Menu
13/11/12

Le Ministre luxembourgeois des Affaires Etrangères : « Israël doit stopper totalement la construction de colonies »

Il faut arrêter la construction avant que des négociations puissent commencer, dit-il. Il estime aussi que l’ONU devrait accorder aux Palestiniens le statut d’observateurs.

Mardi les ministres des affaires étrangères de l’Union européenne, dont l’Allemand Guido Westerwelle, doivent mener leur première réunion multilatérale avec leurs homonymes de la Ligue Arabe. Les plus hauts diplomates européens et arabes doivent y discuter de la guerre civile en Syrie ainsi que du processus de paix bloqué au Moyen-Orient. L’un des sujets les plus controversés qu’ils auront à traiter est celui de la politique israélienne de construction de colonies dans les Territoires Occupés palestiniens.

Mardi dernier, le gouvernement israélien a déclaré vouloir avancer la construction de 1.200 maisons à Jérusalem-Est et en Cisjordanie. Catherine Ashton, la haute représentante pour les affaires étrangères ‎de l’Union européenne a publié une déclaration exprimant ses « profonds regrets » à propos de ce développement. « Les colonies sont illégales en droit international » écrit Ashton. L’UE a déjà exhorté à plusieurs reprises le gouvernement d’Israël à cesser immédiatement toutes ses activités de colonisation en Cisjordanie y compris à Jérusalem-Est, conformément à ses obligations découlant de la feuille de route ». A Berlin également, le ministre Guido Westerwelle a qualifié le développement « d’obstacle » au processus de paix.

A l’approche de la réunion de mardi au Caire, SPIEGEL ONLINE a parlé avec le Ministre luxembourgeois des Affaires étrangères Jean Asselborn à propos des récents développements dans la région.

SPIEGEL ONLINE : Israël vient de bombarder des positions syriennes pour la première fois depuis des décennies, après une frappe d’obus de mortier syriens sur les Hauteurs du Golan jeudi dernier. Les pays voisins risquent-ils d’être atteints par la guerre civile ?

Asselborn : Je ne le pense pas. Les militaires israéliens ont réagi très modérément aux obus syriens. La Turquie a fait preuve d’une semblable compréhension pour la situation chaotique en Syrie ces dernières semaines. Toutefois, Israël devrait aussi tenir compte du fait que les obus syriens sont tombés sur le Golan, qui n’est pas considéré comme étant un territoire israélien au regard du droit international.

SPIEGEL ONLINE : La violence monte aussi dans la bande de Gaza.

Asselborn : Personne ne peut ni ne devrait justifier la violence – pas même si elle vient de Palestiniens à Gaza. Mais il faut aussi s’occuper des raisons derrière cette violence. Toute personne qui connaît Gaza sait quelle sorte de cocotte-minute cet endroit représente. La paix et la sécurité pour Israël ne s’obtiendront pas par des murs et des clôtures ni par des chars et des missiles. Dans l’intérêt des Palestiniens tout autant que des enfants israéliens, il faut enfin créer une perspective de paix.

SPIEGEL ONLINE : Le Premier Ministre Benjamin Netanyahou a offert de rencontrer immédiatement le Président palestinien à Ramallah ou Jérusalem pour des négociations de paix. Pourquoi les Palestiniens rejettent-ils cette offre ?

Asselborn : Parce ce n’est rien d’autre qu’une parole en l’air. La politique des colonies d’Israël est un affront pour tout Palestinien parce qu’il s’agit d’une provocation continuelle. Le nombre de colons juifs dans les zones occupées par Israël augmente plus rapidement que le taux de natalité palestinien – c’est ce que montrent les calculs des Nations Unies. Le gouvernement israélien autorise la construction d’appartements sur des terres où ils n’ont rien à faire. Il y a des routes que seuls les colons sont autorisés à utiliser et des rues séparées pour les personnes palestiniennes. En outre, le nombre d’actes violents perpétrés par des colons a augmenté de 32 % au cours de la dernière année. Beaucoup de coupables restent dans l’impunité.

