Le 8 Février 2016
Depuis des décennies, Israël manque à ses devoirs de Puissance Occupante et a au contraire aggravé son occupation et son régime de colonialisme et d’apartheid. Les violations des droits humains qui atteignent le niveau de crimes internationaux, avec des meurtres injustifiés, des transferts forcés et d’autres formes de punition collective, sont devenues la norme. Plutôt que d’assumer leurs responsabilités au regard du droit international et de prendre des mesures permettant qu’Israël rende des comptes, les États tiers ont largement détourné les yeux.
Bien que les gouvernements, les institutions internationales et régionales dans le monde, comme les Nations Unies et l’Union Européenne manquent encore de volonté politique pour faire rendre des comptes à Israël, le développement du mouvement de Boycott, Désinvestissement, Sanctions (BDS) apporte un important contrepoids non violent et une alternative dans la perspective pour les Palestiniens de pouvoir jouir pleinement de leur liberté, de leur dignité et de la justice.
L’appel de 2005 lancé par la société civile palestinienne, et le Comité National Palestinien BDS (BNC) qui conduit le mouvement à l’échelle mondiale, affirment tous deux que BDS est inclusif, rejette toute forme de racisme et de discrimination et ne vise aucune personne ou entité en raison de son identité. Le mouvement cible plus précisément l’occupation et l’oppression des Palestiniens par Israël. Les grosses entreprises et les institutions qui aident, encouragent ou profitent du déni des droits des Palestiniens tombent aussi dans le champ de vision du mouvement.
Tandis que grossit l’impact de BDS, il en va de même des efforts d’Israël, de ses groupes de lobby et de ses soutiens pour diffamer, dénigrer et tenter de criminaliser le mouvement. Beaucoup de tentatives visent à associer le mouvement non violent à de la discrimination ou de l’antisémitisme ; ces allégations ne sont pas seulement sans fondement, elles foulent aux pieds injustement les droits à la liberté d’expression et à la critique, entre autres.
Par conséquent, il est devenu impératif pour le Conseil des Organisations Palestiniennes de défense des Droits Humains (PHROC) de réaffirmer l’universalité de ces droits humains. PHROC confirme le droit de tout individu à participer au et à défendre le boycott, le désinvestissement et les actions de sanctions, et il en appelle aux États et aux acteurs économiques pour qu’ils assument leurs responsabilités au regard du droit.
Le droit à BDS
Le droit international sur les droits humains encadre le droit d’appeler et de participer à des actions BDS. Le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques (PIDCP) affirme le droit de défendre des opinions sans ingérence et le droit à la liberté d’expression[1]. Ces droits sont liés l’un à l’autre et ils sont au fondement d’autres droits, dont le droit de se réunir et de s’associer[2]. Conséquemment, le Comité des Droits Humains a affirmé que le fait de professer une opinion ne devrait pas être pénalisé[3]. Alors que la liberté d’expression peut être soumise à restriction, l’appel au BDS n’est pas sou le coup des limites étroites tracées par le PDIP. Le Rapporteur Spécial de l’ONU sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression a bien déclaré que « appeler ou participer à un boycott est une forme d’expression pacifique, légitime et internationalement acceptée » [4].
PHROC rappelle aux États, y compris à leurs pouvoirs législatifs, que de nombreux membres de la communauté internationale ont expérimenté le boycott, le désinvestissement et les sanctions au sein de leurs propres systèmes politiques et ont aussi participé à de telles actions via les Nations Unies. Les actions de BDS contre l’Afrique du Sud de l’apartheid sont sans doute parmi les plus mémorables et les plus notoires.
PHROC insiste sur le fait que des attaques qui tentent de réprimer et de pénaliser le mouvement BDS sont de même nature que les attaques contre les défenseurs des droits humains dans le monde entier. De telles attaques ont souvent pour but de geler la liberté de parole et de délégitimer les activités des défenseurs des droits humains de manière à se dédouaner de leurs véritables abus[5].
