Menu
26/01/14

L’Allemagne exclut les colonies de ses subventions dans le domaine de la haute technologie

| Non classé
alt

 

 

Le gouvernement allemand est en train de conditionner la poursuite de ses subventions aux sociétés israéliennes de la haute technologie, ainsi que le renouvellement d’un accord de coopération scientifique, à l’inclusion d’une clause territoriale. Celle-ci précise que les entités israéliennes situées dans des colonies de Cisjordanie ou dans Jérusalem-Est ne seront pas éligibles aux subventions. Israël s’inquiète que le mouvement déclenché par les Allemands n’entraine d’autres membres de l’Union européenne à sa suite.
La décision allemande représente une avancée significative dans les mesures prises par l’Europe à l’encontre des colonies. Alors que l’accord de coopération scientifique « Horizon 2020 », signé entre Israël et l’Union européenne il y a quelques semaines n’excluait de ses subventions que les travaux de recherche académiques menés dans les colonies, Berlin a étendu cette règle aux compagnies privées situées de l’autre côté de la ligne verte. Il semble bien que le mouvement de boycott des institutions de Bruxelles contre les colonies s’est maintenant étendu à des membres individuels de l’UE.
Un officiel du ministère des Affaires étrangères israéliennes a déclaré qu’étant donné la « relation particulière » avec l’Allemagne et le fait que celle-ci est considérée comme le meilleur ami d’Israël en Europe, toute soumission aux conditions allemandes risque d’établir un précédent pour toute l’Europe. « L’Allemagne va instituer un exemple pour toute l’Europe » et « nous voulons aussi éviter une situation où chaque décision de la Commission européenne soit adoptée par chacun de ses 28 Etats-membres », ajouta-t-il en faisant allusion à l’insistance de la commission sur une clause territoriale dans l’accord Horizon 2020. Depuis que celui-ci a été signé voici deux mois, l’Allemagne est le premier pays à imposer ce type de disposition dans ses accords bilatéraux avec Israël.
Sous la contrainte de l’anonymat, des officiels de haut niveau du gouvernement israéliens ont déclaré que Jérusalem négocie actuellement deux accords avec Berlin qui permettraient de faire passer des fonds du ministère allemand fédéral de l’Education et de la Recherche vers des institutions académiques et des sociétés de haute technologie israéliennes. Le premier, promouvant la coopération entre scientifiques allemands et israéliens, avait été signé dans les années 1970 et régulièrement reconduit depuis. Il met à disposition un fonds de 12 millions de shekels (environ 2,5 millions d’euros) de subventions pour des projets de recherche menés conjointement par des universités allemandes et israéliennes. Toutefois un changement majeur s’est produit au cours du dernier renouvellement de l’accord: Israël a réévalué une institution d’Ariel, une colonie de Cisjordanie1, du statut de collège à celui d’université. Les officiels allemands ont alors informé leurs collègues israéliens il y a plusieurs mois des pressions exercées par leurs universités sur le ministère fédéral afin qu’il ne coopère pas avec des institutions situées en Cisjordanie; en conséquence, le ministère a décidé qu’au prochain renouvellement de l’accord il imposerait une nouvelle clause interdisant le versement de tout fonds destiné aux institutions académiques des colonies. Les officiels allemands ont ainsi clairement annoncé à leurs correspondants israéliens que les chercheurs de l’Université d’Ariel ne pourront pas demander de subvention.
La clause territoriale que Berlin veut inclure existe déjà dans un autre accord bilatéral: le traité de 1986 établissant la Fondation germano-israélienne pour la recherche et le développement scientifiques. Elle dit: « les projets patronnés par la Fondation en Israël ne peuvent être conduits que dans les limites géographiques situées sous la juridiction de l’Etat d’Israël avant le 5 juin 1967 ».
Les Allemands veulent aussi introduire cette clause dans un deuxième accord bilatéral qui implique des budgets bien plus importants. Celui-ci, signé entre le ministère fédéral et celui, israélien, de l’Economie, prévoit des aides allemandes pour les recherches et développements appliqués et industriels – en clair des subventions pour des « startups » et des sociétés privées de la haute technologie. En fait, le renouvellement de cet accord n’est pas prévu dans le futur immédiat mais les Allemands imposent néanmoins l’inclusion de la clause territoriale pour les nouveaux appels à candidature, éliminant ainsi toute entreprise ayant des liens avec les colonies de Cisjordanie ou de Jérusalem-Est. La semaine dernière des représentants allemands ont rencontré leurs homologues du ministère de l’Economie israélien à ce sujet.
Jusqu’à présent, Israël a toujours refusé d’ajouter la clause de 1986 à aucun de ces deux accords. Les allemands ont alors proposé une alternative: utiliser la formule contenue dans Horizon 2020 interdisant les subventions aux activités situées dans les Territoires occupés et en acceptant les mêmes réserves ajoutées par les Israéliens à cet accord, à savoir que celui-ci ne prédétermine pas le statut final des frontières, celles-ci dépendant du résultat des négociations israélo-palestiniennes en cours. Mais Israël a aussi rejeté cette alternative, craignant d’établir un précédent qui pourrait rapidement être adopté pour d’autres accords bilatéraux avec les 27 autres membres de l’UE ou même d’autres pays.

