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02/02/12

Trois ans du mouvement BDS en France

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1- LE CONTEXTE D’EMERGENCE DU BDS EN FRANCE

Le mouvement BDS n’a vraiment démarré en France qu’à partir de janvier-février 2009. Jusque là l’Appel du BNC Palestinien de 2005 était resté confiné aux cercles militants. Incontestablement, la guerre contre Gaza de l’hiver 2008-2009 a été l’élément majeur qui a mobilisé les partisans du boycott et contraint au silence les nombreux opposants. Sans doute la barbarie de l’attaque a été un élément déclencheur, mais cette guerre est venue s’additionner à la longue liste d’agressions militaires. Depuis 2001, Mur inclus, ces agressions ont révélé que le « processus de paix » n’était qu’un moyen de poursuite de la colonisation et de l’occupation. Par ailleurs, même avant que l’appel BDS ne soit mis en œuvre, il a été débattu, argumenté et donc présent sur la scène politique militante. Ces trois éléments se sont combinés. L ’attaque contre Gaza prouvait définitivement l’échec stratégique de la politique des Accords d’Oslo et du « processus de paix ». La barbarie de l’attaque prouvait qu’il y avait urgence à stopper la violence d’Israël. Le boycott des produits israéliens est à ce moment là apparu à la fois comme une action en prolongement des grandes mobilisations de rue pour Gaza et comme le moyen de riposte adapté pour s’opposer à Israël.

2- NAISSANCE DU MOUVEMENT BDS : DE JANVIER À JUIN 2009

A sa naissance le mouvement BDS présente trois caractéristiques :
Sa composition : la réaction à la guerre contre Gaza avait déclenché une extraordinaire mobilisation des habitants quartiers populaires, musulmans pour la plupart et des plus jeunes en particulier. Comme l’ensemble de la population en France leur mobilisation lors des grandes agressions israéliennes de ces dernières années semblait avant tout émotionnelle.

 La guerre contre Gaza marque un tournant dans la prise de conscience. Passé le choc émotionnel, la volonté affichée d’un engagement solidaire persiste et se traduit en actes. On va les retrouver acteurs dans le mouvement BDS où ils et elles (car les jeunes filles et femmes sont majoritaires), vont jouer un rôle déterminant dans les actions et les orientations du mouvement.
Sa cible : En raison des crimes de guerre commis et du système d’apartheid mis en place, d’emblée la cible du boycott est l’État d’Israël qu’il faut dénoncer et contraindre à respecter le droit. C’est dire que dès sa naissance le mouvement de boycott en France a spontanément intégré cette dimension de l’Appel BDS du BNC qui est qu’aujourd’hui la solidarité avec le peuple palestinien doit s’exprimer par des actions –non violentes- contre l’État d’Israël, ses institutions et son système d’apartheid.
Son organisation : S’il faut reconnaître à Europalestine l’initiative de la première action spectaculaire de boycott dans un super-marché, très vite les actions se sont multipliées de façon spontanée un peu partout en France. Les réseaux internet (mail et vidéos) ont été le mode privilégié à la fois de diffusion de l’information et des modes d’intervention, mais aussi d’incitation à entrer dans l’action. On peut dire que c’est à la base et dans l’action, mêlant les militants des diverses associations sans esprit de chapelle et les très nombreux non organisés que le mouvement BDS a pris forme, animé par la volonté de stopper les crimes israéliens.
Après quelques mois de développement du mouvement, certaines réticences ont commencé à s’exprimer au sein du CNPJDPI ( ) au sujet du type de BDS à mettre en œuvre. Pour ne pas limiter la portée politique de l’appel BDS ni freiner le mouvement qui arrivait à un stade où un minimum de coordination était nécessaire, une poignée d’associations  de solidarité à la Palestine ( ) a pris l’initiative d’appeler à la création de la «Campagne BDS France » et produit avec d’autres partenaires une Charte, et un Appel. Fin juin 2009 BDS France était créé.

