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05/01/13

Pourquoi la marque Yes To Carrots tente-t-elle de dissimuler ses liens avec Israël ?

Les efforts de Yes To pour minimiser ses liens israéliens – et le retrait préventif de beaucoup, sinon de la totalité, de sa fabrication vers les États-Unis – sont des indicateurs de la force grandissante du mouvement BDS et de la toxicité de la marque Israël. (Ces produits coloniaux ont été vu chez Séphora pour la France)

par Ali Abunimah, The Electronic Intifada

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Pourquoi la société Yes To ne dit-elle pas d’où provient la boue de la mer Morte qu’elle utilise et où elle a été traitée ?

Examinez ces tubes aux couleurs brillantes et les pots de crème pour le visage, les shampoings et autres produits étiquetés « Yes To Carrots » et vous ne trouverez aucune mention d’ « Israël ». Mais cela n’a pas toujours été le cas. Les cosmétiques – qu’on trouve dans les pharmacies aux États-Unis et dans deux douzaines d’autres pays – portaient autrefois clairement la mention « made in Israel ». Effectivement, il y a quelques années seulement, les fondateurs de la société étaient fiers de leurs racines israéliennes et du fait que leurs produits étaient fabriqués dans la région d’Arad, dans le Néguev (Naqab), à partir de carottes biologiques et de boue tirée de la mer Morte.

Mais aujourd’hui, la société Yes To, qui fabrique également des produits contenant de la tomate, du concombre et de la myrtille, tout cela extrait sous le label « Yes To… », affirme dans un courriel : « Nous avons lancé la société en Israël et rapidement nous sommes venus aux États-Unis. Nous sommes actuellement basés à San Francisco, ce qui a été génial étant donné le grand nombre de start-ups ici. Actuellement, tous les produits sont fabriqués ici, aux USA. »

Mais quelle est vraiment la transparence de Yes To sur ses liens actuels avec Israël et ses fabrications en Israël ? The Electronic Intifada a enquêté, et la société semble bien avoir caché sur son site d’utiles informations qui montrent que la production se poursuit dans les territoires contrôlés par Israël, notamment peut-être en Cisjordanie occupée. Est-ce une tentative de la société pour minimiser ses liens avec Israël et échapper à un boycott des consommateurs dans le cadre de la campagne palestinienne de boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) ?

« Les raisons du sionisme »

Yes To Carrots a commencé comme marque de fabrication Sea of Life, une société israélienne dont Uri Ben-Hur est le propriétaire, lequel Ben-Hur fabrique des cosmétiques qui utilisent les boues de la mer Morte. Au milieu des années deux mille, les entrepreneurs israéliens Ido Leffler et Lance Kalish ont racheté la marque en partenariat avec Ben-Hur.

« Emballés par la combinaison du béta-carotène et de la boue de la mer Morte » publiait la revue d’affaires israélienne Globes en 2008, « Leffler et Kalish décidèrent d’acheter le produit et d’en faire une marque leader » ( Carrot power, Globes du 2 octobre 2008).

Il était clair que Leffler et Kalish étaient intéressés pour lancer une marque « israélienne » mondiale notamment en sponsorisant l’équipe de netball israélienne (même si la société est maintenant sur le site de l’équipe en tant que « précédent sponsor »). Une fois Leffler et Kalish entrés en scène, la société Yes To a eu besoin de financement pour satisfaire leurs projets ambitieux. « L’intérêt de la société à l’origine était d’augmenter ses fonds à partir d’investisseurs institutionnels israéliens pour des raisons de sionisme » rapporte Globes. Finalement, la banque israélienne d’investissement Poalim Capital Markets a collecté 14 millions de dollars pour Yes To, auprès d’« investisseurs institutionnels » états-uniens par le biais de son partenaire William Blair, banque d’investissement US.

Roy David, de chez Poalim, a déclaré à Globes que les grands investisseurs israéliens n’étaient pas suffisamment visionnaires : « Ils n’ont pas compris ce que signifiait une société qui vendait déjà sur 6500 points de vente ». David fait la comparaison entre Yes To et les produits de la Mer Morte Ahava qui, indique Globes, « ne vend que sur quelques milliers de points de vente seulement ». Ahava est la société israélienne des cosmétiques de la mer Morte ; depuis ces dernières années, Ahava rime avec actions de boycotts, des actions de plus en plus nombreuses et réussies, particulièrement à cause de ses fabrications dans les colonies illégales de Cisjordanie, et de son pillage des ressources naturelles des territoires palestiniens occupés.Depuis 2006, dit Globes, « Yes To est devenue une société internationale », mais tous ses produits « sont toujours fabriqués dans sa première usine à Arad », propriété d’Uri Ben-Hur.

