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11/02/18

LETTRE OUVERTE aux salariés-ées du théâtre Jean Vilar – La Paillade

Bonjour,

Sans doute êtes-vous au courant de notre campagne pour l’annulation du spectacle « We love arabs » et l’appel que nous faisons aux spectateurs de le boycotter.

Après un premier échange de courriers avec le directeur du théâtre nous nous adressons aujourd’hui à tous-tes les salariés-ées du théâtre. Pourquoi ? tout simplement parce qu’un théâtre est fait des femmes et des hommes qui l’animent et que c’est avec vous toutes et tous que nous souhaitons engager un échange sur la question délicate du boycott culturel dont le spectacle incriminé n’est qu’un épisode. Nous espérons ainsi ouvrir avec vous un espace de discussion…

D’abord vous dire que bien évidemment vous n’êtes pas la cible de cette campagne même si le « théâtre » est désigné comme tel puisqu’il est la scène où se joue le problème.

Au sein de la campagne BDS palestinienne internationale, les critères du boycott culturel sont fixés par le PACBI (Comité Palestinien de boycott académique et culturel israélien).

Vous en trouverez la dernière version ici . (Ce spectacle tombe sous le coup de la règle N°3.)

Nous l’avons dit et le répétons, ce n’est pas le contenu du spectacle qui est en cause, ni les intentions des décideurs de la programmation, en effet, ce spectacle est présenté comme dénonçant les rapports de domination en général et le rapport de domination israélien sur les palestiniens, en particulier.

Le problème tient à l’implication directe de l’État israélien dans le soutien à l’exportation de ce spectacle à l’étranger et donc, que vous le vouliez ou non, à l’irruption de la présence dans votre théâtre, d’un État dont le caractère colonial est incontestable et le système d’apartheid et de nettoyage ethnique de plus en plus reconnu internationalement.

 

1- Auriez-vous accepté –sans réagir – la programmation d’un spectacle soutenu par l’État d’Afrique du temps de l’apartheid ?

C’est la première question qui doit être posée. Et vouloir évacuer, masquer ou nier l’importance de l’accueil de la présence officielle et affichée de l’État colonial israélien, est un choix qui engage et qui a et aura des conséquences sur le quartier et sur la ville.

 

2- Peut-être ignoriez-vous que l’État d’Israël instrumentalise la culture pour blanchir sa politique coloniale et ses massacres de masse. Ainsi début 2009 juste après l’agression militaire israélienne contre Gaza (1450 morts dont 350 enfants et des milliers de blessés en 30 jours) et des destructions massives d’habitations, écoles, hôpitaux, Arye Mekel du Ministère des affaires étrangères a déclaré : « Nous enverrons à l’étranger des romanciers et des écrivains connus, des compagnies théâtrales, des expositions… Nous montrerons ainsi une meilleure image d’Israël, pour ne plus être perçus comme un pays en guerre. »

Ou encore Nissim Ben Sheetrit, haut responsable des Affaires étrangères : « Nous considérons la culture comme un outil de premier ordre pour la hasbara [propagande]. En ce qui me concerne je ne fais aucune différence entre la hasbara et la culture. »

Tout récemment le même définit ainsi le rôle de la Division des Affaires Culturelles et Scientifiques du ministère des Affaires étrangères (DCSA) qui est : « (…)d’utiliser les productions culturelles israéliennes pour atteindre les objectifs politiques de l’État d’Israël. C’est d’autant plus nécessaire face aux défis auxquels doit faire face l’État d’Israël confronté à l’expansion des actions de délégitimisation et de boycott (…) Utiliser la culture israélienne comme un reflet positif de l’État d’Israël est un moyen pour développer et renforcer les liens diplomatiques. Pour nous, renforcer une image positive d’Israël est un but en soi ».

 

Mais direz-vous : « ce spectacle critique la politique israélienne ! ». C’est justement ce genre de produit culturel –critique- qu’affectionne tout particulièrement la DCSA. Quelle meilleure image de « démocratie » et de « liberté artistique» pour Israël que de subventionner une production culturelle qui critique le gouvernement et sa politique ?

 

3- Concernant les artistes qui demandent le soutien du ministère de la culture pour l’exportation de leurs réalisations à l’étranger, saviez-vous qu’il doivent signer un contrat spécial et très confidentiel avec le ministère de la culture ? Lequel contrat stipule « (…) qu’il ne devra pas se présenter comme un agent, émissaire ou représentant du ministère » mais qu’il s’engage en tant que prestataire « à fournir des services de qualité au ministère » pour « promouvoir les intérêts politiques de l’Etat d’Israël à travers la culture et les arts, en contribuant à créer une image positive d’Israël ».

Ce type de contrat n’est pas nouveau, dès 2008 le journal israélien Haaretz s’en est fait l’écho

 

Du coup vous admettrez que « l’indépendance », « l’engagement » les propos « critiques » de l’auteur sont singulièrement entachés d’une ambiguïté qui interroge sur sa position dite critique, voire sur son éthique.

 

C’est ainsi que l’État d’Israël transforme une œuvre culturelle en un produit de propagande et un artiste contestataire en un vecteur de la propagande officielle d’un État colonial et d’apartheid. C’est ainsi également que se retrouvent piégés des directeurs de salle qui croyant, ouvrir la porte à une saine critique de la politique israélienne ou au soutien du peuple palestinien se retrouvent, malgré eux, instrumentalisés au service de la hasbara israélienne.

Nous voudrions, pour terminer, attirer votre attention sur l’événement le plus récent en France qui nous semble tout à fait significatif, puisque sans être une action strictement BDS, il reprend au fond le même argument qui est le refus de passer convention, contrat etc. avec l’État d’Israël en raison de ses actes et ses violations du droit etc.

Il s’agit de la prise de position dans une lettre ouverte de cinéastes internationaux et des professionnels de l’audiovisuel à propos du FIPA de Biaritz qui fait son focus avec et sur Israël.

Voici la lettre ouverte et les premiers 100 signataires

Cette affaire a un retentissement mondial, preuve en est de l’actualité, de la pertinence et de l’engagement du milieu artistique et culturel dans ce type d’action.

 

Quelques liens des échos dans la presse, y compris le New York Times :

 

Nous espérons que ces quelques éléments ouvriront une discussion avec vous. Nous souhaiterions vous rencontrer, sur votre lieu de travail ou à l’extérieur, en groupe ou individuellement…

 

Avec nos cordiales salutations,

 

Les membres de la Campagne BD France Montpellier

Comitebdsfrance34@gmail.com

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