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08/11/17

Lettre d’une palestinienne à Lisa Simone

Chère Lisa Simone,

Je suis une Palestinienne, née et élevée à Gaza. J’écris cette lettre personnelle en espérant que vous la lirez et envisagerez d’annuler votre concert en Israël.

Je suis passée par une période où j’écoutais obsessionnellement les chansons de votre maman parce que je me sentais en lien avec elles, elles me donnaient de la force. Ma connaissance de la musique a toujours été arabo-centrée. Je ne connaissais donc pas Nina Simone jusqu’à ce qu’un jour, regardant les actualités sur Facebook, je tombe sur une vidéo de votre maman qui chantait « Ain’t Got No. I Got Life ». Ce fut le début d’une histoire d’amour avec votre maman et ses chansons.

Après m’être familiarisée quelques semaines plus tard avec toutes ses chansons, je passais en revue les documentaires de Netflix quand What Happened Miss Simone ? est sorti. Sans réfléchir, j’ai commencé à le regarder par pure curiosité pour cette femme forte et magnifique dont la voix était mon amie et m’offrait force et réconfort à une époque où l’espoir s’évanouissait – je traversais des événements difficiles et injustes directement liés à mon identité de Palestinienne. Je l’ai regardé avant de connaître son engagement dans les Black Panthers. Je l’ai appris par ce documentaire, ce qui m’a rendue follement amoureuse d’elle. La façon dont l’expression artistique de Miss Nina Simone était nourrie et gouvernée par son militantisme m’a inspirée. Elle utilisait activement son talent exceptionnel et toute tribune à laquelle elle pouvait avoir accès pour dénoncer le racisme structurel des Etats Unis et plaider pour l’égalité et la justice pour les Noirs aux Etats Unis. Elle avait conscience qu’on ne pouvait pas séparer la politique de tout autre aspect de nos vies, y compris l’art. Au fur et à mesure que j’en apprenais plus sur elle, je pouvais m’identifier, en tant que Palestinienne, avec quantité de ses combats.

C’est pourquoi, sachant cela, j’ai été profondément déçue d’apprendre que vous alliez vous produire en Israël, sans tenir compte de l’appel des Palestiniens à la communauté internationale pour qu’elle manifeste sa solidarité avec leur lutte anti-coloniale grâce au Boycott, Désinvestissement et Sanctions jusqu’à ce que la liberté, la justice et l’égalité l’emportent sur toute la Palestine historique.

En tant que personne née et élevée à Gaza, ou ce qui est connu maintenant comme la plus grande prison à ciel ouvert du monde, cela veut dire que je suis une survivante des multiples attaques mortelles d’Israël sur Gaza sans arrêt depuis ma naissance et qu’être punie pour mon identité a été l’histoire de ma vie. Ce n’est pas que ma lutte personnelle, mais une lutte collective, partagée avec tous les Palestiniens où qu’ils soient. Notre seule faute, c’est notre identité, notre histoire, notre culture. Etre Palestinien, c’est une faute. Si vous vous retourniez sur votre héritage culturel en tant qu’Afro-Américaine, le dévouement remarquable de votre maman dans le mouvement des Droits Civiques, vous réaliseriez que nous partageons un combat commun, un combat pour la justice et l’égalité, un combat pour une nation où la race, la religion, la couleur de la peau, la langue maternelle, le genre et tout autre facteur ne serait pas un terreau propice à la discrimination et ne serait pas vu comme une menace à éliminer.

J’espère vraiment que vous lirez ceci et que vous répondrez à tous les autres Palestiniens et militants BDS qui vous demandent d’annuler ce concert. Les Palestiniens voient votre concert comme une légitimation de la brutalité d’Israël envers les Palestiniens. Ce n’est pas aussi simple que ‘fournir de l’énergie positive’ lorsqu’il s’agit d’un état voyou comme Israël.

Je vous en prie, ne divertissez pas l’apartheid.

Cordialement,

Shad Abusalama

Traduction : J. Ch. pour BDS France