De la fierté israélienne, à la honte israélienne

Malgré l’envoi de questions détaillées à Yes To, sur les relations de la société avec Israël, sa seule réponse fut la courte déclaration ci-dessus. (« Nous avons lancé la société… »). Mais il est possible de suivre les efforts progressifs de la société pour retirer ses liens israéliens de la vue du public.

En octobre 2008 – à l’époque de l’article du Globes – le site de Yes To Carrots déclarait fièrement, « Yes To Carrots a son siège social à Tel Aviv, Israël. Notre siège américain est situé juste au nord de Chicago, dans Libertyville, Illinois ». Aujourd’hui, le site indique seulement, « Le siège social de Yes To se trouve dans un magnifique San Francisco, Californie, USA ».En avril 2009, le blog de la société mettait en évidence le témoignage d’une cliente nommée « Denise » qui raconte qu’elle a donné un pot de crème Yes To Carrots à sa copine : « OOOHHH comme elle sentait bon ! Elle a lu les ingrédients et elle a été vraiment impressionnée. Le plus important était que, de notre point de vue spirituel, nous étions heureuses de soutenir Israël »

Donc, du point de vue de la société, l’achat de ses produits devait être légitimement considéré comme un acte politique. Ce sont des exemples de fierté en Israël qu’on ne retrouve pas dans les récentes mises à jour sur le site. Aujourd’hui, par exemple, la page du site Our Story n’indique pratiquement rien sur la véritable histoire de la société – parce cela impliquerait probablement de citer Israël.

Cacher l’information sur l’origine de la boue de la mer Morte

Bien que Yes To ne réponde pas aux questions de The Electronic Intifada sur le « moment » où la fabrication est censée avoir cessé en Israël, le représentant de la société en Nouvelle-Zélande, Countdown Communications, envoie cette déclaration de Lance Kalish, suite aux investigations de John Minto et de Global Peace and Justice Auckland, en novembre !

« Yes To est enregistrée et basée à San Francisco aux États-Unis, et elle détenue en majorité par des sociétés de capital-investissement privées américaines. Tous les produits Yes To sont fabriqués exclusivement aux USA depuis 2010 pour Yes To, sur des sites de Californie, du Vermont et du New Jorsey, et aucun de ses produits n’est fabriqué en Israël. Yes To n’a jamais été la cible (à notre connaissance) d’actions politiques, commerciales ou de BDS dont vous parlez, ayant été distribuée à travers le monde dans 25 pays pendant les six ans écoulés. »

La déclaration de Kalish indique clairement que la société a pris conscience de BDS, et que les carottes et concombres qu’elle peut vendre ne viennent pas d’Israël.

La société ne répond pas à l’enquête de suivi sur le lieu d’où proviennent les extraits de la mer Morte et où ils sont traités.

La mer Morte – un lac réputé pour son eau extrêmement riche en sels et en minéraux – est délimitée sur sa rive occidentale par la Cisjordanie, occupée en 1967 et dans laquelle les colonies israéliennes sont considérées illégales en vertu du droit international, et par des parties de la Palestine historique sur lesquelles Israël s’est implanté en 1948, et sur sa rive orientale, par la Jordanie. Mais peu après l’enquête de The Electronic Intifada, la page des « ingrédients » sur le site de la société qui listait le « limon de la mer Morte » comme ingrédient de plusieurs produits a été retirée, affichant maintenant seulement « Erreur 404 – Page introuvable ».

Anticipant cela, The Electronic Intifada avait fait une capture d’écran de la page entière, telle qu’elle apparaissait le 20 décembre 2012, le jour où l’enquête de suivi a été envoyée.

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Détail de la capture d’écran de la page des ingrédients, retirée par « Yes To Carrots » (voir la page entière).

The Electronic Intifada a pu documenter sur plusieurs autres exemples de pages du site de la société qui ont été lavées des références à la « mer Morte ». Cependant, toutes les références n’ont pas été retirées. Une entrée le 27 janvier 2009 sur le blog de la société met en avant le témoignage d’une cliente, nommée Briana Jackson, qui écrit : « De toute façon, la boue de la mer Morte m’a vendue, parce que je suis une passionnée d’histoire ancienne et que c’est de là que viennent les manuscrits de la mer Morte, ha, ha, ha. »

Les manuscrits de la mer Morte viennent de Qumrân, une région près de la mer Morte en Cisjordanie aujourd’hui occupée. La liste des limons ou de la boue de la mer Morte se trouve également sur les emballages qu’a vu et documenté The Electronic Intifada dans les magasins de Chicago – une chose qu’on ne peut si facilement faire disparaître.