3- LE DÉPLOIEMENT DU MOUVEMENT BDS : DE JUIN 2009 À FIN 2011

Fondements politiques des positions à l’égard de l’Appel BDS :
L’importance de l’Appel du BNC tient moins aux actions (B, D et S) qu’il préconise qu’aux conditions palestiniennes qu’il affirme. En posant comme revendication la satisfaction des droits fondamentaux des trois composantes du peuple palestinien, l’Appel du BNC constitue objectivement une rupture avec la politique d’Oslo et son « processus de paix ». La satisfaction des droits fondamentaux de l’ensemble du peuple palestinien, qui n’est pas réductible à la fin de la colonisation, est de fait incompatible avec l’existence d’un État juif qui, comme vient de le confirmer le Tribunal Russell pour la Palestine, pratique un système d’apartheid. Dès lors, la nature de l’État d’Israël devient la question centrale qui détermine les prises de position sur le BDS et en particulier sur le B de BDS. Deux courants se manifestent :

– Un courant qui est fortement représenté au sein du CNPJDPI et qui, malgré l’échec reconnu du « processus de paix », n’a pas rompu avec la vision politique d’Oslo dont est issu le mouvement de solidarité de cette dernière décennie. Bien qu’hétérogène, ce courant où cohabitent «gauche sioniste», non sionistes voire antisionistes, partage – pour le moment – le dénominateur commun selon lequel la colonisation est la cause centrale du problème palestinien et la création d’un État palestinien sur les frontières de 1967 (avec Jérusalem-Est comme capitale) en est la solution. Par conviction ou par crainte d’être traitées d’antisémites, certaines organisations de ce courant refusent de cibler l’État d’Israël ou d’assumer publiquement sa critique. Ils préconisent le strict « boycott des produits des colonies » ou le boycott de « tous les produits en raison de l’absence de traçabilité » occultant ainsi le lien entre les colonies et la nature coloniale de l’État.
– Le mouvement BDS qui s’est très largement retrouvé dans la Campagne BDS France (BDSF) partage la vision stratégique de l’appel du BNC avec qui il travaille via ses représentants européens. Ses banderoles et tee-shirts affichent clairement depuis le début « Boycott Israël Apartheid ».

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Les acteurs du mouvement BDS

Sans poser de préalable et en respectant les diverses positions existantes, BDSF a su par son activité et son ouverture, dynamiser dans les voies de l’action l’ensemble du mouvement, y compris des comités et militants membres d’associations du premier courant. Fonctionnant de façon très souple, selon une organisation horizontale de type réseau, BDSF constitue aujourd’hui la principale force du BDS en France. Après une période principalement centrée sur le boycott des produits, des entreprises et des manifestations commerciales d’Israël dans la capitale ou en France (Dexia, Véolia, Ahava, H&M, Foire du livre, Salon de l’Armement, Technion…) durant laquelle il a ciblé ses actions sur la chaîne de supermarchés « Carrefour », il a su ouvrir en parallèle de nouveaux fronts et notamment dans le domaine culturel où il a obtenu plusieurs succès importants. Son site (www.bdsfrance.org) d’une extrême réactivité, très complet, avec informations, vidéos et articles de fond, montre que BDSF a intégré que la campagne BDS était internationale et que les batailles ne se gagnaient pas seuls mais de façon coordonnée.
On notera que l’ensemble des courants constituant le BDS se sont mobilisés et ont mené une bataille exemplaire pour la défense des militants poursuivis en justice pour leurs participation aux actions BDS.

Deux organisations de solidarité à la Palestine développent séparément leur propre activité BDS. Europalestine (présidente : O. Zémor) et AFPS (association France Palestine Solidarité, président J.C Lefort). Après avoir contribué à la création de BDSF, Europalestine a choisi de mener ses actions de façon autonome. AFPS qui préconise le seul boycott des produits des colonies mène campagne contre Sodastream et a, par ailleurs, intenté un procès à Véolia (avec l’Autorité Palestinienne) pour sa participation au tramway de Jérusalem.
On ne peut pas parler du BDS en France sans mentionner l’action de la Coalition contre Agrexco. Notons que BDSF en avait fait dès le début sa cible principale, qu’il a participé à cette campagne tout du long et contribué très activement au Forum européen contre Agrexco qui s’est tenu les 4/5 juin 2011 à Montpellier.

