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02/03/15

Le non boycott d’Israël, « une complicité de non assistance à un peuple en danger »

Saphirnews : Avant d’entrer dans le vif du sujet, un mot d’actualité : quel regard portez-vous sur le climat régnant en France après-Charlie ? Avec quel impact sur votre travail ?

Jean-Guy Greilsamer : Le climat en France après-Charlie se caractérise particulièrement par une progression des actes islamophobes, par des mesures liberticides et par une tentative gouvernementale d’assimiler l’antisionisme à une forme d’antisémitisme. Ce climat est donc inquiétant pour les amis de la Palestine et de BDS, qui pourraient être poursuivis sous prétexte de recherche antiterroriste. Il faut reconnaître quand même qu’heureusement la société civile n’est pas entièrement contaminée par cet état d’esprit et qu’une volonté de résistance existe. C’est ainsi que la Campagne BDS France continue son travail de sensibilisation, de manière non violente et pédagogique. Nous restons vigilants, mais nous ne laisserons pas intimider.

C’est dans ce contexte que sont célébrés les 10 ans de la campagne BDS. Quel bilan en dressez-vous en France ?

Jean-Guy Greilsamer : La Campagne BDS a considérablement progressé. L’opinion publique internationale est révoltée par la persistance de politique de colonisation, d’apartheid et d’épuration ethnique de l’Etat d’Israël, et les derniers massacres à Gaza (en été 2014, ndlr) ont soulevé d’importantes mobilisations dans le monde entier. De plus en plus de gens ont compris que la solidarité avec le peuple palestinien nécessite de mettre fin à l’impunité d’Israël et que le mouvement BDS, qui est à l’image du boycott qui avait contribué à mettre fin à l’apartheid en Afrique du Sud, est le plus important moyen pour acculer les Etats à prendre des sanctions efficaces contre Israël. Ces sanctions, même insuffisantes, sont de plus en plus à l’ordre du jour.

Ainsi l’Union européenne, dont la France, a promulgué des mesures (les « Lignes directrices ») visant à proscrire tout financement de sociétés opérant dans les colonies israéliennes. Ces mesures, si limitées soient-elles, sont un point d’appui pour interpeller les responsables des grandes surfaces pour qu’ils fassent retirer les produits des colonies des étalages.

Dans un autre domaine, le boycott culturel, qui vise à empêcher Israël à se servir des artistes pour se blanchir de ses crimes, a un impact aussi, parce qu’il établit la vérité sur l’image qu’Israël souhaite se donner en se faisant passer pour un pays ouvert à toutes les cultures.

De quelles avancées, ou même victoires, pouvez-vous vous prévaloir ?

Jean-Guy Greilsamer : Les avancées sont considérables. La vente des produits des colonies a commencé à baisser. Le cours des actions de certaines sociétés impliquées dans la colonisation à baissé : ainsi Sodasteam et Veolia.

La société Veolia a annoncé qu’elle allait se retirer d’Israël. BDS France contribue à ces reculs. Nous avions contribué à la faillite en 2011 de l’entreprise Agrexco, entreprise israélienne d’exportation de fruits et légumes dont la plupart proviennent des colonies de Cisjordanie et du Golan.

Aux Etats-Unis, en Californie, plusieurs cargos de marchandises israéliennes ont été bloqués dans des ports et ont du rebrousser chemin. Dans divers pays, de nombreux et importants syndicats ont adhéré à BDS, de nombreux contrats avec des sociétés israéliennes ont été rompus.

La campagne semble bien mieux comprise et développée dans le monde anglo-saxon. Ici, à quoi imputez-vous les difficultés à faire avancer la lutte que vous portez ?

Jean-Guy Greilsamer : Le monde anglo-saxon se caractérise souvent par une certaine culture des droits humains; et même une plus grande sensibilité historique aux boycotts, et par une plus grande indépendance de la Justice par rapport à l’Etat. Ici nous sommes confrontés à un lobby sioniste agressif et souvent soutenu par l’Etat, qui a promulgué sous Sarkozy la circulaire Alliot-Marie, qui permet de poursuivre les militant-e-s de BDS pour appel à la discrimination raciale. Mais, en France, la reconnaissance de la pertinence du boycott pour faire face aux injustices a progressé considérablement, du fait notamment de la mondialisation des modes de solidarités.

A mesure que vous vous faisiez connaître, les procès contre les actions de boycott se sont multipliés. Quels messages continuez-vous à soutenir ?

Jean-Guy Greilsamer : D’abord, il faut relativiser le nombre de procès et leurs résultats. La majorité des plaintes ont été classées sans suite, et la majorité des procès se sont conclus par des relaxes. Mais il est vrai que deux procès ont été perdus en appel : à Mulhouse et à Caen. Les militants condamnés font appel en cour de Cassation, et il est important de les soutenir.

Notre message face aux risques de poursuites juridiques est que le boycott, dès lors qu’il concerne un sujet d’intérêt général, ce qui est le cas de BDS, relève de la liberté d’expression. D’ailleurs, les appels aux boycott de pays autres qu’Israël (la Russie, la Chine, le Mexique, etc.) n’ont jamais été interdits. Nous estimons même que face à impunité d’Israël, qui bafoue constamment le droit international pour tenter de mettre fin à l’existence nationale du peuple palestinien, boycotter est un devoir. Ne pas le faire serait une complicité de non assistance à un peuple en danger.

Quels sont les défis qui vous sont indispensables à relever pour appuyer votre cause ?

Jean-Guy Greilsamer : Nous nous fixons certaines cibles précises : le retrait de la société Sodastream des colonies et des terres volées aux Bédouins d’Israël, la rupture du contrat liant Orange à la société de téléphonie israélienne, etc. Nous poursuivons aussi notre implantation nationale. Et nous voulons persévérer dans notre volonté de valoriser le fait que BDS entre en résonance avec d’autres causes : l’antiracisme, les mouvements antiguerres, le vivre ensemble dans l’égalité et la justice.

Article original : http://www.saphirnews.com/Le-non-boycott-d-Israel-une-complicite-de-non-assistance-a-un-peuple-en-danger_a20488.html