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19/12/14

Dans la liste 2014 des influents : les boycotteurs

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Beth McMurtrie – Associations des Études américaines – 14 décembre 2014

Le mouvement pour le boycott d’Israël est un mouvement international. Ci-dessus, des manifestants rassemblés en août à Berlin.

 

Comme organisation nationale, l’Association des Études américaines (ASA) est relativement petite. Mais son impact cette année sur le discours politique a été énorme. En votant en faveur du boycott universitaire d’Israël, son organe exécutif composé de 18 membres a provoqué un âpre débat nationalement et internationalement, au sein de l’enseignement supérieur et au-delà.

Sur la relation avec Israël, et sur la façon dont ils sont traités, les Palestiniens ont longtemps attiré des discussions passionnées. Mais la  décision prise  quelques jours  avant le Nouvel An par une seule association disciplinaire, de 4000 membres, affirmant qu’elle ne travaillerait plus avec les universités israéliennes a recadré la question de nouvelles façons. Quel est le rôle de l’enseignement supérieur israélien dans les affaires gouvernementales ? Les boycotts vont-ils à l’encontre de la liberté universitaire ? Et de quelle liberté parlons-nous exactement ?

L’ASA n’était pas la première association universitaire à prendre une telle position, mais elle était la première dont les actions – avant le vote du comité exécutif et après l’adoption du boycott par ses membres – ont autant attirer l’attention. Des centaines d’articles d’information et articles d’opinion ont traité de l’initiative de l’association : The New York Times à lui seul a publié plus d’une douzaine d’articles. Cette attention a obligé les universitaires partout dans le monde à prendre parti, révélant de profondes divisions et une diversité des approches.

De nombreux universitaires qui s’opposent à la façon dont sont traités les Palestiniens par Israël ont débattu avec des collègues des raisons pour lesquelles ils pensaient que les boycotts étaient une erreur. Des présidents étonnés se sont trouvés à devoir expliquer les actions – et dans certains cas à choisir de prendre du recul – d’une poignée de professeurs sur leur campus. Quant aux enseignants qui depuis longtemps ont pris fait et cause pour les droits palestiniens, ils ont dit qu’ils pouvaient enfin s’exprimer de façon publique. De nombreux universitaires des deux bords ont été horrifiés quand deux membres du Congrès des États-Unis ont déposé un projet de loi – qui depuis a été bloqué – visant à refuser des fonds fédéraux aux institutions qui soutenaient les boycotts.

Le vote a également incité les partisans du mouvement plus large de Boycott, Désinvestissement et Sanctions à faire avancer leur programme. (Le mouvement a des racines plus profondes en Europe mais il a fait plus récemment une percée aux États-Unis.) Ils ont eu un succès mitigé. En juin, l’Association du Langage moderne a rejeté une résolution qui critiquait le traitement par Israël des universitaires d’origine palestinienne souhaitant entrer en Cisjordanie. Et ce mois-ci, l’Association des Anthropologues américaines a infligé une défaite à une résolution qui s’opposait au boycott universitaire d’Israël, laissant la question d’actualité pour l’année prochaine.

L’avenir de l’Association des Études américaines s’est trouvé lui aussi incertain. Plus de 80 présidents d’universités se sont manifestés comme opposants au boycott, à l’instar de l’Association américaine des Professeurs d’université et d’autres organisations de l’enseignement supérieur. Plusieurs universités ont retiré leur adhésion institutionnelle. Mais l’association a déclaré que le nombre de ses membres avait augmenté d’environ un millier et que la collecte de fonds atteignait un niveau record.

La controverse a continué à suivre l’ASA. En novembre, à la première réunion après le vote du boycott, le sujet a dominé la conversation, et l’organisation a été accusée d’avoir planifié l’interdiction de la présence de représentants d’universités israéliennes (Ce qui ne s’est pas fait).

On ne sait pas clairement combien de personnes ont pu changer d’opinion au cours de ce débat d’une année. Et les questions demeurent. La plus évidente est de savoir si le boycott a eu un quelconque effet. Dans un sens spécifique, non. L’ASA dit qu’elle refuserait de travailler avec des universités israéliennes, mais elle n’a jamais encore reçu de proposition pour lui en donner l’occasion.

À un niveau plus large, cependant, le vote a laissé une marque indélébile. « Nous sommes entrés dans la presse grand public et nous avons soulevé un certain nombre de discussions non visibles auparavant sur Israël-Palestine, » dit la présidente de l’ASA, Lisa Duggan, professeur à l’université de New York. « En ce sens, nous avons fait ce que nous voulions ».

 

The Chronicle of Higher Education : http://chronicle.com/article/2014-INFLUENCE-LIST-/150845/
Traduction : JPP pour l’AURDIP