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20/03/13

Lettre de Brahim Senouci au président de la Fondation du FC Barcelone

Monsieur le Président de la Fondation du FC Barcelone,
Il semblerait que l’équipe du FC Barcelone ait décidé d’aller disputer un match en Israël le 31 juillet prochain.
C’est une décision d’une extrême gravité. Elle est de nature à ruiner l’immense capital de sympathie que cette équipe a accumulé dans le monde, notamment dans les pays arabes.
M. Rosell explique sa décision par une sorte de diplomatie du ballon rond. Il pense que, face à l’échec des négociations de paix, il y a place pour une stratégie analogue à celle du ping pong qui a conduit à une relative normalisation des relations entre la Chine populaire et les Etats-Unis.
Cette vision relève, au mieux, de la naïveté. Elle ignore, ou feint d’ignorer, qu’Israël torpille les efforts de paix depuis des décennies, avec la bénédiction des puissances de ce monde. La stratégie israélienne vise à annexer l’ensemble de la Palestine historique en la vidant silencieusement de ses occupants légitimes.
Je vous invite à consulter sur le site de l’ONU la liste et le contenu impressionnants des dizaines de résolutions qu’Israël refuse d’appliquer, la liste des 47 vetos étasuniens à autant de résolutions pourtant adoptées par l’écrasante majorité des nations membres de l’ONU.
Je vous invite à lire, toutes affaires cessantes, l’Avis de la Cour Internationale de Justice du 9 juillet 2004 (Avis intégré dans la résolution E 105 de l’Assemblée Générale des Nations Unies du 20 juillet 2004). Cet Avis, adopté par 14 des 15 juges (le quinzième étant étasunien…), récapitule l’ensemble de la politique israélienne pour la condamner sans réserve.
Si vous avez encore un peu de temps, lisez les rapports pertinents d’Amnesty International, de Human Rights Watch, de la Fédération Internationale des Droits de l’Homme. Lisez le Rapport Goldstone, les rapports des rapporteurs spéciaux de l’ONU dans le Territoire Occupé, Richard Falk et John Dugard notamment.
Monsieur le Président, il y a 5 ans, nous avions fondé le Tribunal Russell sur la Palestine (www.russelltribunalonpalestine.com). Cette initiative a été parrainée par plus de 120 grandes personnalités internationales, dont l’ancien Secrétaire Général des Nations Unies, Pierre Boutros Boutros-Ghali, des Prix Nobel de littérature (Harold Pinter, José Saramago…), de grands écrivains dont Juan Goytisolo, des sportifs, des cinéastes, d’anciens responsables politiques (Dries Van Agt, ancien Premier Ministre Hollandais, Milan Kucen, ancien Président Slovène, Ahmed Ben Bella, premier Président de l’Algérie indépendante,…). La liste est très longue, trop longue pour être détaillée ici.
Ce tribunal a tenu 5 sessions, sous les auspices d’un jury où se sont côtoyées des personnalités éminentes sous la présidence de feu Stéphane Hessel, Ambassadeur de France. Parmi ces personnalités, notons, Maired Maguire, Prix Nobel de la Paix, Ronald Kasrils, ancien ministre du premier gouvernement de la nouvelle Afrique du Sud, John Dugard, rapporteur spécial des Nations Unies dans le Territoire Occupé, Roger Waters, leader du célèbre groupe des Pink Floyd, Angela Davis, icône du mouvement Noir et féministe aux Etats-Unis, Cynthia Makinney, femme politique, ancienne membre du Congrès des Etats-Unis, Martin Pallin, membre de la Cour Suprême espagnole, Gisèle Halimi, ancienne membre du jury du premier Tribunal Russell sur le Vietnam…
Les conclusions des cinq sessions de ce Tribunal sont sans ambiguïté. Elles condamnent Israël et ses complices pour la politique scandaleuse qui se poursuit en Palestine.
Notez que le première session du Tribunal s’est tenue à Barcelone en mars 2010. Le Tribunal y a reçu un accueil chaleureux. La Mairie de Barcelone a contribué pour moitié au financement de cette session. La couverture médiatique de cette session a été impressionnante.
Une idée s’était exprimée lors de la préparation de cette session, celle d’organiser un match de football entre les Barça A et B. Les joueurs du Barça A auraient joué sous leurs couleurs. Ceux du Barça B aurait joué avec  des maillots floqués comme sur cet exemple: « Messi, je joue pour Sersak, prisonnier à Gaza ».
Si vous voulez faire avancer la paix à l’aide d’un ballon rond, voilà une piste possible.
Méfiez-vous du wishfull thinking, Monsieur le Président. La seule exigence à formuler est celle de l’application du Droit International. La solution est dans les textes pertinents, non dans dans des tentatives naïves qui présupposent une symétrie illusoire entre deux adversaires. Mettez-vous du côté des victimes, non de celui des tortionnaires, des colonisateurs…
Si vous maintenez votre funeste projet d’aller jouer en Israël, le nom du Barça restera lié dans l’Histoire l’oeuvre de mort qui a cours en Palestine, et qui consiste en l’éradication du peuple palestinien de la terre des ses ancêtres!
Brahim SENOUCI

Membre du Comité Organisateur International du Tribunal Russell sur la Palestine