais dans l’actuel gouvernement israélien, où des ministres de premier plan6 prônent ouvertement, encouragent ou soutiennent de toute autre manière des théories ou des « solutions » génocidaires ou extrêmement violentes et racistes au « problème » des Palestiniens autochtones.

Le kahanisme7, qu’un rédacteur en chef du Haaretz qualifie de « variante juive du fascisme8 « , est désormais bien ancré dans le courant dominant et dans les hautes sphères du gouvernement, ce qui nous donne une occasion importante d’exposer les structures de l’oppression. Tout État prétendument démocratique et respectueux du droit international, aussi hypocrite soit-il, aura beaucoup plus de mal que jamais, face à la résistance organisée et efficace du mouvement de solidarité grandissant, à défendre ses relations chaleureuses – complices – avec Israël, fondées sur le prétexte de « valeurs démocratiques communes ». Mais encore une fois, l’opportunité seule ne mettra pas fin à la complicité. Un mouvement de solidarité de masse efficace, stratégique et fondé sur des principes, peut à tout le moins être un catalyseur majeur, comme cela s’est produit dans plusieurs États occidentaux contre l’Afrique du Sud de l’apartheid.

L’éléphant dans la pièce, que l’opposition israélienne et ses partisans anti-palestiniens ignorent intentionnellement, est que l’objectif réel et primordial de ce gouvernement israélien, comme de tous les précédents, est d’ancrer le colonialisme de peuplement en accélérant l’annexion de facto et de jure d’une plus grande partie du territoire palestinien occupé. La Haute Cour/Cour suprême, bien qu’elle ait soutenu et permis l’entreprise de colonisation illégale d’Israël et protégé ses crimes de guerre de la responsabilité internationale pendant des décennies, est toujours accusée par l’extrême droite, dirigée depuis toujours par le Likoud9, d’entraver l’achèvement du projet colonialiste d’Israël que la coalition considère comme son objectif le plus fondamental, comme l’a admis Netanyahou dans son tweet infâme mais honnête10.

Ces attaques contre un gouvernement israélien en exercice de la part de l’establishment israélien reflètent une véritable crainte que ses plans « irrationnels » et « irresponsables » n’exposent le vrai visage du régime d’oppression israélien et ne dévoilent des aspects fondamentaux de la démocratie coloniale israélienne11. Après tout, on ne peut pas « résoudre la quadrature du cercle de la ‘démocratie juive‘ ». Israël a en effet été une démocratie relativement dynamique pour ses colons juifs tout en maintenant simultanément un régime brutal d’oppression sur les Arabes palestiniens autochtones, y compris les réfugiés. Comme le dit Ilan Pappe, Israël est une « démocratie herrenvolk (démocratie de la « race des seigneurs » ndt), une démocratie uniquement pour les maîtres ». C’est cette démocratie herrenvolk qui est en train d’être sapée ou ce que Peter Beinart appelle la « démocratie libérale pour les Juifs » qui est en train d’être sapée aujourd’hui.

Daniel Blatman, éminent spécialiste israélien du fascisme, du nazisme et de l’Holocauste, affirme qu’Israël a « un gouvernement populiste qui s’approche du fascisme ». Pourtant, dans une longue interview, où il ne mentionne pas une seule fois les Palestiniens, il se concentre sur les « réformes judiciaires » du gouvernement en déclarant :

« Si ces « réformes » judiciaires sont mises en œuvre, dans une réalité aussi complexe que celle d’Israël, cela conduira à un désastre. Nous ne sommes pas la Pologne. En Pologne, il y aura des élections dans six mois. Que le gouvernement soit remplacé ou non, les gens s’en accommoderont. Mais là, pour Israël, avec sa composition sociale interne, avec l’occupation, avec une population [arabe] minoritaire de 20 %, avec une situation si complexe en termes de sécurité, de société, d’économie, le populisme est une recette pour la ruine. Non seulement des valeurs morales, mais aussi de l’existence même du pays. … 

Ce qui était autrefois l’extrême droite est aujourd’hui au centre. Des idées autrefois marginales sont devenues légitimes. En tant qu’historien spécialiste de l’Holocauste et du nazisme, il m’est difficile de dire cela, mais il y a aujourd’hui des ministres néonazis au sein du gouvernement. On ne voit cela nulle part ailleurs – ni en Hongrie, ni en Pologne – des ministres qui, idéologiquement, sont de purs racistes.  »  (C’est nous qui soulignons)

Ce qui terrifie vraiment Blatman et ses semblables, c’est que ce « fascisme », qui a toujours été une composante authentique et organique du colonialisme sioniste dirigé contre les indigènes palestiniens, atteigne sa conclusion logique : il se transforme en une menace sérieuse pour l’establishment juif-israélien lui-même, et risque d’ébranler certains de ses fondements12. Un régime d’oppression raciste ne peut empêcher le racisme inhérent à son système d’injustice à l’égard des opprimés de s’étendre à sa propre société d’oppresseurs, comme l’admettent aujourd’hui certains commentateurs israéliens honnêtes13.

Le fait que la Cour suprême d’Israël ait toujours été un pilier du système colonialiste qui fournit un « dôme de fer juridique » indispensable protégeant les criminels de guerre israéliens de la responsabilité internationale n’apparaît pas sur le radar de l’opposition de l’establishment sioniste. Parmi ses nombreux crimes contre les Palestiniens, par exemple, la Haute Cour a confirmé en 2021 la loi de 2018 sur l’État-nation juif, qui déclare que « le droit d’exercer l’autodétermination nationale » en Israël est « unique au peuple juif ». Elle a donc officiellement défini les citoyens palestiniens d’Israël comme des citoyens de seconde zone, un statut qu’ils ont toujours eu. En 2022, la Haute Cour – dont l’un des juges réside dans une colonie illégale du territoire palestinien occupé (TPO) de 1967 – a autorisé l’expulsion forcée d’un millier de Palestiniens de leurs maisons à Masafer Yatta, en Cisjordanie occupée, pour faire place à une « zone d’entraînement » de l’armée. La décision a explicitement rejeté le principe selon lequel le droit international est « coutumier et contraignant » dans le TPO.

Orly Noy, présidente de B’Tselem, a réfléchi à cette complicité judiciaire en déclarant : « Je n’irai pas à une manifestation à Tel-Aviv où des militaires montent sur scène pour dire que nous devons lutter contre les réformes judiciaires parce que, sinon, la communauté internationale aura des raisons d’envoyer nos concitoyens devant la Cour pénale internationale. L’accent devrait être mis sur le fait de ne pas commettre de crimes de guerre en premier lieu. Je ne peux pas manifester pour protéger le statu quo ».

4. Réformer la colonie de peuplement

Bien que dirigée par Benjamin Netanyahou, Monsieur Néolibéralisme, la coalition comprend des partis fondamentalistes clés (Shas et United Torah Judaism) qui en ont assez du néolibéralisme et de l’austérité de l’establishment et qui prônent le développement de l' »État-providence », même si ce n’est que pour les Israéliens juifs. Bien que le Shas ait également abordé par le passé le racisme interne israélien (contre les Juifs arabes/mizrahi, les Juifs haredi/fondamentalistes, etc.), cette question ne figurait pas en bonne place dans son programme électoral lors des dernières élections. Néanmoins, les partis fondamentalistes imputent en partie la « corruption » démographique de la société juive aux centaines de milliers de « faux » Juifs (la majorité absolue des colons provenant d’anciennes républiques soviétiques) et à la corruption culturelle de la société juive par les « corps étrangers » et la pensée occidentale « dégénérée », en particulier la pensée chrétienne provenant des églises d’Europe. Parallèlement, les violentes attaques israéliennes contre les Palestiniens chrétiens, leurs églises, leurs cimetières et leurs monuments, accompagnées de chants « Mort aux chrétiens » et « Mort aux Arabes et aux Gentils », se sont multipliées.

De l’autre côté, l’establishment « laïque » reproche aux ultra-orthodoxes d’être un « fardeau » pour les caisses de l’État sans y contribuer beaucoup (en moyenne, un Israélien non haredi paie six fois plus d’impôts qu’un haredi, par habitant) et d’être « corrompus » et « fanatiques ». Eran Yashiv, professeur d’économie à l’université de Tel-Aviv, considère la réforme judiciaire comme une sorte d’accaparement des ressources par les ultra-orthodoxes et l’extrême droite sioniste religieuse. Selon lui, « il s’agit d’une redistribution du secteur de la haute technologie vers les minorités religieuses et nationalistes. … cela ferait d’Israël un pays illibéral ». En outre, l’establishment « laïque » et ses intellectuels récitent de plus en plus le célèbre paradoxe de la tolérance du philosophe Karl Popper : « pour maintenir une société tolérante, la société doit être intolérante à l’égard de l’intolérance ». Ils accusent la « tolérance » apparemment illimitée de l’élite dirigeante laïque à l’égard des opinions et des actes manifestement intolérants des grandes et influentes communautés religieuses sionistes haredi et ultranationalistes, ce qui a conduit à la réalité coercitive d’aujourd’hui. Là encore, l' »intolérance » consensuelle des sionistes à l’égard des Palestiniens autochtones, pour ne pas dire plus, ne figure pas dans ces débats.

L’establishment « laïc » craint que ces partis ultra-orthodoxes alliés à des partis religieux ultra-nationalistes,  ne se contentant plus de réformer l’establishment sioniste « laïc », ne soient déterminés à le remanier ou à le réinventer complètement, afin d’institutionnaliser davantage leur notion d’exclusion de l' »identité juive ». Maintenir intactes les structures d’oppression des colons à l’encontre des autochtones palestiniens resterait le dénominateur commun entre les deux côtés de la médaille des colons.

