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12/12/14

Solidarité contre la Batsheva Dance Company

stgoamil

Phia Ménard
Compagnie Non Nova
5 rue de Bruxelles – CS 33744
44337 Nantes Cedex 3

Boris Charmatz
Centre chorégraphique national de Rennes et de Bretagne
38 rue Saint-Melaine – CS 20831
35108 Rennes Cedex 3

Dimitri Chamblas
Same Production
15 rue Chabrol
75010 Paris

Paris le 11 décembre 2014

Chers Phia Ménard, Boris Charmatz et Dimitri Chamblas,

On vous annonce avec vos compagnies et vos œuvres, « Vortex », « L’après-midi d’un foehn », « Aatt enen tionon » et « À bras-le-corps », au Festival International « Santiago a Mil 2015 » au Chili début janvier 2015, où d’autres artistes et groupes internationaux vont participer, y compris la Batsheva Dance Company d’Israël avec la pièce « Decadence ».

Pour Ohad Naharin (chorégraphe & directeur artistique de la Batsheva Dance Company) la danse est « une forme d’illusion, un moment unique qui permet d’échapper à la réalité ». D’autre part, « Pour moi (c’est) un moyen de visualiser le monde dans lequel je vis ». Peut-être ce manque de cohérence n’est-il pas un accident. Pour se rendre véritablement compte du monde dans lequel vit Ohad Naharin, il est conseillé de prendre refuge dans des illusions.

Parmi d’autres, la Batsheva Dance Company est financée par le Ministre de la culture d’Israël et, ce qui pourrait sembler surprenant, par le Ministre des affaires étrangères d’Israël. Au-delà de cela, elle participe à l’initiative « Brand Israel » du gouvernement israélien. L’objectif de cette initiative, lancée en 2006, est de redorer l’image internationale d’Israël par des performances d’artistes et de groupes tels que la Batsheva Dance Company. Cette campagne est une réponse du gouvernement d’Israël au nombre croissant de manifestations autour du monde qui s’opposent aux violations des droits humains et du droit international de la part d’Israël, culminant de façon dramatique l’été dernier lors du siège de la population civile de Gaza. Par le biais d’une « culture » soi-disant non politique, l’image d’un pays démocratique normal devrait être perçue, au lieu de celle dont des millions de personnes à travers le monde sont les témoins.

Dans un article paru en 2008 dans le quotidien israélien Haaretz, l’écrivain israélien Yitzhak Laor a décrit comment cela fonctionne. Des artistes israéliens, dont les performances à l’étranger sont financées par l’État, signent un contrat dans lequel ils sont définis en tant que fournisseurs de services. Ils promettent au ministère qu’ils vont promouvoir « les intérêts politiques de l’État d’Israël par la culture et l’art » ce qui comprend « une image positive d’Israël ».

Arye Mekel, Chef adjoint du département de la culture du Ministère des affaires étrangères d’Israël, a annoncé en 2009, « nous enverrons à l’étranger des romanciers et des écrivains très connus, des compagnies de théâtre, des expositions (…) De cette façon, vous montrez le visage plus joli d’Israël, pour que nous ne soyons pas connus purement dans le contexte de la guerre. » Au même moment, Israël était en train de bombarder Gaza avec des bombes au phosphore, et d’autres armes interdites, et a refusé par la suite de façon catégorique l’investigation par une commission de l’ONU des crimes de guerre commis.

Malgré tout, la Batsheva Dance Company s’est proposée comme ambassadrice de l’État d’Israël. Par conséquent, à chaque performance au festival international d’Édimbourg et ailleurs lors de sa tournée au Royaume Uni, la compagnie a rencontré des manifestations massives à l’extérieur et à l’intérieur des théâtres où elle se produisait, avec le slogan « ne dansez pas avec l’apartheid israélien ». Le même scénario s’est ensuite reproduit à Rome et à Turin, en Italie.

La Campagne BDS France soutient ses camarades de la Campagne BDS Chili dans leur protestation contre la présence de la Batsheva Dance Company. Nous partageons leur horreur face aux crimes d’un État au service duquel la Batsheva Dance Company danse pour « nier la réalité », ou en tout cas pour amoindrir la réalité de l’occupation, de l’apartheid et du refus d’accorder leurs droits humains aux Palestiniens. Détail particulièrement perfide dans ce contexte, « Decadence » fait des emprunts à la tradition musicale arabe.

Évidemment, en tant que membres de la campagne internationale BDS (Boycott, Désinvestissement et Sanctions contre l’État israélien tant que celui ci ne respectera pas le droit international), nous faisons la différence entre un État et ses citoyens, et sachez que nous avons des liens avec des artistes, des intellectuels et des activistes israéliens qui œuvrent pour les droits des Palestiniens.

La liberté des arts, de l’expression et de la presse est un atout précieux. Mais elle doit également s’accompagner d’une certaine responsabilité. Par exemple, nous supposons que vous ne voyez pas vos œuvres comme sans aucun rapport avec le monde qui les entoure.

Nous vous écrivons donc à propos de vos performances à Santiago de Chile, où vous vous trouverez dans la compagnie douteuse de la Batsheva Dance Company, et où vous serez amenés à vous positionner face aux manifestations organisées par la Campagne BDS Chili.

Comme Peter Brook, Ken Loach, Jean-Luc Godard, Susan Sarandon, Meg Ryan, Cassandra Wilson, Annie Lennox, Cat Power, Lhasa, Stevie Wonder, Salif Keita, Gilles Vigneault, Nigel Kennedy, Roger Waters, Peter Gabriel, Elvis Costello, Carlos Santana, Gil Scott-Heron, Massive Attack, Angela Davis, Naomi Klein ou Eduardo Galeano, nous espérons pouvoir vous compter parmi les artistes de conscience qui rejoignent la campagne internationale de boycott culturel de toutes les institutions israéliennes telles que la Batsheva Dance Company.

Selon votre engagement, si vous ne pouvez pas annuler votre participation à ce festival, vous pourriez par exemple exprimer votre malaise auprès des organisateurs de « Santiago a Mil 2015 » face à la participation d’une troupe de danse représentant officiellement l’Etat d’Israël. Vous pourriez également refuser de partager tout événement public avec cette troupe. Vous pourriez enfin faire une déclaration publique en ce sens au Chili et, à votre retour en France, signer l’appel de la Campagne BDS France ?

Nous comptons sur vous, et nous restons à votre entière disposition pour vous fournir toute autre information que vous jugeriez utile sur cette question.

La Campagne BDS France
21 ter rue Voltaire
75011 Paris
campagnebdsfrance@yahoo.fr
www.bdsfrance.org