1 Article de Barak Ravid paru dans Haaretz le 23 janvier 2014 sous le titre « Germany conditions high-tech, science grants on settlement funding ban ». Traduction Michel (UJFP)
2 Ariel est une des colonies israéliennes les plus importantes de Cisjordanie: environ 18 000 habitants qui occupent près de 15 km², elle possède 2 zones industrielles avec une trentaine d’usines, une université importante (12 000 étudiants), 2 centres commerciaux et un théâtre qui est l’objet d’un boycott important. Ariel est située à 15 km au SE de Naplouse.

Ze’ev Elkin, le ministre délégué aux Affaires étrangères a donné l’ordre à son équipe de commencer d’intenses négociations avec le gouvernement allemand, d’abord sur l’accord de coopération scientifique, puis sur celui concernant la haute technologie. Le but étant de les achever en quelques semaines, avant la réunion entre les cabinets israéliens et allemands prévue à Jérusalem dans environ un mois. « Notre but est de trouver une solution différente que celle retenue pour Horizon 2020 et d’obtenir une formulation plus atténuée » a déclaré ce même officiel du ministère des Affaires étrangères.


(Texte original)

Germany conditions high-tech, science grants on settlement funding ban

Israel hopes to nix clause that might complicate renewal of scientific cooperation agreement.

By Barak Ravid | Haaretz | 23 janvier 2014 |

The German government is conditioning continued grants to Israeli high-tech companies, as well as the renewal of a scientific cooperation agreement, on the inclusion of a territorial clause stating that Israeli entities located in West Bank settlements or East Jerusalem will not be eligible for funding. Israel fears the German move will lead other European Union member states to follow suit.

The German decision represents a significant escalation in European measures against the settlements. While the Horizon 2020 scientific cooperation agreement, which Israel signed with the European Union a few weeks ago, prohibited EU funding for academic research conducted in the settlements, Berlin has now extended the funding ban to private companies located over the Green Line. Moreover, the boycott against the settlements has now spread from EU institutions in Brussels to individual EU members.

A senior Foreign Ministry official said that given the “special relationship” between Israel and Germany and the fact that Germany is considered Israel’s best friend in Europe, any Israeli consent to Germany’s demands is liable to set a precedent for all of Europe. “Germany will set an example for the rest of the world,” he said.

“We also want to prevent a situation in which every decision made by the European Commission in Brussels is automatically adopted by all 28 member states,” he added, referring to the commission’s insistence on a territorial clause in Horizon 2020. Since the Horizon agreement was signed two months ago, Germany is the first country to demand a similar clause in its bilateral agreements with Israel.

Senior Israeli government officials, who asked to remain anonymous, said Jerusalem is currently negotiating with Berlin over two agreements that would funnel money from Germany’s Federal Ministry of Education and Research to Israeli academic institutions and high-tech companies.

The first agreement, which promotes cooperation between German and Israeli scientists, was signed in the 1970s and has been periodically renewed ever since. Under this agreement, Germany awards 12 million shekels ($3.4 million) in grants to joint projects conducted by researchers at German and Israeli universities.

However, something major has changed since the agreement was last renewed : Israel upgraded an institution located in the West Bank settlement of Ariel from a college to a university. Senior German officials informed their Israeli colleagues several months ago that German universities had been pressuring the federal ministry not to cooperate with Israeli research institutions in the West Bank.

Due to this pressure, the ministry decided that when the agreement came up for renewal, it would demand a new clause forbidding any money to be given to academic institutions in the settlements. In other words, researchers from Ariel University won’t be able to apply for grants, and this must be made clear to them, the German officials told their Israeli counterparts.

The clause Berlin wants to add to the agreement already exists in another bilateral agreement – the 1986 pact that established the German-Israeli Foundation for Scientific Research and Development. That clause says : “Projects sponsored by the Foundation in Israel shall be conducted only within the geographic areas under the jurisdiction of the State of Israel prior to June 5, 1967.”

The Germans also want to include this clause in another bilateral agreement that involves much more substantial sums of money. This agreement, between the German federal ministry and Israel’s Economy Ministry, provides German funding for industrial and applied research and development – in other words, funding for private Israeli high-tech firms and start-ups.

This agreement in fact isn’t up for renewal anytime soon, but the Germans are nevertheless demanding the immediate inclusion of a territorial clause in the calls for applications that would forbid grants to companies with any connection to West Bank settlements or East Jerusalem. Last week, representatives from the German ministry met with Economy Ministry officials to discuss the issue.

Thus far, Israel has refused to add the 1986 clause to either agreement. As an alternative, the Germans proposed using the wording included in Horizon 2020 to prohibit funding for activities in the territories. They also agreed that the revised pact could include the same Israeli reservation that was appended to Horizon 2020 – that the agreement doesn’t predetermine the final-status borders, as these are subject to Israeli-Palestinian negotiations. But Israel has so far rejected this suggestion, too, fearing it would set a precedent for bilateral agreements that would quickly be adopted by the European Union’s other 27 members, and by other countries as well.

Deputy Foreign Minister Zeev Elkin has ordered his ministry’s staff to begin intensive negotiations with the German government, first on the scientific cooperation agreement and then on the high-tech agreement. The goal is to complete the negotiations within a few weeks, before the joint meeting of the Israeli and German cabinets that is due to take place in Jerusalem in about a month.

“Our goal is to find a different solution than that of Horizon 2020, and to obtain softened wording,” the senior Foreign Ministry official said.