5. Indicateurs clés de la différence de nature

La nouvelle coalition au pouvoir en Israël prévoit de nombreux changements, certains basés sur la plate-forme consensuelle de la coalition et d’autres exprimés par certains de ses ministres, mais pas tous. Certains de ces plans visent de facto ou peuvent affecter les piliers fondamentaux des structures de pouvoir de l’État :

– Donner à la Knesset le pouvoir d’annuler les décisions de la Haute Cour de justice et « politiser » la composition du Comité de sélection des juges, principales demandes des puissants mouvements de colons dans le TPO, menacent de saper la séparation relative des pouvoirs entre les branches exécutive et législative (toutes deux contrôlées par la coalition au pouvoir), d’une part, et la branche judiciaire, d’autre part. Cette dernière a toujours joui d’une indépendance relative par rapport à la politique parlementaire israélienne juive, malgré son rôle constant et fondamental en tant que pilier de la structure coloniale contre les Palestiniens14. Le pouvoir massif actuel de la Haute Cour est considéré comme le garant fondamental du système de « freins et contrepoids » dans un État qui n’a pas de constitution et une seule chambre parlementaire15. En dépit de leur impact potentiellement radical, ces réformes jouissent d’un fort soutien dans l’opinion publique juive israélienne.

– La création d’un poste ministériel distinct au sein du ministère de la défense, nommé par Bezalel Smotrich, contrôlant la soi-disant « administration civile » d’Israël dans le TPO, qui gouverne les Palestiniens et les colons illégaux qui s’y trouvent, est sans précédent. Parallèlement, Itamar Ben-Gvir, le « ministre de la sécurité nationale », doit prendre le contrôle direct de l’ensemble de la police des frontières, une force qui opère sous le commandement des « FDI » en Cisjordanie occupée, y compris à Jérusalem-Est. Cela pourrait en effet « faire voler en éclats toute la stratégie des FDI », a averti Giora Eiland, général israélien à la retraite et ancien conseiller à la sécurité nationale.

Plusieurs commandants militaires israéliens de haut rang ont averti que ces changements pourraient « modifier radicalement le visage des FDI », voire conduire au « démantèlement de [leur] chaîne de commandement » et à l’affaiblissement de leur état de préparation au combat. Certains ont exprimé la crainte que ces réformes ne renforcent encore l’annexion de facto et de jure de la Cisjordanie, « compliquant » les relations avec les bailleurs de fonds occidentaux d’Israël, soulignant implicitement l’impact croissant que peut avoir le mouvement de solidarité.

D’autres plans prévoient de porter la politique de « judaïsation » du régime d’apartheid d’Israël à un niveau qualitativement nouveau. Au-delà de son utilisation constante comme stratégie coloniale pour déplacer par la force les Palestiniens indigènes et voler leurs terres16, la « judaïsation » devient une politique qui menace – bien que dans une moindre mesure – également des secteurs au sein de la société juive israélienne dominante :

– Le gouvernement fait pression en faveur d’une loi fondamentale sur la législation qui stipule que toute loi fondamentale (une loi ayant un pouvoir constitutionnel) précédemment adoptée avec une majorité de moins de 61 membres du parlement perdra son statut de loi fondamentale et deviendra une loi « ordinaire ». L’objectif principal est de rétrograder la loi fondamentale sur la dignité et la liberté humaines, adoptée à la 12e Knesset par une majorité de 32 membres contre 21.

Ayala Procaccia, juge de la Cour suprême à la retraite, a déclaré : « Transformer la loi fondamentale [sur la dignité humaine et la liberté] en loi ordinaire revient à nier la suprématie des droits humains et à les soumettre à la volonté de n’importe quel gouvernement, et compromet également la capacité de la Cour à protéger l’individu ou la minorité contre des atteintes disproportionnées à leurs droits les plus fondamentaux ». Elle a ajouté que ce préjudice peut s’appliquer à « tous les aspects de la vie dans lesquels nous avons des droits humains » : L’égalité et la non-discrimination, la liberté d’expression, le droit à la propriété privée, le droit à la vie privée, le droit de circuler et le droit à la liberté de religion et de ne pas avoir de religion ». Une fois de plus, sa déclaration fait référence, sans aucun sens de l’ironie, aux droits fondamentaux des Israéliens juifs, et certainement pas à ceux des Palestiniens autochtones. La Haute Cour d’Israël a toujours rejeté les appels en faveur d’une égalité totale17 pour les citoyens palestiniens d’Israël, les principaux juges faisant valoir qu’une telle égalité porterait atteinte à la « judéité » de l’État. Pour des raisons évidentes, l’égalité n’est pas inscrite dans les lois fondamentales d’Israël.

– Selon les accords de la coalition, environ 500 millions de dollars seront alloués au « renforcement de l’identité juive » en Israël – une expression que l’establishment « laïque » entend comme un endoctrinement religieux orthodoxe. Il est également prévu de faire de l’étude de la Torah une valeur égale au service militaire, ce qui permettrait au gouvernement d’adopter pour la première fois une loi exemptant les étudiants de yeshiva du service militaire, rendant cette exemption de jure, et non plus seulement de facto comme elle l’a toujours été18.

– Le député Avi Maoz (parti Noam), vice-ministre au cabinet du Premier ministre chargé de la mise en place de l' »autorité pour la sécurité de l’identité » et des programmes éducatifs extrascolaires, s’est engagé à « judaïser » profondément l’éducation, en mettant l’accent sur la loi juive (halacha) et la suprématie du judaïsme. Il déclare : « Notre drapeau est une guerre sans équivoque contre le progressisme. Le statu quo doit être modifié et nous devons veiller à ce que le judaïsme soit reconnu partout. Israël sera un État qui observera le shabbat publiquement. Les familles LGBT ne seront pas reconnues et les femmes ne serviront pas dans les forces de défense israéliennes. Leur contribution consistera à se marier et à fonder une famille ».

– Les plans de la coalition comprennent « l’augmentation des pouvoirs des tribunaux religieux qui discriminent les femmes, l’augmentation de la ségrégation entre les sexes dans la sphère publique et la résistance aux initiatives de lutte contre la violence à l’égard des femmes au nom de la préservation de l’autorité masculine au sein du foyer ». La « misogynie » de la coalition est régulièrement attaquée par l’opposition19. À Tel Aviv, Jérusalem et Haïfa, des dizaines d’Israéliennes ont manifesté déguisées en servantes du livre de Margaret Atwood « The Handmaid’s Tale« , qui traite d’une société fondamentaliste fictive qui opprime les femmes.

– Une législation est proposée pour donner aux prestataires de services, y compris les médecins, le droit de refuser un service à quiconque si ce service est contraire à leurs croyances religieuses. Cette mesure est largement interprétée comme donnant aux Israéliens de tous horizons le droit de refuser des services non seulement aux Palestiniens (musulmans et chrétiens), mais aussi aux personnes juives LGBTQI+ et aux femmes juives portant des vêtements impudiques, etc. Comme tous les fondamentalismes religieux, le fondamentalisme juif est excluant et encourage la haine et la violence raciales20. Toutefois, en tant que mouvement systématiquement antiraciste, le BDS appelle à éviter toute généralisation ou analyse susceptible d’évoquer involontairement des tropes antisémites.

– Outre son impact évident sur les Palestiniens, un autre aspect important de la montée en puissance du fondamentalisme juif au sein du gouvernement israélien est la restriction supplémentaire attendue de la définition israélienne des Juifs afin d’exclure les personnes converties par des rabbins non orthodoxes. Ben-Gvir a appelé à la révocation de la reconnaissance par l’État des conversions non orthodoxes. Cette mesure, ainsi que d’autres similaires, exaspéreront probablement des millions de Juifs non orthodoxes, en particulier aux États-Unis où le judaïsme réformé reste la plus grande confession juive, offrant ainsi aux groupes juifs progressistes antisionistes – dont le rôle au sein du mouvement est crucial et plus important que jamais – de nouvelles possibilités d’accroître leur soutien.

– Dans un précédent, un ministre de haut rang a récemment déclaré : « Je suis un homophobe fasciste », portant un coup dur à la stratégie bien huilée de « pinkwashing » d’Israël.

– Après l’attaque meurtrière contre des colons israéliens à Jérusalem-Est occupée, le 27 janvier 2023, les colons ont scandé non seulement leur hymne – « Mort aux Arabes » ! – mais aussi « Mort aux gauchistes ! ». L’extrême droite israélienne a toujours détesté ce qu’elle considère comme des Israéliens juifs « de gauche », principalement des sionistes de l’establishment purs et durs (comme les dirigeants travaillistes ainsi que des personnalités telles que Shimon Peres, Yitzhak Rabin, Yair Lapid, les principaux juges de la Haute Cour, etc.) qui veulent renforcer le régime de colonialisme et d’apartheid qu’ils ont construit au départ, mais qui s’efforcent de maintenir le masque de propagande nécessaire de la démocratie et du libéralisme et qui sont donc prêts à renoncer à un certain contrôle sur un minuscule morceau de la Palestine historique pour mettre en cage des millions de Palestiniens dans des bantoustans/ghettos. Pour eux, Gaza est le modèle colonial parfait de la façon de traiter le « problème » des Palestiniens indigènes dans toute la Palestine historique – « un maximum de terres avec un minimum d’Arabes ». Cette « gauche » de l’establishment n’a qu’un objectif ultime et primordial : sauvegarder la colonie de peuplement en prolongeant la majorité démographique et la suprématie juive d’Israël pour les décennies à venir. 

Bien qu’elle ne soit pas nouvelle, l’attaque des colons d’extrême droite contre les Israéliens juifs « de gauche », les assimilant à des indigènes déshumanisés, est aujourd’hui renforcée par le soutien de ministres de haut rang.

Au contraire, les véritables juifs israéliens de gauche, qui sont par définition anticoloniaux et soutiennent le démantèlement du colonialisme et de l’apartheid, ne sont pas pris en compte dans ce débat de l’establishment21.

