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18/06/13

Plus de courage, Mme Taubira

PAR MICHEL WARSCHAWSKI

Siné-Hebdo, juin 2013

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Trois lettres ont le don d’énerver les dirigeants israéliens : BDS. Pour Boycott, Désinvestissement, Sanctions. Nous en avons parlé plusieurs fois dans les pages de notre mensuel préféré mais un rappel n’est pas inutile : il s’agit d’une campagne internationale, lancée il y a huit ans par l’ensemble des organisations politiques, syndicales et associatives palestiniennes pour appeler la communauté et l’opinion publique internationales à se mobiliser pour exiger la mise en œuvre de sanctions, politiques, diplomatiques, financières et commerciales contre l’État d’Israël tant qu’il refusera de respecter le droit international et les nombreuses résolutions de l’Onu concernant ce qu’on appelle « la question palestinienne ». Cette campagne a pris aujourd’hui son rythme de croisière et porte déjà ses fruits, comme le confirment diverses initiatives législatives prises par le gouvernement israélien pour tenter d’en enrayer les effets.

Face à cette campagne, inspirée par les initiatives BDS contre l’apartheid en Afrique du Sud il y a un demi-siècle, la République française se singularise une fois de plus : alors que dans tous les autres pays du monde – Israël exclu évidemment – l’appel à des sanctions est considéré comme un acte politique légitime, des militants français ayant appelé au boycott sont poursuivis en justice. En effet, alors qu’elle était ministre de l’Intérieur du gouvernement Sarkozy, Michèle Alliot-Marie avait, à la demande du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), donné l’instruction au parquet de poursuivre en justice les instigateurs de l’appel au boycott, n’hésitant pas à faire l’infâme amalgame entre boycott d’Israël et boycott de produits casher. Des procès sont aujourd’hui en cours, notamment à Colmar, Perpignan et Alençon. Rappelons qu’à une exception près, les procès précédents s’étaient achevés par des non-lieux ou par la fermeture des procédures.

Le changement de gouvernement et surtout la nomination de Christiane Taubira comme garde des Sceaux laissaient espérer que cette criminalisation de l’appel au BDS allait cesser et que la France se joindrait aux autres pays européens qui considèrent celui-ci comme faisant partie du droit à l’expression. Madame Taubira, à qui j’avais remis, en décembre dernier, lors de l’attribution du Prix des droits de l’homme au Centre d’information alternative dont je suis président, un appel d’universitaires français à abolir la directive Alliot-Marie, et qui me disait alors « ne pas être insensible à cette requête », semble avoir aujourd’hui décidé de botter en touche : arguant de sa décision – louable en soi – de ne pas intervenir, comme c’était trop souvent le cas à l’époque sarkozienne, dans les initiatives du parquet, la garde des Sceaux laisse la procédure suivre son cours.

Christiane Taubira est une femme respectable que nombre d’entre nous admirons pour son courage et sa droiture. Espérons que face à ces procès iniques contre des militant(e)s qui combattent l’impunité dont jouit l’État colonial israélien, elle saura faire preuve du même courage que celui qui l’a caractérisée quand elle a imposé la loi contre l’esclavage ou soutenu le mariage pour tous. Je me permets de lui rappeler que c’est précisément pour l’action du Centre d’information alternative contre l’impunité qu’elle m’avait remis le Prix des droits de l’homme de la République française. La campagne BDS est avant tout une bataille contre l’impunité d’Israël : il faut cesser le harcèlement judiciaire de ceux qui luttent en France contre cela.