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La Coalition contre Agrexco (CCA, http://www.coalitioncontreagrexco.net) a été un laboratoire du BDS et de la solidarité internationale. C’est la première grande lutte BDS en France et en Europe contre une entreprise israélienne. La CCA a immédiatement saisi l’importance d’en faire une lutte européenne. Elle a eu le mérite de « relocaliser » la solidarité internationale habituellement exogène (on est solidaire des Palestiniens là-bas), dans l’action contre une cible ici en France et en Europe. Elle a mené cette bataille avec les Palestiniens qui se sont directement impliqués, recentrant l’activité sur le boycott total de l’entreprise (les produits étant le moyen d’atteindre la cible). Elle a montré que la question paysanne qui inclue la question de la terre, de l’eau et des modalités de production, va bien au delà de l’alimentation et qu’elle est au cœur des problèmes écologiques de notre époque. Dans ce registre elle a permis l’expression et la diffusion des thèses sur la décroissance… et enfin, elle a infligé une défaite symbolique sans précédent à l’idéologie coloniale israélienne !

4- LES NOUVEAUX ENJEUX ET DÉFIS DU MOUVEMENT BDS

Parce qu’il est adressé aux sociétés civiles du monde entier, et donc tourné vers l’extérieur, on serait tenté de ne saisir de l’Appel du BNC de juillet 2005 que le message « BDS » qui nous est destiné. Or cet Appel est le fruit d’un intense et immense travail palestino-palestinien sans lequel il n’aurait pu voir le jour. Il révèle l’existence d’une société civile palestinienne qui inclue l’ensemble des courants politiques, religieux et des catégories sociales qui se dressent contre l’occupation et de l’apartheid dont ils sont victimes. Une société civile qui, constatant l’échec de la politique d’Oslo et du criminel « processus de Paix », a été capable dans ce contexte de désarroi général d’ouvrir une perspective. En posant comme objectifs la reconnaissance et la réalisation des droits fondamentaux des trois composantes du peuple palestinien (Palestiniens sous colonisation, Palestiniens d’Israël et Palestiniens réfugiés), la société civile palestinienne représentée dans le BNC, ouvre une nouvelle voie stratégique pour l’ensemble du peuple palestinien. Elle pose également les jalons d’une recomposition possible du paysage politique palestinien recentré sur l’exigence des droits fondamentaux.
S’il veut être en phase avec la société civile palestinienne émergente et pas seulement avec l’un ou l’autre des grands courants politiques palestiniens, le mouvement de solidarité internationale en France ne saurait ignorer ces changements.
La création en juin 2009 de la « Campagne BDS France » a été la première réponse politique et organisationnelle intégrant ces transformations. Réponse largement validée aujourd’hui par 37 organisations nationales signataires et 19 collectifs et comités locaux.
Les responsabilités de BDSF n’en sont que plus importantes.
– Comment déployer et mener conjointement les actions de Boycott, Désinvestissement et Sanctions contre Israël, dans tous les domaines, en impliquant plus largement la société civile, les personnalités et les institutions en France ?
– Comment renforcer les liens dans l’action avec le BNC et les pro-BDS israéliens pour amplifier les campagnes internationales ?
– Comment articuler de façon pédagogique la revendication des droits fondamentaux des trois composantes du peuple palestinien aux actions de terrain pour y inclure la perspective stratégique ?
– Comment convaincre l’ensemble du mouvement de solidarité à la Palestine en France de la centralité stratégique du BDS, de la nécessaire réorganisation de la solidarité autour de cet axe prioritaire et comment trouver des points de connexion entre les différents niveaux d’engagement des courants du BDS ?
Voilà les enjeux et les défis stimulants pour la Campagne BDS en France en ce début d’année 2012.

José Luis Moraguès, membre de la CCIPPP et de BDS France
Montpellier, France, Janvier 2012

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