(6) Indicateurs clés de la DIFFÉRENCE DE DEGRÉ

Pour les Palestiniens, les politiques actuelles de colonialisme et d’apartheid sont devenues plus brutales, tandis que les plans à long terme sont accélérés par une approche beaucoup plus arrogante des relations internationales, qui rejette catégoriquement les préoccupations sincères exprimées par les partenaires criminels d’Israël aux États-Unis et en Europe :

– Ce gouvernement met enfin en œuvre le rêve de l’extrême droite : l’annexion de facto et sans doute de jure sous stéroïdes de la plupart, sinon de la totalité, des TPO en intensifiant et en « légalisant » la colonisation partout, y compris dans les hauteurs du Golan syrien occupé, conformément au plan d’annexion Trump-Netanyahou/ »Deal du siècle ». Les premières mesures officielles en vue d’une annexion de jure ont déjà été prises.

– Les gouvernements israéliens successifs, en particulier ceux dirigés par le Likoud et ses partenaires d’extrême droite, ont progressivement effacé la soi-disant Ligne verte (frontière d’armistice de 1949), dans les faits sinon en droit22. Cela a inclus le traitement accru des Palestiniens ayant la citoyenneté israélienne (Palestiniens de 1948) comme faisant partie de la population arabe palestinienne autochtone « ennemie », et non plus comme des « Arabes israéliens » qui doivent être différenciés des Palestiniens d’ailleurs et effectivement cooptés pour accepter leur citoyenneté de seconde classe dans le cadre du système global d’oppression coloniale en tant que destin. Avec l’actuel gouvernement israélien, cette tendance deviendra beaucoup plus nette et plus difficile à cacher, ce qui donnera un nouvel élan à l’unité palestinienne qui s’est manifestée le plus vigoureusement lors du soulèvement de mai 2021 dans l’ensemble de la Palestine historique. Les idées kahanistes ou inspirées par Kahane d’un nettoyage ethnique accru des communautés palestiniennes de 1948, ou d’un « transfert statique », qui ont été populaires pendant des décennies parmi les principaux dirigeants du parti travailliste et du Likoud, devraient maintenant gagner encore plus de terrain dans le courant dominant.

Nachman Shai, ancien ministre israélien de la Diaspora, a déclaré que les projets de la coalition visant à renforcer la domination des juifs orthodoxes en Israël aliéneraient les juifs non orthodoxes du monde entier et aggraveraient leur désaccord avec Israël23. Ces projets comprennent l’interdiction des prières juives mixtes dans toute partie de la « place » dite du Mur occidental24 (quartier des Maghrébins nettoyé ethniquement dans la vieille ville occupée de Jérusalem) et l’annulation de la clause « petit-fils » de la « loi du retour » coloniale, qui exclut effectivement de l’éligibilité à cette loi raciste les petits-fils et petites-filles d’un grand-père non juif.

– Le débat souvent censuré sur la montée en puissance du sionisme fondamentaliste juif en Israël et son impact potentiellement fatal sur les autochtones palestiniens est désormais plus public sous ce gouvernement. Depuis des décennies, des personnalités juives fondamentalistes sionistes appellent au génocide et aux massacres contre les musulmans et les chrétiens arabes (en particulier palestiniens), en s’appuyant sur des interprétations fanatiques de la loi juive (Halacha) pour les justifier. Par exemple, Shmuel Eliyahu, le grand rabbin de Safad et père d’un ministre du gouvernement actuel, a applaudi à la mort de dizaines de milliers de personnes en Turquie et en Syrie à la suite du tremblement de terre dévastateur de février 2023, le qualifiant de « justice divine » contre les « ennemis » d’Israël.

– Si les précédents gouvernements de Netanyahou, moins fascistes et moins fondamentalistes, ont formé des alliances solides avec des partis, mouvements et régimes d’extrême droite, autoritaires et despotiques du monde entier, presque tous explicitement antisémites, son nouveau gouvernement, « le plus raciste de tous les temps », promet de porter ces alliances à un tout autre niveau. Sa première priorité diplomatique, par exemple, est de normaliser les relations avec la dictature saoudienne.

– L’actuel ministre israélien des affaires stratégiques et ancien ambassadeur à Washington, Ron Dermer, a déclaré en 2021 qu’Israël devrait consacrer plus d’énergie à atteindre les évangélistes américains « passionnés » que les Juifs. Selon lui, les sionistes chrétiens constituent la « colonne vertébrale » du soutien américain à Israël, tandis que les Américains juifs comptent « de manière disproportionnée parmi les détracteurs [d’Israël] ». Le partenariat étroit d’Israël avec les sionistes chrétiens, sans doute l’une des communautés les plus puissantes et les plus profondément antisémites25 du monde (en Occident et, de plus en plus, dans le Sud), représente une menace plus grande non seulement pour les droits et la vie des Palestiniens, des femmes, des LGBTQI+ et d’autres communautés religieuses, mais aussi pour la sécurité des Juifs dans le monde entier, comme l’ont constamment souligné de nombreux groupes juifs progressistes.

7. Des réactions sans précédent : faits marquants

Les développements ci-dessus et bien d’autres ont alarmé, irrité et radicalement déstabilisé comme jamais auparavant l’establishment sioniste ashkénaze – relativement laïque – qui a été hégémonique pendant des décennies en Israël et parmi les communautés juives aux États-Unis et ailleurs. Voici quelques-uns des indicateurs les plus significatifs, depuis que le nouveau gouvernement a prêté serment, de cette expression sans précédent d’inquiétude face à une menace « existentielle » pour Israël de l’intérieur, ainsi que de la crainte accrue, bien que souvent exprimée de manière implicite, d’un isolement et d’un boycott croissants26 :

7.1. RÉPERCUSSIONS ÉCONOMIQUES : De la « Start-Up Nation » à la #ShutDownNation27 

Les « réformes judiciaires » prévues par le gouvernement ont provoqué la fureur du courant « libéral » en Israël et en Occident plus que n’importe quel autre de ses plans ou actions concrètes sur le terrain. Le gouverneur de la Banque d’Israël a averti M. Netanyahou que ses vastes réformes judiciaires pourraient nuire à l’économie israélienne. Il aurait fait part d’inquiétudes partagées par d’autres participants au récent sommet du Forum économique mondial de Davos, selon lesquelles la refonte du système judiciaire israélien effacerait les contrôles et les équilibres démocratiques. Cela pourrait potentiellement endommager la monnaie, conduire à une décision d’abaisser la cote de crédit du pays et faire fuir les investissements étrangers. Il semble que le gouverneur ignorait alors que le premier vote de défiance à l’égard de l’économie israélienne et de l’environnement d’investissement viendrait de chefs d’entreprise israéliens, et non étrangers.

Dans un projet de son rapport annuel, l‘OCDE28 a déclaré : « La corruption en Israël a augmenté ces dernières années et est plus élevée que dans les autres pays de l’OCDE ». Elle a averti que l’ébranlement de la confiance dans les institutions publiques et le système judiciaire pourrait entraîner la perte d’investissements nationaux et étrangers en Israël.

Des centaines d’économistes israéliens de haut niveau ont écrit dans une lettre à M. Netanyahou : « La concentration de vastes pouvoirs politiques entre les mains du groupe au pouvoir, sans contrôle ni contrepoids solides, pourrait paralyser l’économie du pays ». [Par la suite, 56 économistes de renommée mondiale, dont 11 lauréats du prix Nobel, ont averti que les réformes étaient « préjudiciables à la prospérité et à la croissance économiques [d’Israël] ».

Le cadre le plus influent du secteur de la haute technologie à s’être joint aux manifestations est Tzahi Weisfeld, vice-président d’Intel, qui a récemment déclaré : « J’ai contribué à la création de nombreuses grandes entreprises en Israël. Je l’ai fait à partir d’ici parce que je suis sioniste et fier d’être Israélien, et parce que je suis engagé dans l’industrie. J’ai toujours été en mesure d’expliquer pourquoi tout devait être géré à partir d’ici. On m’a souvent demandé de convaincre des dirigeants de multinationales de venir s’installer ici. Ces dernières semaines, quelque chose s’est brisé en moi et je ne suis pas le seul à le vivre ». Weisfeld conclut : « Nous sommes à la veille de la disparition de la haute technologie en Israël ». Il s’agit sans doute de l’indicateur le plus significatif à ce jour de l’influence majeure que l’engagement idéologique en faveur du sionisme et de son projet de colonisation a joué dans la détermination des investissements internationaux massifs en Israël, en dépit des conditions de « sécurité » exceptionnellement risquées de ce pays.

HSBC s’est jointe au chœur des investisseurs inquiets en déclarant que les réformes pourraient conduire à « une détérioration de l’environnement d’investissement et donc peser sur la monnaie ».

Reflétant l’état d’esprit des milieux d’affaires israéliens, Leo Bakman, président de l’Institut israélien pour l’innovation, un incubateur de 2 500 jeunes entreprises, a résumé les inquiétudes des milieux d’affaires israéliens en déclarant : « Les investisseurs prennent du recul et disent : « D’abord, décidez si vous êtes une démocratie ou une dictature, et ensuite nous discuterons » … Si je pensais que cette « réforme » [judiciaire] revenait à se tirer une balle dans le pied, je réfléchirais probablement à deux fois avant de parler. Mais je crois que nous sommes en train de nous tirer une balle dans la tête ». Un banquier suisse anonyme de haut rang aurait utilisé la même métaphore.

Alors que les craintes d’un « coup d’État judiciaire » s’intensifient, la protestation du secteur de la haute technologie dépasse les gestes symboliques pour se traduire par des mesures financières concrètes. Des sources bancaires israéliennes ont affirmé que, dès la mi-février, quelque 4 milliards de dollars avaient déjà été transférés des banques israéliennes vers des banques principalement américaines et européennes. Les entreprises de haute technologie ont transféré à elles seules plus de 780 millions de dollars. En outre, un revenu global de 2,2 milliards de dollars généré par des activités à l’étranger a été conservé dans des banques à l’étranger et non transféré dans des banques israéliennes.

Fin février, selon Zvi Stepak, fondateur et propriétaire de Meitav Investment House, qui compte un million de clients et gère des fonds d’une valeur de 60 milliards de dollars, les investisseurs israéliens avaient déjà réduit leurs investissements dans des fonds communs de placement spécialisés dans les obligations de l’État d’Israël et les obligations de sociétés israéliennes d’un montant considérable de 3,4 milliards de NIS (près d’un milliard de dollars). Cela pourrait convaincre les investisseurs institutionnels en obligations israéliennes, en particulier aux États-Unis, d’envisager un désinvestissement en raison des risques fiduciaires.