SPIEGEL ONLINE : Au début de son mandat, Netanyahou annonçait un moratoire de huit mois sur la construction – un geste qui l’a mis sous pression politique dans son pays. Pourquoi Abbas n’en a-t-il pas tiré profit ?

Asselborn : Ce n’était pas un gel véritable des activités coloniales, parce que les constructions qui avaient déjà été approuvées ont toujours pu être réalisées. On ne peut pas attendre des Palestiniens qu’ils négocient dans de telles conditions. Israël soit cesser totalement la construction de colonies – et ensuite les négociations pourront commencer. Si les choses se poursuivent comme maintenant, les Palestiniens n’auront bientôt plus la moindre chance d’avoir encore un territoire national connecté.

SPIEGEL ONLINE : Mais les Palestiniens eux aussi continuent de provoquer les Israéliens. Abbas a l’intention de poser sa candidature comme statut d’observateur auprès des Nations Unies.

Asselborn : C’est une requête absolument justifiée et non une provocation. On oublie souvent que le Plan de Partition de la Palestine des Nations Unies en 1948 prévoyait deux Etats – Israël à côté d’un Etat arabe. Après l’échec des Palestiniens l’an dernier à leur troisième demande d’être reconnus comme un Etat par le Conseil de Sécurité de l’ONU, Abbas annonça qu’il allait suivre le modèle du Vatican et poser la candidature de la Palestine au statut d’observateur à l’Assemblée générale.Il a même proposé de formuler la résolution en commun avec les Israéliens, mais Netanyahou a refusé.

SPIEGEL ONLINE : L’Union européenne a-t-elle soutenu cet effort ?

Asselborn : En dernier ressort, l’UE tentera de parler d’une seule voix. La position commune ne peut pas être que nous disions tous « non ». Même l’abstention de tous les 27 pays membres n’aurait aucun sens à mes yeux. Je suppose que quelques-uns vont s’abstenir mais que tout le reste votera « oui ».

SPIEGEL ONLINE : Il est difficile d’imaginer que le gouvernement allemand fasse quoi que ce soit qu’Israël rejette aussi largement.

Asselborn : Le fait que le gouvernement allemand soit soucieux des intérêts de l’état israélien est un mandat historique. Mais Berlin ne devrait pas identifier les intérêts du peuple israélien et ceux du gouvernement Netanyahou. La sécurité israélienne ne s’améliorera vraiment que si les Palestiniens obtiennent leur propre état. La solution des deux états n’est pas un cadeau fait aux Palestiniens. C’est la base de la paix en Israël.

SPIEGEL ONLINE : Comment les choses se présentent-elles à Londres et à Paris ?

Asselborn : Il semble que la France et la Grande-Bretagne tendent vers le oui. Espérons que cela aura une influence sur la position allemande.

SPIEGEL ONLINE : Traditionnellement les Néerlandais soutiennent aussi les Israéliens. Les choses ont-elles changé avec le nouveau gouvernement à La Haye ?

Asselborn : J’ai l’impression que les Néerlandais agissent d’une manière plus ouverte et plus prévoyante qu’auparavant sur la question palestinienne.

SPIEGEL ONLINE : Les Israéliens craignent que le statut d’observateur à l’ONU ne donne aux Palestiniens le droit de poursuivre des responsables politiques et militaires auprès de la Cour Pénale Internationale.

Asselborn : Le droit international s’applique à tout le monde. En tant que pays qui adhère à l’ordre du droit, Israël ne devrait pas avoir de problème avec cela. Il me semble que Netanyahou a une autre raison de s’opposer à une amélioration du statut des Palestiniens à l’ONU. En termes pratiques, cette promotion dans la reconnaissance internationale constituerait un pas en avant vers un état indépendant. C’est ce dont Netanyahou ne veut pas.

Interview par Christoph Schult

Jean Asselborn, 63 ans, est Ministre des Affaires étrangères et Vice-Premier Ministre du Luxembourg depuis 2004. Il mène aussi le groupe parlementaire du Parti ouvrier Socialiste Luxembourgeois.

12 novembre 2012 – Spiegel Online – Vous pouvez consulter cet article à
http://www.spiegel.de/international…
Traduction : Info-Palestine.net – Marie Meert