A moins que Yes To ne puisse confirmer qu’elle a cessé toute extraction et tout traitement des minéraux de la mer Morte dans les territoires contrôlés par Israël, dont la Cisjordanie occupée, il est raisonnable de supposer qu’elle continue à agir ainsi, et que ses déclarations à The Electronic Intifada et à Minto sont inexactes, et qu’elle tente de dissimuler cette inexactitude en cachant l’information.

Les autres liens avec Israël

Les autres liens qui se poursuivent de la société avec Israël restent également opaques. La déclaration de Kalish à Minto affirme que la société est possédée majoritairement par des sociétés de capital-investissement privées, mais sans dire qui sont les autres propriétaires. Le site de Sea of Life prétendait le 23 mai 2012 que, « Uri Ben-Hur avait (sic) vendu ses parts à Yes To, (sic) et que la transaction serait terminée le 30 mai et annoncée dans la grande presse américaine ».

Cependant, aucune annonce de ce genre ne semble avoir été publiée. De sorte qu’au moins jusqu’à mi-2012, Ben-Hur était actionnaire. La raison qui aurait poussé Ben-Hur a cherché à revendre ses parts reste elle aussi opaque, mais son business à Ben-Hur est une longue suite de problèmes. En juin 2011, son usine d’Arad a disparu une nuit dans un incendie. Une recherche dans les archives légales israéliennes nous apprend que la justice a été saisie contre Ben-Hur par un certain nombre de ses anciens partenaires en affaires, pour non-paiement de factures.

Ben-Hur a été condamné en février 2012 pour violations flagrantes du droit du travail, alors qu’il exigeait de ses salariés qu’ils travaillent pendant leur jour de repos hebdomadaire. Il a écopé personnellement d’une amende de près de 7000 dollars, avec une option de 60 jours de prison en lieu et place du paiement.

Conférence pour les profiteurs de l’occupation israélienne

Bien que Yes To minimise à toute force ses liens israéliens dans ses relations publiques, elle n’en a pas moins participé à la Conférence Israël de Los Angeles, en 2010, 2011 et 2012. Il s’agit d’une convention d’affaires annuelle qui, « met en avant les dirigeants d’entreprises importantes qui ont été créées en Israël, qui ont des départements Recherche et Développement en Israël, font des affaires en Israël, ou représentent des investisseurs dans des sociétés israéliennes. Les conférenciers représentent l’esprit de l’inventivité du marché israélien ».

Deux éminents « partenaires » mis en avant dans la Conférence d’Israël ne sont autres que Ahava et SodaStream, tous les deux visés par des campagnes internationales de boycotts pour, entre autres, leurs fabrications dans les colonies israéliennes illégales en vertu du droit international.

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Parmi les autres participants, il y a Raanan Horowitz, le PDG de la filiale américaine du fabricant d’armes israélien Elbit System, en tant que « conférencier invité ». Elbit Systems fabrique des armes qui sont utilisées dans des crimes de guerre par Israël contre les Palestiniens – surtout à Gaza – et au Liban ; il y a aussi des officiels du gouvernement israélien, et des représentants du groupe de défense antipalestinien, StandWithUs.

Elbit Systems est aussi l’une des sociétés israéliennes récemment abandonnée par le fonds de pension national de Nouvelle-Zélande, pour son rôle dans la construction du mur israélien annexant la Cisjordanie, déclaré illégal par la Cour internationale de justice en 2004.

Israël n’est pas bon pour votre peau

Quels que soient les liens actuels de Yes To avec Israël et que la société tente de cacher, ses dirigeants n’ont apparemment aucun problème à associer leur marque à des profiteurs de l’occupation et de crimes de guerres de toutes sortes. Il apparaît bien que Yes To ne veuille tout simplement pas dire « NO To » à l’apartheid israélien, même si la société a déménagé son siège social dans le « magnifique San Fransisco ».

Mais les efforts de Yes To pour minimiser ses liens israéliens – et le retrait préventif de beaucoup, sinon de la totalité, de sa fabrication vers les États-Unis – sont des indicateurs de la force grandissante du mouvement BDS et de la toxicité de la marque Israël.

Avec nos remerciements à Dena Shunra pour les recherches supplémentaires.

alt Ali Abunimah est co-fondateur de The Electronic Intifada, et l’auteur de « One Country : A Bold Proposal to End the Israeli-Palestinian Impasse » (Metropolitan Books, 2006). Cet article est paru initialement sur le site du Guardian « Comment is Free », sous le titre « No peace for Israel »