Boaz Barak, un banquier israélien chevronné qui travaille depuis des décennies pour des banques suisses, estime que « les sorties de fonds d’Israël vers la Suisse ont atteint des milliards de dollars au cours des dernières semaines ». Il explique : « L’économie mondiale évolue sur la base des émotions et de la psychologie des troupeaux. Il est absolument clair que la confiance dans les systèmes financiers locaux et les institutions gouvernementales est le moteur de la vie quotidienne dans les pays développés. Cette confiance est facile à perdre et très difficile à rétablir. La méfiance est un élément contagieux. Lorsque les Israéliens perdent confiance en leur pays, les banquiers étrangers ont également tendance à adopter ce message. Le manque de confiance décourage les investissements dans les entreprises internes du pays et dans les industries de pointe ».

Les protestations les plus vives contre les « réformes judiciaires » prévues sont venues de l’influent secteur israélien de la haute technologie, dont la contribution totale à l’économie représente environ 25 % du PIB, selon une étude de Deloitte datant de 2022, et au moins 40 % du total des exportations. Le fonds américain Insight Partners, le plus grand investisseur dans la haute technologie israélienne (il investit dans 75 entreprises/startups), a envoyé une lettre à toutes les entreprises dans lesquelles il a investi, mettant indirectement en garde contre la « révolution » judiciaire et culturelle poursuivie par le gouvernement israélien. Elle condamne également ses « tentatives de piétiner les libertés individuelles » ainsi que les « actes de haine, de violence ou de discrimination ».

Des dizaines de leaders israéliens du secteur de la haute technologie ont envoyé à M. Netanyahou une lettre dans laquelle ils déclarent « Nous, entrepreneurs et fondateurs de jeunes entreprises en Israël, investisseurs et gestionnaires de fonds de capital-risque, nous adressons à vous avec inquiétude en raison des implications destructrices pour l’économie en général, et pour l’industrie de la haute technologie en particulier, qui pourraient résulter des mouvements législatifs qui se déroulent ces jours-ci à la Knesset. … l’affaiblissement du statut des tribunaux, ainsi que l’atteinte aux droits des minorités fondées sur la religion, la race, le sexe ou l’orientation sexuelle, représenteraient une menace existentielle substantielle [pour] la glorieuse industrie de haute technologie qui s’est construite en Israël au prix d’un dur labeur au cours des trois dernières décennies. L’affaiblissement de la confiance dans le système judiciaire et, par conséquent, dans la démocratie israélienne, une législation qui remet en question les droits fondamentaux de chaque personne, pourraient dissuader les investisseurs qui ont été à l’origine de la croissance de cette merveilleuse industrie29« . 

Au moins 16 grandes entreprises israéliennes de haute technologie ont organisé une grève sans précédent d’une heure fin janvier à Tel Aviv et dans d’autres centres de haute technologie. Le PDG d’une entreprise de haute technologie a déclaré : « La haute technologie apporte beaucoup d’argent [à Israël]. Elle est le moteur de l’économie dans certaines parties du pays. 40 % des exportations israéliennes proviennent du secteur de la haute technologie, qui disparaîtra dans une seconde. Ces personnes reçoivent tous les jours des demandes de renseignements de la part d’entreprises américaines ; pensez à la vitesse à laquelle elles se lèveront et s’envoleront. Que se passera-t-il si les 10 % les plus performants du secteur de la haute technologie disparaissent ? Les affaires s’arrêteront.

Parmi les entreprises de haute technologie qui ont rendu public leur désinvestissement important d’Israël, on peut citer la société de cybersécurité Wiz, les fonds de capital-risque Disruptive et Disruptive AI, qui gèrent ensemble 250 millions de dollars, et Papaya Global, un fournisseur de Microsoft et de Toyota. La PDG et cofondatrice de Papaya a déclaré qu’elle avait décidé de retirer « tous les fonds de l’entreprise d’Israël » parce qu' »il n’y a aucune certitude que nous puissions mener une activité économique internationale à partir d’Israël ». Il s’agit d’une mesure douloureuse mais nécessaire pour l’entreprise ».

Les entreprises mises à part, des Israéliens aisés, possédant chacun des économies d’environ 1 million de dollars déposées dans des banques israéliennes, feraient « la queue pour rencontrer leurs banques et leur dire qu’ils veulent transférer la moitié de leur argent à l’étranger ».

Adam Fisher, cofondateur de Bessemer Venture Partners, qui a financé plus de 30 start-ups israéliennes, prévoit un avenir sombre dans lequel les investissements internationaux dans la haute technologie israélienne suivront les entrepreneurs s’ils quittent le pays. Environ 90 % de tous les investissements dans la technologie israélienne proviennent de sources étrangères. M. Fisher déclare : « Lorsque j’investis en Israël, je n’investis pas vraiment dans l’économie israélienne ; je ne regarde pas le shekel, l’infrastructure ferroviaire ou la croissance du PIB. J’investis dans des entrepreneurs, et si ces entrepreneurs veulent s’installer ailleurs, c’est très bien. »

Le 27 février 2023, les résultats d’une nouvelle enquête menée par M. Fisher et Michal Tsur, président de la société de logiciels Kaltura, ont été publiés. Ils montrent que 90 % des entrepreneurs israéliens et des dirigeants d’entreprises de haute technologie déclarent que s’ils devaient rétablir leurs entreprises respectives aujourd’hui, ils les créeraient en dehors d’Israël.

Gigi Levy-Weiss, partenaire du fonds de capital-risque NFX, l’un des principaux investisseurs dans la haute technologie israélienne, a déclaré : « Cette chose que nous avons construite pendant de nombreuses années peut, en une seconde, tomber et descendre dans un abîme dont nous ne pourrons pas sortir. Bien que les dommages causés à la haute technologie soient graves, ils ne s’arrêtent pas là. Elle entraînera une augmentation du taux de change du dollar, un affaiblissement du shekel, une dégradation de la cote de crédit d’Israël et une augmentation des taux d’intérêt. Cette combinaison se traduit par des dégâts immédiats dans la poche de chaque citoyen et par un coup direct sur les retraites ».

7.2. FAIRE TOMBER LE MASQUE DE LA DÉMOCRATIE : L’IMPACT CROISSANT DE BDS

Qu’elles établissent ou non un lien entre le processus actuel d’affaiblissement de la démocratie des colons israéliens et le régime de colonisation et d’apartheid mis en place depuis des décennies à l’encontre des autochtones palestiniens, des voix israéliennes issues du courant sioniste dominant décrient l’érosion de la « démocratie » et appellent soudain les soutiens d’Israël, en particulier les États-Unis et l’Europe, à imposer des « sanctions » ciblées à l’encontre des dirigeants israéliens. L’analyste chevronné Akiva Eldar va beaucoup plus loin, appelant les États-Unis et l’Europe à cesser de protéger Israël des sanctions internationales au Conseil de sécurité des Nations unies, à s’abstenir de bloquer les demandes de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) visant à ce qu’Israël signe le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, et même à ce que l’Union européenne mette fin à son généreux accord de libre-échange avec Israël.

Les dirigeants occidentaux racistes anti-palestiniens, comme le président français Emmanuel Macron, ont averti Netanyahou que son projet d’érosion de l' »indépendance » de la Haute Cour forcerait la France à « conclure qu’Israël a rompu avec la perception dominante de la démocratie. » Mais alors que l’UE avait gelé le transfert de milliards d’euros à la Hongrie après qu’elle ait échoué à mettre en œuvre des réformes démocratiques, l’UE n’a jamais pris de mesures de responsabilité similaires contre le système israélien de violations massives des droits humains, vieux de plusieurs décennies, y compris le fait de gouverner des millions de Palestiniens sans aucun droit démocratique. L’UE, avec son hypocrisie coloniale typique, rejette toujours les appels à imposer des sanctions à Israël, arguant qu’il s’agit toujours d’une « démocratie qui fonctionne« .

Le rabbin Rick Jacobs, président de l’Union pour le judaïsme réformé, la plus grande congrégation juive des États-Unis (environ 2 millions de membres), s’est adressé aux manifestants « anti-coup d’État » à Tel-Aviv le 25 février, exprimant de vives inquiétudes et déclarant effectivement que si Israël perdait son masque démocratique, il serait beaucoup plus difficile de le défendre contre le BDS aux États-Unis. « Chaque jour, nous luttons contre ceux qui délégitiment Israël. Chaque jour, nous défendons la relation spéciale entre les États-Unis et Israël, une relation fondée en grande partie sur nos valeurs communes de démocratie et de droits humains », a-t-il déclaré, ajoutant : « Les menaces qui pèsent sur la démocratie israélienne mettent en péril la position d’Israël dans la communauté mondiale des nations démocratiques ».

Plus de 200 dirigeants de l’establishment juif américain, dont d’anciens responsables de l’AIPAC, ont critiqué les projets du gouvernement Netanyahou qui ciblent les juifs non orthodoxes ou qui pourraient conduire à une nouvelle annexion des terres palestiniennes occupées.

Deux anciens fonctionnaires américains, aux références sionistes incontestables, Aaron David Miller, ancien haut fonctionnaire du département d’État, et Daniel C. Kurtzer, ancien ambassadeur à Tel-Aviv, ont cosigné un article d’opinion dans le Washington Post, dans lequel ils qualifient les partenaires de la coalition de Netanyahou de « partis d’extrême droite radicaux, racistes, misogynes et homophobes ». Ils recommandent à l’administration Biden de « ne pas fournir d’armes offensives ou d’autres formes d’assistance aux actions israéliennes malveillantes à Jérusalem ou dans les territoires occupés », de « ne pas traiter avec Ben-Gvir, Smotrich ou leurs ministères s’ils continuent d’épouser des politiques et des actions racistes » et d’informer Netanyahu que « le soutien des États-Unis à Israël dans les forums internationaux, y compris le Conseil de sécurité de l’ONU et la Cour internationale de justice, a ses limites ».