La responsabilité étatique
À la suite de la publication par la Commission Européenne de sa « Notice interprétative sur l’indication de l’origine des produits provenant des territoires occupés par Israël depuis juin 1967 » en novembre 2015, PHROC a fait une déclaration accueillant favorablement l’étiquetage par l’UE des produits des colonies tout en notant que l’étiquetage ne suffisait pas. PHROC affirme de nouveau que ni les exigences d’étiquetage de la part des États ni la présence de mouvements de boycott initiés par la société civile n’exonèrent les États de leur obligation légale d’interdire aux produits des colonies israéliennes l’accès à leurs marchés intérieurs.
Selon le droit coutumier international et ainsi ce que cela a été affirmé par l’avis de 2004 de la Cour Pénale Internationale, en cas de manquements à des règles obligatoires du droit international, tous les États sont dans l’obligation de ne pas reconnaître la situation comme légale, de ne pas porter aide ou assistance au maintien de la situation illégale, et de coopérer activement à mettre fin aux violations[6].
Si des États tiers ne défendent pas cela ainsi que d’autres responsabilités du droit international et ne font pas en sorte qu’Israël ait des comptes à rendre sur ses violations des droits humains des Palestiniens, les gouvernements ne devraient pas être surpris si la société civile s’engage dans des actions pacifiques et légales pour mettre fin à l’impunité. En conséquence, les États ne devraient pas interdire ou tenter d’empêcher la société civile et les défenseurs des droits de lancer des actions de BDS contre Israël et contre les grosses sociétés et les institutions impliquées dans le déni des droits humains des Palestiniens. Les grosse sociétés et les institutions ont aussi le droit de choisir de se désengager d’activités liées à l’occupation et/ou de participer à des actions de BDS.
PHROC supplie la communauté internationale de faire face impartialement à ses responsabilités, notamment en prenant la défense de groupes et d’institutions impliqués dans BDS indûment attaqués, et de faire rendre des comptes à Israël pour ses violations des droits humains internationaux et du droit humanitaire international. PHROC appelle en outre les organisations internationales de défense des droits humains à soutenir le droit de s’engager dans le boycott, le désinvestissement et les sanctions contre tout État, groupe économique ou autre entité qui viole le droit international.
-Fin-
Traduction SF
[1] Article 19 du Pacte
[2] Comité des Droits Humains, commentaire général No. 34, Article 19: Liberté d’opinion et d’expression, 12 septembre 2011, CCPR/C/GC/34, Para. 2- 3
[3] Ibid. para. 9
[4] Déclaration du Rapporteur Spécial de l’ONU sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression en conclusion de sa visite en Israël et dans le territoire palestinien occupé, 18 décembre 2011, http://www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=11727&LangID=E
[5] L’ancien Rapporteur Spécial sur la situation des défenseurs des droits humains, Margaret Shakaggya a remarqué une certaine stigmatisation des défenseurs des droits humains et elle a déclaré : « la désignation croissante des défenseurs des droits humains comme « terroristes », « ennemis de l’État » ou « opposants politiques » par les autorités d’État et les media publics est une tendance particulièrement préoccupante, du fait qu’elle est régulièrement utilisée pour délégitimer le travail de ces défenseurs et accroître leur vulnérabilité. Le Rapporteur Spécial est gravement soucieuse face à ce phénomène, dans la mesure où il alimente la perception des défenseurs des droits comme cibles légitimes d’abus de la part d’acteurs étatique et non-étatiques. UN Doc A/HRC/13/22, 30 December 2009, para. 27, available at http://www2.ohchr.org/english/issues/defenders/docs/A.HRC.13.22.pdf
[6] Voir l’article 41 du Projet d’articles de la Commission du droit international sur la responsabilité d’actes délictueux au plan international qui est à l’image du droit coutumier international. Voir aussi CPI.2004 Les Consequences Juridiques de la construction d’un Mur sur le Territoire Palestinien Occupé, para 159. La Cour Pénale a aussi déclaré qu’il est du devoir de tous les États, tout en respectant la Charte des Nations Unies et le droit international, de vérifier qu’il soit mis fin à tout ce qui empêcherait l’exercice par le peuple palestinien de son droit à l’autodétermination, en lien avec le Mur.