Le membre juif le plus haut placé du Congrès américain a averti que la « relation critique » d’Israël avec les États-Unis « pourrait être irrévocablement tendue si Israël allait de l’avant avec les amendements judiciaires antidémocratiques proposés par le ministre de la Justice ». Plusieurs initiatives de membres du Congrès, pour la plupart des partisans typiquement anti-palestiniens de l’apartheid israélien dont l’intention manifeste est de « sauver Israël » de lui-même, appellent maintenant la Maison Blanche à faire pression sur Israël. Ils affirment que les réformes de M. Netanyahou « mettraient en péril la démocratie israélienne, ce qui, à son tour, saperait le fondement même des relations entre les États-Unis et Israël ». Elles donneraient également « du pouvoir aux législateurs d’extrême droite qui cherchent à consolider la colonisation de la Cisjordanie et à faire avancer un programme en faveur de l’annexion, sapant ainsi les perspectives d’une solution à deux États et menaçant l’existence d’Israël en tant qu’État juif et démocratique ».

L’influent Institut d’études de sécurité nationale de l’université de Tel-Aviv a récemment publié son évaluation annuelle des menaces qui pèsent sur Israël, plaçant au premier rang la perte progressive du soutien des États-Unis, ce qui inclut la perte du soutien des Juifs américains. Cette analyse tient implicitement compte de l’impact croissant du BDS, y compris chez les jeunes juifs américains, comme l’affirment de récents sondages. Sa principale conclusion est que la « relation spéciale » d’Israël avec les États-Unis est en danger en raison d’un changement générationnel qui s’exprime par « l’influence que la jeune génération progressiste a eue en niant la légitimité d’Israël et du sionisme, qu’elle considère comme l’expression d’une suprématie colonialiste blanche ». Le glissement d’Israël vers l’extrême droite, avec les tendances fascistes démasquées au sein du gouvernement, ne fera qu’aggraver et accélérer ce « danger ».

Des personnalités juives sionistes de l’establishment au Royaume-Uni ont commencé à exprimer des critiques discrètes à la suite du pogrom israélien à Huwara. Un éminent historien a appelé la communauté juive mondiale à s’élever contre la « désintégration complète du pacte politique et social » d’Israël, mettant en garde contre le fait qu’Israël devienne une « théocratie nationaliste ». Le rabbin Jonathan Romain a déclaré : « La faction extrémiste du gouvernement [israélien] est hostile aux homosexuels, aux femmes, aux libertés civiles, au pluralisme et aux Palestiniens. Les juifs britanniques ne sont plus des partisans inconditionnels [d’Israël], mais des amis critiques, qui expriment publiquement leurs critiques.

7.3. BOULEVERSEMENTS DANS LE COMPLEXE DU RENSEIGNEMENT MILITAIRE

On a souvent dit qu’Israël est une armée avec un État, contrairement aux États normaux. L’armée est de loin l’institution à laquelle la société juive israélienne fait le plus confiance (presque à 90 %) et qu’elle vénère le plus. L’instabilité ou les premiers signes de révolte dans ce pilier du régime israélien sont donc bien plus lourds de conséquences que dans n’importe quel autre domaine. Pour la première fois, un bouleversement se prépare au sein de l’establishment du renseignement militaire pour protester contre les réformes du gouvernement, en particulier son projet d’adopter une loi exemptant les étudiants de yeshiva du service militaire, rendant cette exemption de jure, et non plus seulement de facto comme elle l’a toujours été.

Il s’agit là d’un facteur majeur à l’origine de la vague de milliers de réservistes militaires israéliens qui refusent de servir30 ou déclarent leur intention de ne pas servir, une tendance qui fait craindre – de manière quelque peu exagérée – à des observateurs chevronnés que l’armée israélienne ne se « désintègre« . Les réformes judiciaires et l’exemption potentielle de jure du service militaire pour les ultra-orthodoxes « sapent le moral et la motivation des soldats, tant dans le service obligatoire que dans les réserves, et mettent à mal l’éthique de « l’armée du peuple » », selon Yossi Melman, éminent journaliste israélien et expert reconnu en matière de renseignement et d’affaires militaires. Sur la base d’estimations prudentes, il affirme que « des milliers [de soldats] hésitent ou refusent carrément de se présenter au travail », concluant que « le barrage a déjà éclaté et que le conflit a déjà pénétré l’armée ». Le bouleversement a atteint l’élite de l’élite, non seulement 1 200 pilotes, mais aussi 500 vétérans de l’unité 8200 (renseignement d’origine électromagnétique), 410 réservistes des unités ultrasecrètes du renseignement militaire qui soutiennent les forces spéciales et le Mossad, ainsi que, selon Melman, 500 anciens agents du Shin Bet et des agents actuels du Mossad.

En outre, environ 150 réservistes qui servent en tant que spécialistes de la guerre cybernétique ont annoncé le 2 mars 2023 qu’ils cesseraient de se présenter au travail si la révision judiciaire était avancée. Parmi eux se trouvent des officiers aux grades de colonel, lieutenant-colonel et major. Sans ironie aucune, ils craignent que « le cadre moral et juridique qui nous permet de développer et d’exploiter les capacités sensibles dont nous avons la charge soit mis à mal » et qu' »un régime dépourvu de contrôle judiciaire puisse utiliser ces capacités de manière immorale et en contradiction avec les valeurs démocratiques31  » [souligné par l’auteur].

7.4. PERDRE LE « DÔME DE FER JURIDIQUE »

Les soldats israéliens et les organisations qui les défendent ont protesté contre l’impact considérable que l’affaiblissement du pouvoir de la Haute Cour aurait sur la protection des criminels de guerre israéliens contre la Cour pénale internationale (CPI). L’une de ces organisations, Darkenu, a déclaré « La Haute Cour est le gilet pare-balles des soldats de Tsahal, elle protège nos fils et nos filles qui servent dans l’armée contre les tentatives de pétition contre les soldats de Tsahal devant la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye.

Les pilotes d’élite de l’armée de l’air israélienne se joignent aux manifestations, et leur principale préoccupation est que les réformes pourraient faire d’eux les « premiers dans le collimateur de la Cour de La Haye ».

Un avocat américain qui a été pendant des décennies un fervent apologiste des crimes de guerre israéliens explique : « Il y a un concept à la Cour pénale internationale qui s’appelle la complémentarité. Cela signifie que la Cour pénale internationale n’est pas compétente pour juger des individus si leur pays dispose d’un système juridique capable de rendre la justice de manière satisfaisante. À l’heure actuelle, la Cour pénale internationale n’est pas compétente à l’égard d’Israël parce que la [Haute Cour] israélienne fait un travail remarquable pour protéger les droits des individus et des victimes présumées de crimes de guerre. Elle juge les soldats et les colons, et ce Dôme de fer juridique [la Haute Cour israélienne] serait considérablement affaibli par ces réformes judiciaires, ce qui permettrait aux ennemis d’Israël de prétendre plus facilement que la Cour pénale internationale devrait être compétente à l’égard des Israéliens.

7.5. IMPACT UNIVERSITAIRE ET CULTUREL

Le comité des présidents de toutes les grandes universités israéliennes, y compris la colonie-collège Ariel, a averti que les réformes judiciaires radicales entraîneraient des « dommages fatals » pour les institutions éducatives du pays et exacerberaient les boycotts académiques. Ils ont écrit : « Cela risque de se manifester par une fuite des cerveaux […] ; les étudiants […] et les collègues internationaux ne viendront pas en Israël ; notre accès aux fonds de recherche internationaux sera limité ; les industries étrangères se retireront de la coopération avec le monde universitaire israélien ; et nous serons exclus de la communauté internationale de la recherche et de l’éducation ».

En réponse à un autre projet de loi du gouvernement qui donnerait au ministre de l’éducation le pouvoir de nommer le conseil d’administration de la bibliothèque nationale d’Israël, l’université hébraïque, qui est copropriétaire de la bibliothèque avec l’État, a menacé de retirer toutes ses collections de la bibliothèque, ce qui porterait gravement atteinte à la réputation de cette institution coloniale. Des donateurs du monde entier ont également déclaré qu’ils cesseraient de soutenir la bibliothèque si elle devenait un instrument politique.

D’éminents cinéastes israéliens ont appelé au boycott du fonds Rabinovich pour avoir exigé une « déclaration de loyauté ». Il est important de noter qu’ils n’avaient jamais appelé à un tel boycott sous les gouvernements précédents, en dépit du fait que le serment de loyauté est appliqué depuis 2017. Le moment choisi serait une protestation préventive contre les projets du nouveau ministre de la Culture d’obliger tous les fonds cinématographiques du gouvernement israélien à ajouter leur propre déclaration de loyauté, dans le cadre des conditions d’attribution des fonds aux nouvelles productions.

Le président de l’Académie israélienne des sciences et des lettres a mis en garde contre les risques que les réformes judiciaires font peser sur le principal bailleur de fonds de la recherche israélienne, la Fondation israélienne pour la science (ISF), qui fait largement appel à des évaluateurs externes venant de l’étranger. Il a déclaré : « [N]ous voyons les premiers signes d’une augmentation des refus d’examen. Si cette tendance se confirme, elle portera gravement atteinte à la capacité de l’ISF d’évaluer la science israélienne, ce qui aura des répercussions considérables ».

8. La solidarité

8.1. Solidarité avec les Palestiniens

Une solidarité effective avec la lutte des Palestiniens pour la liberté, la justice et l’égalité est plus urgente que jamais. Les milices fascistes israéliennes, soutenues ouvertement par les principaux ministres du gouvernement d’extrême droite, brûlent sans relâche – et en toute impunité – les maisons, les vergers, les oliviers centenaires et les magasins des Palestiniens, et volent nos terres, tout en asphyxiant notre peuple partout dans des espaces assiégés de plus en plus restreints. Notre résistance populaire sur le terrain, soutenue par la solidarité significative de millions de personnes à travers le monde, est le seul facteur qui les empêche de perpétrer des pogroms bien pires.

La condition préalable fondamentale de la solidarité est de mettre fin à la complicité avec le régime d’oppression. L’intensification des actions BDS aujourd’hui – la rupture des liens académiques, culturels, économiques, financiers et militaro-sécuritaires avec le régime d’apartheid d’Israël, avec les institutions, les banques et les entreprises complices – est indispensable non seulement pour nous remonter le moral et maintenir l’espoir d’une vie juste, paisible et digne. C’est littéralement indispensable pour sauver nos vies et nos moyens de subsistance face à leurs chants et à leurs intentions génocidaires non dissimulés.

8.2 Qu’en est-il de la « gauche » israélienne qui lutte contre l’extrême droite ?

Dans les cercles universitaires, culturels ou de lutte contre la désinformation, principalement occidentaux, un nouveau discours sioniste est en train d’émerger : « Aujourd’hui plus que jamais, le monde ne doit pas boycotter Israël, mais être solidaire de la gauche israélienne contre l’extrême droite croissante qui sape la démocratie et les libertés. Bien entendu, il s’agit de défendre la démocratie et les libertés coloniales des colons qui ont toujours été systématiquement refusées aux autochtones palestiniens32.

Une réponse efficace et traditionnelle à ce discours fallacieux est d’adhérer à l’épreuve de vérité éthique la plus forte du mouvement BDS, à savoir la complicité :

a L’organisation/activité israélienne qui recherche la « solidarité » soutient-elle ou non les trois droits fondamentaux des Palestiniens en vertu du droit international ?

b A-t-elle mis fin à toutes les formes de complicité avec l’apartheid israélien ?

Si la réponse à l’une ou l’autre de ces questions est négative, l’organisation ou l’activité est raciste et ne peut en aucun cas être qualifiée de « gauche » ou même de « libérale » selon les normes internationales. Loin de « combattre » le régime d’extrême droite, elle fait partie du système d’apartheid colonial, ne luttant que pour sauvegarder ses propres intérêts et privilèges étroits, sans remettre en question les fondements de l’oppression. Soutenir de telles organisations et répondre à leurs appels à ignorer l’appel des indigènes palestiniens ne servira qu’à maintenir le régime général d’oppression.

La solidarité s’exerce avec ceux qui luttent réellement pour mettre fin aux systèmes et aux structures d’oppression, et non avec ceux qui veulent les rendre « plus agréables » pour certains, qui veulent rendre nos chaînes « plus confortables » plutôt que de nous aider à les briser, comme l’a dit un jour l’archevêque Desmond Tutu. Les colons blancs d’Afrique du Sud qui se battent uniquement pour les droits étroits de leurs communautés spécifiques (l’égalité des droits des femmes blanches, par exemple) ou pour leurs privilèges tout en faisant partie du système global de l’apartheid méritent-ils la solidarité du monde ?

Les véritables gens de gauche juifs-israéliens, la gauche antisioniste et anticoloniale, qui sont nos partenaires dans la lutte, sont également attaqués non seulement par l’extrême droite israélienne, mais aussi par l’ainsi dite « gauche » dominante.

(9) CONCLUSION

Rien n’empêche Israël, avec la montée de ses tendances fascistes démasquées, de perpétrer des massacres plus graves et un nettoyage ethnique en masse, si ce n’est sa crainte de boycotts et de sanctions internationales sérieuses. Les Palestiniens autochtones du monde entier appellent les personnes de conscience du monde entier à canaliser leur indignation morale pour exercer une pression plus efficace sur le BDS afin d’arrêter les incendies de leur oppression coloniale et violente – notre Nakba en cours.

Dans de nombreux pays, les gouvernements, les entreprises et les institutions sont profondément complices du régime israélien d’occupation militaire, de colonialisme de peuplement et d’apartheid qui dure depuis des décennies, tout comme ils l’étaient avec le régime d’apartheid en Afrique du Sud. Israël ne peut maintenir ce régime d’oppression qu’avec la complicité internationale. Voici les 5 choses les plus efficaces que vous pouvez faire pour remettre en cause cette complicité et soutenir la lutte des Palestiniens pour la liberté, la justice et l’égalité : 

1. Travaillez avec des réseaux progressistes pour faire pression sur les parlements et les gouvernements, y compris les gouvernements locaux/conseils municipaux pour (a) mettre fin à toute coopération militaire et sécuritaire et au commerce (financement militaire dans le cas des États-Unis) avec le régime d’apartheid israélien et les régimes d’oppression criminels similaires dans le monde entier, (b) interdire (ou exclure des marchés publics) tous les biens/services des entreprises opérant dans les colonies coloniales illégales d’Israël et les violations graves des droits humains partout dans le monde, et (c) promouvoir l’action de l’ONU pour enquêter sur l’apartheid israélien et le démanteler, comme cela a été fait pour le régime d’apartheid d’Afrique du Sud. 

2. Mobiliser des campagnes de pression institutionnelle (y compris des boycotts ou des désinvestissements) contre les entreprises et les banques israéliennes et internationales qui sont complices des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité commis par Israël. Cela inclut toutes les banques israéliennes (Leumi, Hapoalim, etc.) et les grandes multinationales telles que : Elbit Systems, Google, Amazon, HP et HPE, CAT, JCB, Volvo, Hyundai Heavy Industries, Chevron, Siemens, CAF, G4S/AlliedUniversal, AXA, PUMA, Carrefour, Booking.com, Airbnb, Sabra, Barclays, Expedia, l’armée israélienne et les sociétés de logiciels espions, etc. 

3. Mobilisez votre communauté, votre syndicat, votre association, votre église, votre réseau social, votre gouvernement/syndicat étudiant, votre conseil municipal, votre centre culturel ou toute autre organisation pour qu’elle se déclare Zone Libre d’Apartheid (AFZ), ou qu’elle mette fin à toutes ses relations avec le régime d’apartheid d’Israël et les entreprises/institutions qui sont complices de graves violations des droits humains dans le monde entier. 

4. Initier/soutenir des boycotts de tous les engagements académiques, culturels, sportifs et touristiques ayant lieu dans ou sponsorisés par le régime d’apartheid israélien, ses groupes de pression ou ses institutions complices. 

5. Rejoignez une campagne BDS ou un groupe stratégique de solidarité avec la Palestine près de chez vous pour agir collectivement et efficacement. 

Canalisez votre colère et mobilisez la pression BDS pour démanteler le colonialisme, l’apartheid et toutes les formes de racisme et d’oppression

Notes de fin d’ouvrage

1 Le présent document s’appuie largement sur des sources israéliennes courantes, à dessein. Il est destiné à guider et à soutenir les efforts en cours pour intégrer notre connaissance factuelle du régime d’oppression israélien dans cette phase sans précédent et, plus important encore, pour intégrer les mesures de responsabilisation, en particulier celles liées au BDS.

2 Le rapport publié en novembre 2022 par Al-Haq, la principale organisation palestinienne de défense des droits de l’homme, constitue une excellente ressource sur l’apartheid en tant qu’instrument du régime colonial israélien depuis 1948. Un document de référence historique est l’appel de janvier 2023 à un front mondial pour démanteler le régime israélien de colonialisme et d’apartheid, rédigé par le département anti-apartheid de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), en partenariat avec le mouvement BDS, le réseau des ONG palestiniennes (PNGO), le ministère palestinien de la justice et le Conseil des organisations palestiniennes des droits de l’homme (PHROC), avec la participation d’experts juridiques, de journalistes, d’activistes politiques, d’universitaires et d’autres sympathisants. Même le comité éditorial du Haaretz déclare aujourd’hui que le gouvernement israélien fait progresser un « apartheid à part entière » dans les TPO.

3 Comme l’écrit Hagai El-Ad de B’Tselem, « le débat actuel en Israël ne porte pas sur l’oppression réelle des Palestiniens – qui fait l’objet d’un large consensus – mais sur la manière dont leurs droits doivent être bafoués et jusqu’à quel point ».

4 Primo Levi, éminent expert juif-italien du fascisme, a écrit que le fascisme était « très loin d’être mort. Il était seulement caché… gardant le silence, pour réapparaître plus tard sous une nouvelle apparence, un peu moins reconnaissable, un peu plus respectable ». Le terme « fascisme » n’a jamais été utilisé aussi largement dans les médias hégémoniques occidentaux et israéliens qu’au cours des derniers mois pour décrire les principales tendances du nouveau gouvernement israélien, l’accent étant mis presque exclusivement sur les Israéliens juifs en tant que victimes présumées de ces tendances. Voir, par exemple, ici, ici, ici, ici, ici, ici, ici et ici. Plus que toute autre chose, cette situation risque d’anéantir l’image de propagande soigneusement et très efficacement projetée par Israël, à savoir qu’il est « la seule démocratie du Moyen-Orient ».

5 Dans un précédent, un ministre de haut rang a récemment déclaré : « Je suis un homophobe fasciste ». Quoi qu’il en soit, s’il est important de souligner cette tendance fasciste, en particulier en Occident, décrire l’ensemble du gouvernement comme fasciste est – jusqu’à présent – inexact et risque d’aliéner inutilement des alliés potentiels. 

6 Le ministre israélien de la propagande (hasbara), par exemple, en essayant de justifier les crimes de guerre israéliens, se réfère aux Palestiniens comme à des « meurtriers ayant subi un lavage de cerveau et programmés pour rechercher le sang juif depuis l’âge zéro ».

7 Le rabbin Meir Kahane a répété dans ses rassemblements populaires en Israël, en particulier dans les villes mixtes palestiniennes et juives, que s’il n’y a qu’un seul Kahane qui parle, il y a un million de Kahane qui se taisent. Aujourd’hui, plus d’un million de Kahane, électeurs des partis fascistes, s’enhardissent à défendre ouvertement leurs projets génocidaires, tandis que des millions d’autres Kahane restent silencieux. Selon l’enquête la plus fiable sur l’opinion des Israéliens juifs, 62 % d’entre eux se définissent comme étant de « droite », ce qui équivaut à l’extrême droite selon les normes internationales ; près de 50 % pensent que « les citoyens juifs d’Israël devraient avoir plus de droits que les citoyens non juifs » ; 43 % préfèrent qu’Israël soit plus juif que démocratique ; 66 % pensent que les organisations de défense des droits de l’homme causent des dommages à l’État ; et l’institution en laquelle ils ont le plus confiance est l’armée israélienne (88 % de confiance en moyenne).

8 Ironiquement, Meir Kahane avait l’habitude de qualifier de « fascistes » ses opposants juifs « de gauche » qui tentaient de l’annuler. Lors d’une présentation aux États-Unis en 1984, par exemple, il a pointé du doigt ses opposants juifs en criant : « Ne me parlez pas, vous les gauchistes, de l’amour des Juifs. Je sais ce que vous êtes ! Des fascistes ? Ce sont eux les fascistes !

9 Le comité central du Likoud a voté à une écrasante majorité en 2017 pour soutenir l’annexion complète du TPO.

10 Traduction anglaise du tweet de Netanyahou : « Le peuple juif a un droit exclusif et incontestable sur toutes les zones de la Terre d’Israël. Le gouvernement encouragera et développera la colonisation dans toutes les parties de la Terre d’Israël – en Galilée, dans le Néguev, dans le Golan, en Judée et en Samarie ».

11 Le journaliste israélien Meron Rapoport écrit : « Comme d’autres colonies de peuplement, telles que les États-Unis, le Canada et l’Afrique du Sud, le sionisme s’est vanté d’avoir établi une « société modèle » en Palestine – pour les colons, bien sûr, et non pour la population autochtone. L’une des manifestations de cette « société modèle » était la démocratie interne que le mouvement sioniste avait instaurée entre le fleuve et la mer ». La sociologue israélienne Eva Illouz écrit : « Comme beaucoup d’autres exemples de nationalisme de peuplement, l’histoire du sionisme est une chronique de la force nécessaire pour vaincre une population indigène. L’histoire du sionisme est aussi l’histoire de la mythologisation de cette force ».

12 Yossi Klein écrit par exemple dans Haaretz : « Pendant 75 ans, le fascisme a été enseigné au compte-gouttes dans les écoles, sans être appelé par son nom. Amour de la patrie », « colonie », « extrême droite ». Ils nous ont appris que nous étions meilleurs que le monde entier, mais aussi ses victimes. Grâce au lien entre l’apitoiement et l’arrogance, nous avons fait ce que la démocratie rejette et que le fascisme accepte. Chaque ministre de l’éducation a contribué à l’avancement du fascisme. Chaque programme d’études l’a renforcé. Ils l’ont dilué avec des ingrédients destinés à en obscurcir l’essence ; « notre droit à la terre » nous a donné le droit d’expulser les réfugiés et de tourmenter les occupés. Les parents se frottaient les yeux d’incrédulité : Ils se sont endormis avec de bons enfants et se sont réveillés avec des troupes de choc. S’ils veulent vraiment savoir d’où leurs enfants tirent ce mal, ils devraient aller à l’école et lire le programme, vérifier ce qu’ils apprennent et surtout ce qu’ils n’ont pas le droit d’apprendre ».
13 Israël Frey écrit dans Haaretz : « C’est fini. Ce n’est plus notre État. Il a été occupé par des forces fascistes. Il est maintenant temps de penser comme des opposants au régime. Et les opposants au nouveau régime ne se battent pas pour la « santé mentale » et le bon gouvernement. Ils représentent sans crainte le bloc de l’égalité totale, qui sapera probablement les fondements de la suprématie juive ». Hagai El-Ad, de B’Tselem, critique la « nostalgie » malhonnête du camp anti-gouvernemental en déclarant : « Israël n’a pas seulement occupé les territoires, il a mis en œuvre « là-bas » les pratiques qu’il avait mises en œuvre « ici » à partir de 1948. Ces pratiques comprennent l’imposition d’un gouvernement militaire et la promotion de la « colonisation juive » – une prise de contrôle juive des terres palestiniennes et une réorganisation du pouvoir politique, de la géographie et de la démographie. Tout a commencé ici et, depuis 1967, tout a été mis en œuvre là-bas – la même idéologie, la même politique ».
14 Comme Kohelet Policy Forum, le groupe de réflexion le plus influent d’Israël qui guide les « réformes » de la coalition actuelle, ne cesse de le répéter pour défendre cette diminution du pouvoir des tribunaux, Israël est le seul État de l’OCDE dans lequel les politiciens ne choisissent pas les juges et où les juges de la Cour suprême ont le pouvoir d’abroger les lois votées par les politiciens.
15 Les investissements dans les dictatures, comme les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite, ne semblent pas affectés par l’absence totale de contre-pouvoirs démocratiques. Ce qui est omis dans les discussions sur la volatilité particulière de l’économie israélienne, malgré sa puissance incontestable – principalement un facteur de complicité coloniale occidentale et d’engagement idéologique, et pas simplement d' »innovation » – c’est l’impact de la résistance palestinienne et de la solidarité internationale (en particulier le BDS) sur cette économie. Le bond économique d’Israël, après tout, est le résultat direct des accords d’Oslo avec l’OLP et des dizaines de marchés qui ont été ouverts aux produits et services israéliens en conséquence. Au cours de la première et de la deuxième intifada palestinienne, Israël a connu sa plus importante fuite de capitaux et de talents vers l’Amérique du Nord et l’Europe. Après le massacre d’Israël à Gaza en 2014 et le bond qualitatif de l’activisme BDS qui a suivi, l’économie israélienne a été durement touchée et les principaux groupes de réflexion financière, comme la Rand Corporation, ainsi que les agences de notation ont reconnu l’impact du BDS sur cette économie.
16 En 2012, par exemple, le rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à un logement convenable a décrit la « stratégie de judaïsation » d’Israël comme visant à contrôler les terres palestiniennes en déclarant : « Dans des contextes juridiques et géographiques très différents, de la Galilée et du Néguev à Jérusalem-Est et à la Cisjordanie, les autorités israéliennes promeuvent un modèle de développement territorial qui exclut, discrimine et déplace les minorités, affectant en particulier les communautés palestiniennes ».
17 Dans son rapport novateur sur l’apartheid en tant qu’instrument du colonialisme israélien depuis 1948, Al-Haq déclare : « En mai 1948, la Déclaration de création de l’État d’Israël a annoncé la création d’un État juif.132 Bien qu’elle ait garanti le droit à « l’égalité complète des droits sociaux et politiques à tous ses habitants », cette garantie n’a pas été pleinement mise en œuvre par la législation et le droit n’a pas été garanti dans les lois fondamentales, qui font office de documents constitutionnels en l’absence d’une constitution écrite. Dans toutes les lois fondamentales, les dispositions juridiques relatives à l’égalité sont subordonnées à celles qui privilégient les Israéliens juifs et établissent que l’État d’Israël est juif. La Hight Court a toujours rejeté les demandes de reconnaissance d’une nationalité civique israélienne qui offrirait des garanties d’égalité entre tous les citoyens, car cela « mettrait en danger le principe fondateur d’Israël : être un État juif pour le peuple juif » ; elle a refusé d’autoriser la discussion de l’égalité totale des droits et du projet de loi sur « l’État de tous ses citoyens » à la Knesset ; elle a rejeté les appels contre le pouvoir massif du JNF raciste dans la gestion de l’Autorité foncière israélienne, etc.

18 Les enfants ultra-orthodoxes (Haredi) représentent un quart de tous les enfants juifs du système scolaire israélien et 40 % de tous les élèves juifs de première année. La majorité des élèves ultra-orthodoxes – 74% – étudient dans des écoles non officielles mais reconnues,

La majorité des élèves ultra-orthodoxes – 74 % – étudient dans des écoles non officielles mais reconnues, 23 % qui sont censées suivre la majorité du programme de base laïque (bien que la plupart ne le fassent pas) en échange d’un financement de 75 % ; 22,5 % étudient dans des écoles « exemptées » qui enseignent une plus petite partie du programme de base et reçoivent un financement proportionnel de l’État, tandis que 3,5 % seulement étudient dans des écoles haredi entièrement gérées par l’État qui enseignent l’intégralité du programme de base. Seule la moitié des hommes israéliens ultra-orthodoxes travaillent. L’establishment sioniste israélien, plus laïc, s’inquiète vivement du fait qu’avec la promesse de ce gouvernement d’augmenter le financement de l’étude de la Torah, la motivation des ultra-orthodoxes à poursuivre une éducation laïque ou à travailler diminuera de manière significative. L’establishment ashkénaze israélien séculier, qui est obsédé par les données démographiques, est profondément préoccupé par le fait que, compte tenu de leur taux de fécondité beaucoup plus élevé (le double de la moyenne israélienne), de leur aspiration constante à se séparer de la société israélienne et non à s’y intégrer et du fait que leur éducation religieuse laisse la plupart d’entre eux mal équipés pour assumer un rôle fonctionnel dans l’économie moderne d’Israël, la menace qui pèse sur l’avenir d’Israël en tant qu’économie forte se profile plus clairement que jamais. La grande majorité des diplômés du secondaire ultra-orthodoxes ne remplissent pas les conditions minimales d’entrée à l’université. Le professeur Yedidia Stern, président de l’influent Institut de politique du peuple juif, déclare : « Lorsque les Haredim étaient un petit groupe, c’était acceptable. Aujourd’hui, c’est impossible. Permettre que cela continue malgré le grand nombre de Haredim signifie que le pays ne pourra pas fonctionner ».

19 Alors que la misogynie, le patriarcat structurel, la discrimination et la violence fondées sur le sexe ont toujours existé dans la société coloniale hyper-militarisée d’Israël, le nouveau gouvernement tente d’imposer davantage de lois orthodoxes/religieuses dans la sphère publique, d’une manière qui portera encore plus atteinte aux droits des femmes. En tant qu' »État juif » autoproclamé, Israël n’a jamais connu de véritable séparation entre l' »Église » et l’État, et l’establishment religieux a toujours joué un rôle essentiel dans la suppression des droits des femmes.

20 Voir, par exemple, le livre écrit par Israel Shahak et Norton Mezvinsky, Jewish Fundamentalism in Israel.

21 Reconnaissant ces Israéliens anticoloniaux comme des partenaires potentiels dans la lutte de libération, l’appel historique BDS de 2005, approuvé par les partis politiques palestiniens ainsi que par le plus large échantillon de Palestiniens dans la Palestine historique et en exil, dit explicitement : « Nous invitons également les Israéliens consciencieux à soutenir cet appel, dans l’intérêt de la justice et d’une paix véritable ».

22 En fait, c’est le parti travailliste israélien, qui a dirigé l’occupation de 1967, qui a initié l’effacement littéral de la « Ligne verte » sur les cartes et plus tard sur le terrain par une décision officielle du gouvernement en 1967. Lorsque le Likoud dirigé par Netanyahou est revenu au pouvoir en 2009, il s’est simplement engagé dans une politique de « ré-effacement » de cette ligne, en étendant les colonies en Cisjordanie et en les légitimant à l’intérieur des Israéliens juifs ainsi que sur la scène internationale. De leur côté, les Palestiniens autochtones, par leur résistance, ont également effacé cette ligne, unissant les deux principales composantes du peuple palestinien (67 et 48) dans une lutte de libération commune avec des manifestations et des contextes divers.

23 L’ancien ministre du parti travailliste Nachman Shai écrit : « Israël pourrait découvrir que les relations bilatérales sont habituelles dans ce monde. Ceux qui recherchent le soutien des Juifs de la diaspora dans la lutte contre le BDS, dans la lutte contre l’antisémitisme ou, Dieu nous en préserve, [contre] l’abaissement de la cote de crédit d’Israël, constateront que [les Juifs de la diaspora] ne sont pas là. Ils ne sont pas obligés de le faire. Aujourd’hui, ils le font par amour, par reconnaissance, par bonne volonté. Lorsqu’ils verront que l’État d’Israël ne les compte pas, ils ne le compteront pas non plus ». Le mouvement réformiste, qui compte environ 2 millions d’adeptes aux États-Unis, a qualifié le projet de loi de « voyou » et de « honte absolue », déclarant que le mur occidental « ne peut être géré comme s’il s’agissait d’une synagogue haredi ». Les juifs réformés et conservateurs représentent environ 60 % des juifs américains, tandis que les orthodoxes n’en représentent que 10 %.

24 Sans aucun sens de l’ironie, l’ancien premier ministre israélien Yair Lapid a réagi à ce projet de loi imminent en déclarant : « Si cette loi est adoptée, Israël ne sera plus un pays libre ». Au lieu d’être un symbole d’unité, le Mur occidental deviendra un symbole d’oppression des femmes, de discrimination à l’égard des personnes laïques et de démantèlement de notre alliance avec la communauté juive mondiale ».

25 Les principaux groupes de pression fondamentalistes chrétiens sionistes israéliens aux États-Unis ont interprété l’Armageddon comme le retour du Christ pour sauver de la damnation éternelle uniquement ceux qui croient en lui. Ceux qui ne croient pas, qui refusent de se convertir au christianisme, seraient tous « anéantis et envoyés en enfer », car il n’y a pas de salut pour eux. Les sionistes chrétiens ont toujours normalisé le colonialisme sioniste en Palestine et le nettoyage ethnique de la Nakba de 1948 et de la Nakba actuelle, en tant que catalyseur du retour du Messie.

Gershom Gorenberg, l’auteur israélo-américain de « End of Days », un ouvrage largement cité sur les sionistes chrétiens, déclare : « Les Juifs meurent ou se convertissent. (…) [Les sionistes chrétiens] n’aiment pas les vrais Juifs. Ils nous aiment comme des personnages de leur histoire, de leur pièce, … et nous n’avons jamais auditionné pour ce rôle, et la pièce n’est pas bonne pour nous. Si vous écoutez le drame qu’ils décrivent, il s’agit essentiellement d’une pièce en cinq actes dans laquelle les Juifs disparaissent au quatrième acte ».

26 Depuis 2013, de hauts responsables israéliens tirent la sonnette d’alarme sur l’impact croissant du BDS, y compris sur le plan économique. En 2013, par exemple, Tzipi Livni, alors ministre de la justice, a averti que les boycotts financiers et économiques internationaux avaient commencé avec les colonies dans le TPO, mais qu’avec le temps, ils atteindraient le reste du pays, déclarant : « Le boycott se déplace et progresse de manière uniforme et exponentielle. Ceux qui ne veulent pas le voir finiront par le ressentir ».

27 Le 14 février 2023, le mouvement BDS a affiché des indicateurs de l’instabilité économique israélienne et de la fuite des capitaux, ridiculisant l’auto-description d’Israël en tant que « Start-Up Nation » en inventant le slogan/hashtag, #ShutDownNation. Depuis, des manifestants israéliens à Tel-Aviv le 25 février se sont approprié le slogan dans une grande banderole, suivis par un chroniqueur du Financial Times qui l’a utilisé dans le titre de sa chronique le 2 mars.

28 Les rapports annuels de l’OCDE sur l’économie israélienne sont considérés comme les plus fiables et sont utilisés par les institutions financières internationales et les agences de notation. Ils ont également un impact considérable sur les investisseurs étrangers qui envisagent de faire des affaires en Israël.

29 Les protestations du secteur israélien de la haute technologie contre l’actuel gouvernement d’extrême droite doivent être comprises dans le contexte du besoin essentiel du secteur pour le masque de la « démocratie libérale » que ce gouvernement est en train de déchirer. Comme le dit Shir Hever, un expert de l’industrie militaire israélienne, « les employés israéliens du secteur de la haute technologie n’attendent pas du gouvernement qu’il mette fin à l’apartheid et aux autres violations quotidiennes du droit international. Ils attendent du gouvernement qu’il maintienne le masque, qu’il fasse semblant d’être une démocratie libérale et qu’il ait des occasions de se faire photographier avec les dirigeants du monde occidental. C’est ce que le nouveau gouvernement d’extrême droite refuse de faire ». Le secteur israélien de la haute technologie a prospéré en raison de ses liens avec l’establishment sécuritaire et militaire israélien et en proportion directe des attaques sanglantes contre les Palestiniens sous occupation, en particulier à Gaza. Le TPO est le « terrain » où les technologies militaires et « sécuritaires » d’Israël ont été « testées sur le terrain » et exportées dans le monde entier.

30 Pour illustrer l’effet de cette situation sur le moral et la motivation des réservistes militaires, le docteur Yuval Horwitz, lieutenant-colonel dans l’armée de réserve (avec 20 ans de service) et directeur de la clinique de néphrologie à l’hôpital Ichilov de Tel Aviv, a déclaré : « Nous, les opposants à l’occupation, avons servi pendant des dizaines d’années sous des gouvernements de droite. Sur leur ordre, nous avons fait des choses qui ne sont explicitement pas légales. Des ambulances ont été utilisées pour effectuer des patrouilles, maintenir des barrages routiers. Nous avons enlevé le symbole de l’ambulance pour qu’elle ne soit pas identifiable, mais nous savions très bien ce que nous faisions. Nous n’avons pas objecté, nous n’avons pas refusé d’obéir aux ordres, car nous savions qu’il s’agissait d’un pays démocratique. Et s’il décidait d’envoyer des colons dans une certaine région, il était de notre devoir de garantir leur sécurité. Mais ce n’est plus le cas. Après tout, il y aura toujours une guerre, parce que c’est ainsi que les choses se passent dans l’État d’Israël. Et lors de la prochaine guerre, j’aurai de nombreux doutes sur les motivations qui la sous-tendent ». [souligné par l’auteur].

Un commandant de bataillon qui a servi pendant 10 ans dans les réserves a déclaré : « Maintenant, c’est notre guerre. C’est la guerre la plus difficile qu’il y ait jamais eu ici, d’ailleurs, parce que l’ennemi vient de l’intérieur. C’est la guerre la plus compliquée depuis la création de l’État ».

Le docteur Yishay Szekely, cardiologue à Ichilov et lieutenant-colonel en service actif dans l’armée de réserve, a tweeté : « Je n’effectuerai pas mon service de réserve dans un pays gouverné par une autorité unique et individuelle. Je ne me présenterai pas pour servir dans une dictature ». Il a ajouté : « La question « Pourquoi ne vous êtes-vous souvenu que maintenant, après 20 ans dans l’armée d’occupation ? » est une question légitime et stimulante. La réponse est que jusqu’à aujourd’hui au moins, vous pouviez vous dire que toutes ces décisions, même lorsqu’elles étaient controversées et qu’elles incluaient un mélange de combat contre l’ennemi à l’intérieur d’un territoire civil, avec tout ce que cela implique, avaient été prises dans le cadre des règles du jeu d’un pays démocratique. Vous n’étiez peut-être pas d’accord avec elles, ou vous les trouviez immorales, mais elles ont été prises dans le cadre d’un conflit de plusieurs années entre deux camps, dont l’un se comportait comme une démocratie. Tel était le contrat. Et dès lors que l’une des parties au contrat le viole de manière aussi grossière, il s’annule automatiquement. Il n’est pas raisonnable de le maintenir, il n’est pas moral de le maintenir ».

31 Avec une mentalité coloniale israélienne typique, ces spécialistes des logiciels espions ne sont pas gênés par le fait que l’essence même de leur technologie de guerre cybernétique est une menace pour le monde, testée sur la population palestinienne captive sous occupation, et exportée vers les dictatures et les régimes les plus répressifs du monde pour permettre davantage de répression, de meurtres, de pillage et d’agonie.

32 La soi-disant « gauche » sioniste en Israël a pratiquement disparu de l’échiquier politique, où la principale opposition ne porte plus la bannière de la « gauche », même de manière rhétorique, tant la majorité coloniale israélienne s’est déplacée vers la droite au cours des dernières décennies.